La Hongrie a effectivement reçu des doses des vaccins chinois et russe et les a mis en circulation avant l'autorisation européenne. Ce n'est pas notre choix, car ni nos autorités scientifiques nationales ni les autorités scientifiques européennes n'ont fini l'examen du vaccin russe. En Slovaquie, le gouvernement est tombé parce que l'ensemble des partis de la coalition, à l'exception du premier ministre, ont voulu respecter le cadre européen. L'agence sanitaire nationale slovaque a d'ailleurs recommandé que les doses de vaccin russe ne soient pas mises en circulation avant la réponse de l'agence européenne. Par ailleurs, en l'état actuel de nos informations, il semble que la production des doses du vaccin russe soit encore faible et elle est inexistante en Europe. Le vaccin russe n'est donc pas une solution miracle qui aurait été exclue. S'il était autorisé, il ne le serait qu'en juillet, à un moment où l'Union européenne disposera de doses de vaccin de façon massive. Il ne résout donc pas le problème actuel posé par la nécessité d'accélérer les campagnes de vaccination.
Le vaccin de Johnson and Johnson a été autorisé et ses livraisons commenceront à partir du mois d'avril. Le calendrier indicatif de livraison de doses que notre ministère de la santé produit régulièrement indique que, au cours du deuxième trimestre, un peu plus de 10 millions de doses seront livrées en France. Au niveau européen, entre 55 et 60 millions de doses sont attendues au cours du deuxième trimestre, mais je dois vérifier ces chiffres.
Nous pouvons avoir ici une conversation plus posée que dans l'hémicycle sur la levée des brevets. Le brevet n'est pas un moyen d'obtenir un profit excessif ; sa fonction est de rémunérer l'innovation. Une des conditions mises par l'université d'Oxford dans son partenariat avec AstraZeneca est la vente à prix coûtant, partout dans le monde, des doses de vaccin. Les Britanniques sont légitimement fiers de ce vaccin, mais je voudrais rappeler qu'il a été financé à hauteur de 85 millions d'euros par les programmes de recherche de l'Union européenne à une époque où le Royaume-Uni était encore membre de l'Union européenne. Ce vaccin est donc aussi un vaccin européen. Les brevets sont donc utiles pour rémunérer et encourager l'innovation, notamment dans le domaine des vaccins de deuxième génération dont nous aurons certainement besoin. BioNTech est une réussite européenne, car cette start-up a été créée par deux chercheurs allemands financés en partie par des bourses européennes, mais sans leur motivation individuelle et les brevets qu'ils ont déposés, leur entreprise n'aurait pu recevoir les investissements très risqués dont elle avait besoin.
Il ne faut pas que cette légitime rémunération soit un obstacle à l'accès aux vaccins qui doivent être vus comme un bien public mondial. Le parlement italien a d'ailleurs récemment insisté sur ce concept. Pour favoriser cet accès, plutôt que de lever les brevets, l'Union européenne a choisi, avec les États-Unis, la solidarité internationale en finançant à hauteur de 40 % l'initiative COVAX qui a déjà permis d'acquérir et de livrer plus de 30 millions de doses dans cinquante-sept pays, principalement en Afrique. L'Union européenne compte poursuivre ces efforts. Elle a ainsi commandé 2,6 milliards de doses, soit largement plus que ce dont nous avons besoin pour vacciner les 450 millions d'habitants de l'Union. Ces commandes représentent une marge de précaution permettant de diversifier le portefeuille des vaccins et de livrer le plus rapidement possible les États membres de l'Union. Elles permettront également de fournir des doses de vaccins à des pays qui n'ont pas les moyens de les développer ou de les produire chez eux.
Quand bien même nous lèverions les brevets, la capacité industrielle de production n'est pas là. C'est donc en aidant et en finançant la production en Europe et ailleurs que nous pourrons faire des vaccins un bien public mondial. La directrice générale de l'OMC, qui est particulièrement sensible aux intérêts de l'Afrique sur ce sujet, a dit que la levée des brevets n'était pas la meilleure solution. L'Union européenne, ainsi que l'OMS et de nombreux pays africains, soutiennent des solutions innovantes de transfert de technologie qui permettront d'aller au-delà des dons de doses à court terme en favorisant le développement, au bout d'un délai d'un an ou deux, d'une production locale en Afrique et ailleurs.