Intervention de Damien Pichereau

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 16h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDamien Pichereau, rapporteur :

À travers l'étude de la stratégie de mobilité européenne, le cas du transport routier a particulièrement retenu notre attention. Le premier tome de ce rapport se focalise sur celui-ci.

Pour comprendre l'ampleur des changements qui lui sont demandés, il faut avoir à l'esprit ce qu'il représente à la fois en termes d'utilisation et d'émission de gaz à effet de serre.

C'est d'une part le moyen de transport le plus utilisé par les citoyens. Par exemple plus de 80 % du transport de passagers de l'Union se fait par la route. De plus, 75 % des marchandises transitent par la route dans l'Union européenne. Comme l'avait souligné Élisabeth Borne, alors Ministre des Transports, dans son discours à l'occasion du centenaire de l'Organisation internationale des constructeurs automobiles (OICA) en 2019, « la voiture reste la colonne vertébrale des déplacements de bon nombre de nos concitoyens ».

Pourtant, le transport routier est le mode de transport le plus polluant, il génère 72 % des émissions de gaz à effet de serre que produisent les transports en Europe. Il est encore trop dépendant des énergies fossiles puisque 95 % du parc des véhicules routiers en circulation a recours aux carburants traditionnels dans l'Union.

Or, les usagers de la route ne couvrent pas le coût des externalités qu'ils produisent, à travers la fiscalité sur les carburants et les péages. Si cette disparité concerne la plupart des véhicules et des milieux, elle s'accentue pour les voitures personnelles qui circulent en milieu urbain ainsi que pour les voitures roulant au diesel. Pour ma part, j'attire votre attention sur les véhicules utilitaires légers qui montent en puissance. Pourtant, une tonne transportée par VUL émet plus de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques que son transport par poids lourd – il faut donc les inclure davantage.

Dans ce contexte, nous devons réussir la transition écologique du transport routier. D'autant que nous pouvons compter sur une opinion publique favorable en Europe puisque près des deux tiers des citadins soutiennent l'idée que seules les voitures à zéro émission soient vendues en Europe à l'horizon 2030.

Pour atteindre les objectifs du pacte vert, la Commission européenne a fait de nombreuses et ambitieuses propositions pour le secteur routier, dont trois ont été concrétisées avec le paquet Fit for 55.

Premièrement, la fin de la vente des voitures à moteur thermique en 2035. Mettre ces objectifs en amont de la chaîne permet de faire peser les nouvelles réglementations sur les constructeurs et non sur le consommateur final. Pour arriver à ce résultat, les objectifs de réduction des émissions de CO2 ont été revus à la hausse tant pour les voitures que pour les camionnettes.

Pour l'instant, les États membres semblent divisés sur cette proposition : d'un côté, l'Autriche, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas par exemple souhaitent avancer l'échéance à 2030. De l'autre, la Hongrie, la Bulgarie et la République Tchèque souhaitent quant à eux allonger ce délai.

Nous y sommes favorables pour notre part. Néanmoins, d'autres solutions techniques existent afin de favoriser la réduction des émissions de CO2. L'exemple du rétrofit est particulièrement parlant et est fortement encouragé en France. Pour rappel, le rétrofit vise à remplacer le moteur thermique d'un véhicule par un moteur électrique.

Par ailleurs les annonces réalisées le 12 octobre dernier par le Président de la République, dans le cadre des objectifs France 2030, de produire près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides ainsi que de produire le premier avion bas carbone montrent la volonté de la France de maintenir ses objectifs de baisses des émissions de CO2 à court terme.

Deuxième point, le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs, qui devrait contribuer à l'essor des voitures électriques. En effet, le règlement révisé demande aux États membres d'augmenter leur capacité de recharge au rythme des ventes de véhicules à émissions nulles. De manière pratique, cela suppose d'installer des points de recharge et de ravitaillement à intervalles réguliers sur les grands axes routiers. La Commission propose une distance de 60 kilomètres entre chaque borne électrique et de 150 kilomètres pour le ravitaillement en hydrogène, qui permet, comme vous le savez, une meilleure autonomie.

Cet objectif ambitieux suppose de remédier à la disparité dans le maillage des bornes de recharge : 70 % des bornes se trouvant dans trois États membres, dont la France et les Pays-Bas, alors que leur existence est presque nulle dans d'autres pays, comme en Roumanie par exemple.

Nous pensons que l'augmentation de la capacité devrait être décorrélée du rythme de vente puisque l'existence des infrastructures nécessaires à la recharge est un facteur clé dans les décisions d'achat des consommateurs.

Enfin, la création d'un marché du carbone pour le secteur routier et les bâtiments. De loin la proposition la plus controversée du paquet Fit for 55, concernera les fournisseurs. Alors qu'elle s'inscrit bien dans l'idée d'un principe pollueur-payeur, cette idée a suscité des réactions mitigées des acteurs du secteur et des États membres. D'un côté, certains craignent le caractère punitif de la mesure, d'autres comme la France se montrent prudents et demandent des études d'impact exhaustives avant une éventuelle entrée en vigueur.

En effet, augmenter le prix du carbone risque de renchérir le prix de l'énergie et donc de pénaliser le consommateur final. La flambée des prix de l'énergie actuelle dont les gouvernements nationaux tentent de limiter l'impact sur les Européens, rappelle l'enjeu de l'acceptabilité sociale des mesures écologiques. Se pose la question de savoir si le fonds pour le climat sera en mesure de compenser l'augmentation des prix.

Chers collègues, vous l'aurez compris : la transition écologique des transports est nécessaire, elle constitue un enjeu fondamental pour l'Europe. Néanmoins, pour être viable, elle doit reposer sur des objectifs atteignables et réalistes. Dans l'ensemble nous sommes favorables aux propositions connues jusqu'ici, mais nous appelons les institutions européennes à nous donner davantage de précisions sur les moyens de la mise en œuvre – ce qui nous semble aujourd'hui faire défaut.

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