Intervention de Bernard Deflesselles

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Deflesselles, rapporteur :

L'objet de notre rapport est de vérifier si l'objectif de l'Union européenne est crédible : pourrons-nous parvenir à la neutralité carbone en 2050 ?

L'horizon 2050, c'est dans trente ans. Pour répondre à cette question, il convient auparavant de faire un panorama du contexte international.

L'Europe n'est pas une île. Elle représente à peine 10 % des émissions mondiales. En 2021, la COP 26 se réunira au mois de novembre à Glasgow en Écosse : cette réunion cristallisera les ambitions qui doivent être renouvelées des Nations Unies et des 180 pays ayant participé à la COP 21 à Paris en 2015. Cette année 2021 est donc cruciale.

Dans les accords de Paris de 2015, il y avait un paragraphe très important énonçant que tous les 5 ans, les pays devaient réviser leurs engagements. Toutefois, la COP n'a pu se tenir en 2020, et c'est donc en 2021, en novembre, à Glasgow, que les ambitions vont devoir être mises à jour.

Par ailleurs, les pays ne se situent pas sur la trajectoire de l'Accord de Paris. Ce dernier prévoyait une limitation de l'augmentation de la température à 1,5 °C, voir 2 °C d'ici la fin du siècle. C'est en lien avec cet engagement que l'Union européenne souhaite atteindre la neutralité carbone en 2050. L'un ne va pas sans l'autre.

Or, tous les rapports du GIEC démontrent que nous sommes plutôt sur une trajectoire de 3,2 °C à 3,5 °C. On constate tous les jours les désagréments occasionnés que ce soit les inondations, la diminution des glaciers, le recul de la banquise qui s'accélère, ou encore les cyclones qui touchent un nombre important de pays.

Avec une augmentation de 3,5 °C, la trajectoire serait aggravée et cela deviendrait très problématique. D'où la nécessité de respecter l'Accord de Paris et d'aboutir à la neutralité carbone à l'horizon 2050.

Si l'on consulte les chiffres d'émissions de CO2 par tête d'habitant, la France est à 5,2 tonnes par habitant et l'Allemagne à 9,5 tonnes. Lorsque la Chancelière Merkel a pris la décision de promouvoir les énergies renouvelables et d'abandonner progressivement le nucléaire, elle a finalement été conduite à ouvrir des centrales à charbon. Les émissions de gaz à effet de serre sont ainsi le double de celles de la France.

Si l'on s'intéresse aux États-Unis, c'est près de 16 tonnes, d'où l'importance des déclarations du nouveau Président Biden selon lequel ce pays devrait revenir immédiatement dans l'Accord de Paris. C'est un signe important dans la lutte contre le réchauffement climatique.

La Chine se situe à 7,8 tonnes par habitant. Quand vous multipliez ce chiffre par ceux de sa population, on aboutit à un total d'émissions considérable. La Chine et les Etats-Unis constituent à eux deux près de 45 % des émissions mondiales.

L'Europe, qui représente à peine 10 % des émissions mondiales, est ainsi contrainte par les 90 % d'émissions de gaz à effet de serre qui viennent d'autres pays. L'Europe a toujours été en tête de pont pour expliquer que la lutte contre le réchauffement climatique était une lutte de première importance. Le premier paquet climat, où était inscrite la fameuse règle des 3×20, remonte à 2008. Cela fait une douzaine d'années que l'Europe a gravé dans le marbre ses ambitions. Il s'agissait alors de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 %, de faire en sorte que le mix énergétique européen comporte 20 % d'énergies renouvelables et d'augmenter de 20% l'efficacité énergétique d'ici 2020.

Le niveau de ces ambitions a ensuite été révisé à la hausse. Dans le dernier paquet datant de 2018, l'ambition affichée est de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre pour 2020, d'améliorer l'efficacité énergétique d'au moins 32 %, et d'obtenir une part d'au moins 32 % d'énergies renouvelables dans le mix énergétique.

Concernant la baisse des émissions de gaz à effet de serre, nous sommes sur une trajectoire de baisse de l'ordre de 19 à 20 %. Le même constat peut être fait concernant le mix énergétique. Là où nous sommes un peu faibles, c'est sur l'efficacité énergétique. Et l'on comprend bien pourquoi : c'était un objectif qui n'était pas vraiment contraignant.

Les ambitions de la Commission ont été portées par sa présidente qui a mentionné la lutte contre le changement climatique comme une de ses priorités.

L'idée était de rehausser le niveau des ambitions européennes. La proposition de passer à une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55% représentait un saut important par rapport à l'objectif de 40 %.

Le Parlement européen s'est saisi de cette affaire et sa commission de l'environnement a décidé de mettre la barre à 60 %. La rapporteure, Mme Jytte Guteland, avait même proposé une réduction de 65 %. Le résultat est un objectif de 55 % que le Conseil européen a cristallisé au cours de sa réunion de décembre 2021 et qui sera déjà très difficile à obtenir.

Les premiers résultats ne sont en effet pas à la hauteur de nos ambitions. Quand nous étudions les différentes auditions qui ont été menées par la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen et le Haut Conseil pour le climat, nous observons que les résultats oscillent entre 36 et 40 %, c'est-à-dire un niveau de réduction qui est en ligne avec l'objectif initial de 40% mais pas celui de 55 %. Ceci nous pose un problème et nous conduit à penser que nous ne sommes plus sur la trajectoire.

La France se trouve, de ce point de vue, à l'unisson de l'Union européenne. Pour réussir l'objectif de 2030 et celui de 2050, il faudrait que nous diminuions les émissions de gaz à effet de serre de 7,6 % tous les ans. Or, depuis quelques années, nos émissions augmentent en général de 1 à 2 %. Les seules exceptions sont l'année 2019 qui a vu une petite baisse de 0,1 % et l'année 2020 à cause de la COVID (diminution de 6,7 %). Certains en concluent que pour atteindre nos objectifs, il faudrait ralentir le rythme de croissance !

Concernant des deux autres objectifs relatif à l'efficacité énergétique et au mix énergétique, nous ne sommes pas tout à fait non plus sur la trajectoire nécessaire même si c'est moins défavorable que pour les émissions de gaz à effet de serre.

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