Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mercredi 14 avril 2021 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges, rapporteur :

Beaucoup d'entre vous ont souligné le nombre élevé de directives. Lorsque nous avons évoqué le nombre de 1 000 textes européens transmis au parlement chaque année, il s'agissait de directives et règlements. Il serait absurde que nous nous investissions sur tous les textes, mais, une fois par an, le gouvernement pourrait nous présenter un rapport sur l'état de la législation européenne en cours, qui fournirait l'occasion de mettre en avant les directives importantes, sur lesquelles nous pourrions nous concentrer. Il nous paraît nécessaire d'avoir un vrai rendez-vous en séance publique sur l'action législative européenne du gouvernement pour avoir une vision globale.

Je suis personnellement convaincu qu'une implication directe de l'Assemblée parlementaire franco-allemande dans le travail de transposition serait source de difficultés considérables. Il appartient aux gouvernements français et allemand, s'ils désirent travailler ensemble, de s'entendre pour la partie réglementaire de la transposition. Pour ce qui concerne la transposition dans le domaine législatif, le double binôme de parlementaires que nous avons proposé pourrait participer à ce travail de coordination. Soyons pragmatiques pour mettre en commun des domaines de compétence nationale avec les Allemands sans créer une sorte sous-section à l'intérieur de l'Union européenne.

Le mécanisme de transposition fonctionne. La Constitution a été interprétée de façon rigoureuse par le Conseil constitutionnel. La transposition est une obligation et personne, en France, ne s'en affranchit. Même si nous pouvons avoir des retards, il n'y a aucune mauvaise volonté, ni sur les délais, ni sur la qualité.

Pour ce qui concerne les principes de subsidiarité et de proportionnalité, je rappelle que, selon le traité, la subsidiarité ne s'applique qu'aux compétences partagées. Les compétences exclusives sont définies selon un principe d'opportunité, et non de subsidiarité. La revendication de subsidiarité, en particulier de la part des Britanniques lorsqu'ils étaient encore membres de l'Union, m'amuse en ce que la subsidiarité constitue le principe fondamental du fédéralisme. Si on appliquait le principe de subsidiarité à l'ensemble du traité, on aboutirait à un transfert massif de compétences à l'échelon européen. Un grand juriste belge appartenant à la Cour de justice de l'Union européenne avait décrit le fonctionnement de l'Union européenne comme du fédéralisme à l'envers : on met en commun ce que chaque État estime pouvoir mettre en commun sans mettre en péril ses propres intérêts nationaux, c'est-à-dire soit ce qui compte assez peu, soit dans le cadre d'un « donnant-donnant ».

Pour la constitution des binômes, là encore, soyons pragmatiques. La question n'est pas celle de la base juridique, mais celle de la détermination dont nous pourrons faire preuve. Si nous exerçons des pressions assez fortes sur le Gouvernement, les choses peuvent se passer assez simplement. Lorsqu'une proposition importante est déposée par la Commission, le SGAE peut le signaler aux assemblées pour qu'elles désignent des parlementaires pour suivre le dossier et, de temps en temps, le Représentant permanent auprès de l'Union européenne ou la direction ministérielle compétente, les informe de l'état de la négociation et des positions des uns et des autres. Il ne faut pas faire une cathédrale juridique, mais s'inspirer du pragmatisme anglo-saxon.

Il est vrai que la circulaire constitue un véhicule un peu médiocre pour les fiches d'impact, mais l'essentiel serait que la qualité de ces fiches s'améliore.

La question du mandat renvoie à l'exemple du Danemark, où le Folketing enferme le gouvernement dans un mandat impératif extrêmement strict pour les négociations au Conseil. Sur le plan européen, si tous les gouvernements avaient un mandat impératif, plus rien n'avancerait. J'ai d'ailleurs remarqué que les États fédéraux comme l'Allemagne, avaient plus de mal à avoir une logique fédérale au niveau européen, parce que, lorsqu'ils ont trouvé un point d'équilibre entre tous les Länder, ils ont beaucoup de difficultés à faire évoluer leur position. Il faut que nous soyons plus présents et plus actifs sans pour autant tenir la bride trop courte au cheval gouvernemental. Il faut lui laisser des marges de négociation.

Nous avons mis en lumière l'exemple de la Suède. Les Suédois sont tellement pénétrés de la supériorité intrinsèque de leur système sur tous les autres, qu'ils procèdent au travail de transposition un peu tardivement et un peu négligemment. Une diplomate suédoise m'avait d'ailleurs indiqué que les suédois étaient très embêtés par le Brexit, parce que, au lieu de s'aligner sur les positions britanniques, ils allaient devoir travailler.

Le modèle suédois est exactement opposé à celui du Danemark. Le Danemark est un petit pays qui s'accroche et qui ne veut pas qu'on lui impose des règles dont il ne veut pas. Il est plus proche du modèle continental que la Suède, mais plus difficile comme négociateur.

Nous pouvons résumer nos recommandations en trois indicatifs : connaître, suivre, choisir. Pour l'instant, nous connaissons peu et mal les procédures, la faute nous en incombe puisque nous n'avons pas demandé quelles étaient les mesures communautaires applicables. Suivre, c'est-à-dire qu'il faut suivre du début jusqu'à la fin le processus. Choisir car nous devrions avoir la possibilité de choisir les méthodes à appliquer.

Concernant l'idée de Christophe Grudler d'intégrer les députés européens aux binômes : je crois que le Parlement européen est législateur de premier rang pour les directives et il me semble normal que de notre côté nous ayons des circuits d'information entre parlements nationaux pour comprendre la position de chacun.

Dans ce rapport, nous ne mettons pas en cause les directives. Nous acceptons cette logique communautaire. Cependant, il nous semble important de faire respecter les prérogatives des parlements nationaux.

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