Intervention de Damien Pichereau

Réunion du mercredi 16 décembre 2020 à 16h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDamien Pichereau, rapporteur :

Dans ce contexte, il nous semble nécessaire de réviser les directives encadrant le Duty Free dans les transports internationaux non seulement pour tenir compte du Brexit – et de ce que cela implique pour le tunnel sous la Manche – mais aussi, plus largement, pour supprimer toutes les distorsions de concurrence potentielles entre les différents modes de transport.

Une harmonisation des règles fiscales applicables pourrait se faire en deux sens, soit étendre la possibilité de Duty Free à toutes les gares internationales sous douane présentant des garanties de contrôle suffisantes, soit supprimer le Duty Free pour les ports et les aéroports.

Bien qu'il soit possible de supprimer le Duty Free pour tout le monde – et c'est sans doute l'option privilégiée par la Commission européenne –, nous défendons pour notre part une extension du Duty Free à toutes les liaisons ferroviaires internationales directes. Cette solution nous semble la plus rationnelle.

Il est important de préciser que nous ne cherchons pas à instaurer un statut dérogatoire permanent pour le tunnel : les règles doivent être les mêmes pour tous les opérateurs soumis à des conditions d'activité comparables (ports, tunnels, gares internationales sous douane). Des distorsions de concurrence entre le réseau Eurostar et les aéroports ne seraient pas non plus acceptables. Il serait d'ailleurs curieux, à une époque où l'on cherche à promouvoir des modes de transport « verts », que seuls les aéroports puissent vendre des produits Duty Free quand les gares ne le peuvent pas.

Les gares internationales (pour le réseau Eurostar : Paris-Nord, Bruxelles, Amsterdam, Rotterdam, etc.) devraient donc pouvoir bénéficier de la possibilité d'installer des comptoirs de vente hors taxes, sous réserve qu'elles soient en capacité d'isoler physiquement les voyageurs s'apprêtant à quitter le territoire de l'Union et de s'assurer que ces personnes ne puissent pas y « faire leurs courses » sans avoir acheté de billet. Dans l'immédiat, la spécificité du Tunnel, outre son histoire et son statut particulier, tient au fait que les infrastructures permettant de contrôler les flux de personnes et de marchandises y existent déjà. Ce n'est pas encore le cas à Paris-Nord, par exemple, mais ça pourrait l'être d'ici quelques années.

En outre, et afin d'éviter que les voyageurs puissent profiter du Duty Free sans quitter l'union douanière, la possibilité d'installer des comptoirs hors taxes devrait être réservée aux liaisons internationales directes, c'est-à-dire sans escale entre les deux points de vente en Duty Free. L'accès aux liaisons directes se ferait par des espaces dédiés, sous contrôle douanier, afin de cloisonner les rames directes et les rames susceptibles de faire des arrêts intermédiaires à Lille ou à Calais.

Cette solution de long terme que nous proposons – réviser les directives pour harmoniser les règles fiscales applicables – ne résoudra toutefois pas le problème au 1er janvier. Elle serait assez simple d'un point de vue rédactionnel, car il suffirait d'adjoindre quelques lignes aux articles 158 et 14 de la directive de 2006 et de la directive de 2008, sur le modèle de ce qui était prévu à l'article 28 de la directive de 1992. Mais, dans une matière qui requiert l'unanimité au Conseil, un tel processus de révision pourrait prendre plusieurs années. La directive « accise » de 2008 vient d'ailleurs d'être réécrite par une nouvelle directive de décembre 2019, après plusieurs années de négociations. Nous regrettons que l'occasion n'ait pas été saisie pour traiter la question pourtant prévisible du régime qui serait applicable au Tunnel après le départ du Royaume-Uni.

En tout état de cause, nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre une nouvelle révision de ces directives, car nous connaîtrons dès le 1er janvier une situation d'insécurité juridique et un risque de distorsion de concurrence contraire aux règles les plus fondamentales du marché intérieur, avec des conséquences concrètes sur le terrain – en termes d'emploi – qui ne peuvent pas être négligées.

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