Intervention de Clément Beaune

Réunion du mardi 30 mars 2021 à 17h15
Commission des affaires européennes

Clément Beaune, secrétaire d'État :

Le processus de ratification du plan de relance adopté par le Conseil européen en juillet dernier puis par le Parlement européen à la fin de l'année 2020, reste à achever dans seize pays sur les vingt-sept États membres de l'Union – tous devraient l'avoir ratifié d'ici à la fin du mois d'avril. La vie démocratique et constitutionnelle de chaque pays de l'Union européenne est ainsi faite que le processus a connu une péripétie supplémentaire en Allemagne, avec la saisine de la cour constitutionnelle de Karlsruhe. Cette dernière fixe, bien entendu, son délai de réponse, mais des analystes chevronnés l'estiment entre cinq et six semaines. Le gouvernement allemand et le Bundestag défendront devant elle un solide argumentaire juridique en faveur du plan de relance. Si les ratifications sont acquises au début du mois de mai, nous pouvons espérer des décaissements pour les préfinancements au cours de ce même mois. Cela reste bien sûr une prévision. En outre, il faudra faire en sorte – nous nous y employons déjà avec Bruno Le Maire – que la Commission européenne soit diligente dans l'examen des plans nationaux de relance et de résilience.

Quant aux perspectives d'amplification du plan de relance, le Président de la République a planté la graine, évoquant, lors du Conseil européen, puis en conférence de presse, la nécessité de compléter la réponse européenne en matière de relance. Le défi du moment est toutefois de faire fonctionner le plan actuel, d'obtenir les décaissements. Nous devrons ensuite réfléchir à la stratégie économique d'après crise pour assurer la transition écologique et numérique. Nous ne sommes pas aujourd'hui au niveau des États-Unis, mais il nous faut trouver le juste équilibre entre le développement de nos capacités d'investissement et le redressement progressif des comptes publics nationaux. Ce débat, avec celui des règles budgétaires, sera ouvert par la présidence française de l'Union européenne.

Le plan Biden de 1 900 milliards de dollars n'est pas seulement un plan de relance, puisqu'il vise aussi à renforcer les mesures d'urgence face aux risques d'accroissement de la pauvreté et des inégalités et à soutenir le pouvoir d'achat et l'activité des entreprises, comme nous l'avons fait en Europe. Ce plan sera complété par des dépenses d'investissement, que le président Biden devrait annoncer dans les prochains jours. Par ailleurs, en termes d'amortisseurs sociaux, la France consacre vingt points de dépenses publiques supplémentaires par rapport aux États-Unis. Nos amortisseurs sociaux sont sans commune mesure avec ce qui existe aux États-Unis et j'en suis fier. On ne peut donc pas comparer les 1900 milliards américains aux 750 milliards de relance européenne , même si les prévisions actuelles des grands organismes internationaux montrent que les Américains retrouveront leur niveau de croissance d'avant crise avant nous.

Je n'ai exprimé aucun satisfecit, j'ai simplement exprimé la conviction que l'on doit poursuivre nos efforts dans un cadre européen. Je n'ai pas dit que nos résultats étaient parfaits, les comparaisons internationales le montrent, mais elles montrent aussi que nos résultats ne sont pas les pires. En proportion de sa population, la Chine, dont vous avez vanté la gestion sanitaire, vaccine deux fois moins que nous et il en est de même pour la Russie. Nous ne sommes pas, à ce stade, les meilleurs du monde, mais je crois que nous pouvons le devenir pourvu que l'acquisition et la production de doses de vaccins ainsi que le développement de l'innovation se fassent à l'échelon européen.

Sur les vaccins de deuxième génération, l'HERA est la préfiguration d'une agence européenne inspirée de l'agence américaine de recherche biomédicale, la BARDA. Son budget de 150 millions d'euros n'est pas négligeable, mais c'est un montant encore très insuffisant pour développer de manière sérieuse les innovations sur les vaccins de deuxième génération et accroître nos capacités de production. Comment renforcer le budget d'innovation médicale européenne ? Nous en discuterons lors du prochain Conseil européen, et il faudra peut-être prendre des initiatives à quelques États membres. C'est une priorité absolue de l'après-crise. Le renforcement de la politique européenne de santé est une priorité, car l'absence de compétence européenne en matière de santé avant la crise a été une de nos faiblesses, même si cela ne justifie pas tout.

Vis-à-vis de la Turquie, l'Union européenne n'est plus dans la naïveté ou dans la complaisance. La Turquie n'est pas une forme de démocratie chrétienne orientale. Ce n'est pas sa stratégie extérieure ni sa politique intérieure et nous le regrettons. C'est nous qui avons fait émerger le débat sur la Turquie au Conseil européen. Malgré les nuances et les différences, nous avons trouvé un équilibre, notamment franco-allemand, qui consiste à rester ouverts au dialogue tout en maintenant la pression, notamment grâce aux sanctions décidées en décembre dernier par le Conseil européen. Nous sommes prêts à durcir notre politique à l'égard de la Turquie, mais attendons le résultat des prochains échanges entre Mme von der Leyen, M. Michel et M. Erdogan. Nous aurons un nouveau rendez-vous en juin sur ce sujet.

S'agissant de l'aide aux réfugiés, il répond à nos intérêts à la fois humanitaires et migratoires de la prolonger. Nous avons posé comme condition que cet argent ne transite pas par les autorités turques et que les fonds soient gérés par les organisations non-gouvernementales et internationales afin que l'aide atteigne ses destinataires. Une faible partie de cette aide avait, dans ses deux premiers abondements, transité par les autorités publiques turques, en matière d'éducation notamment. Notre objectif est de réduire à zéro le montant géré par les autorités turques pour éviter toute contradiction entre la nécessité d'aider les réfugiés et le dialogue parfois difficile avec les autorités d'Ankara.

Mea culpa si je n'ai pas apporté toute la clarté nécessaire sur le certificat sanitaire, car je soutiens la proposition de la Commission européenne faite par Thierry Breton il y a quelques jours. La confusion vient aussi des termes employés. J'utiliserai le mot « certificat » ou « passe sanitaire » en insistant sur le mot sanitaire, car il ne s'agit pas d'un document strictement vaccinal – il ne sera pas nécessaire, et encore moins obligatoire, d'être vacciné pour pouvoir circuler librement en Europe. Le certificat sera un document, papier ou numérique, qui attestera de la situation sanitaire de son porteur : soit celui-ci sera vacciné – c'est la proposition de la Commission européenne –, soit il présentera un test négatif, comme c'est exigé par la France et beaucoup d'autres pays européens pour les déplacements intra-européens, soit il possèdera une immunité acquise après avoir contracté la covid. Ce document sera harmonisé au niveau européen et, pour lever les doutes sur la qualité des vaccins, il ne reconnaîtra que les vaccins autorisés par l'Agence européenne des médicaments.

Personne ne sera obligé de porter ce certificat dans son téléphone ou dans sa poche, mais il est possible que certains États l'exigent pour circuler, comme c'est le cas aujourd'hui pour les tests PCR. Ce document représentera une amélioration par rapport à la situation actuelle puisqu'il sera harmonisé et clair, et la preuve qu'il apportera d'une vaccination, d'un test PCR négatif ou de l'immunité acquise permettra de retrouver la libre circulation en Europe. Sa mise en place est prévue pour le mois de juin.

Ce certificat ne rendra donc pas la vaccination obligatoire. Ce n'est ni l'intention de la France ni celle de la Commission européenne d'obliger ceux qui, demain, voudront aller au restaurant ou au théâtre à se faire vacciner, même si certains pays aujourd'hui le font, mais de manière limitée à certaines activités. Même si la France atteint l'objectif de vacciner 30 millions de personnes vaccinées d'ici au mois de juin, les jeunes de moins de 18 ans ne le seront pas et nous ne pourrons pas leur interdire de prendre des vacances ou de réaliser un échange universitaire dans un autre pays d'Europe. Le débat sur le certificat sanitaire se poursuivra jusqu'au mois de juin entre les États membres et au Parlement européen. Nous aurons donc l'occasion d'en reparler, mais je souhaitais clarifier les concepts.

Le stock italien n'est pas miraculeux. Les 29 millions de doses identifiées dans l'usine d'Agnani à proximité de Rome n'ont pas encore été recensées, pour des raisons de transparence et d'anonymat. Les autorités de contrôle et le laboratoire cherchent encore à confirmer que 16 millions de ces doses sont destinées au marché européen, dont 2 millions de doses pour la France, à raison de sa quote-part de 15 % dans toutes les livraisons européennes, et 13 millions de doses à COVAX.

Les règles qui s'appliquent sont les mêmes pour tous les vaccins, qu'ils soient russes, allemands ou américains. Le vaccin russe Spoutnik V est soumis, comme tous les vaccins, à une rolling review, c'est-à-dire à l'examen détaillé des preuves scientifiques, par l'Agence européenne des médicaments. Cette procédure ne sera pas finalisée avant le mois de juin et devra être suivie par l'avis sur l'autorisation de mise sur le marché.

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