Intervention de Coralie Dubost

Réunion du mercredi 27 octobre 2021 à 15h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCoralie Dubost, rapporteure :

Mes chers collègues, Mme la présidente, avant d'aller sur le fond du rapport, je tiens à vous remercier toutes et tous. Effectivement, il y a eu une grande solidarité de toute l'Assemblée nationale, des collègues et des services.

Concernant le sujet que nous allons vous présenter, je suis d'autant plus heureuse que ce sujet fait suite à un premier rapport qui avait eu lieu au sein de cette commission, où le co-rapporteur était Vincent Bru. Nous avions entamé des travaux plus larges sur l'état de droit en général et le bureau de cette commission qui a décidé de se centrer sur l'État de droit dans le contexte des états d'urgence sanitaire et de voir comment cela avait été adapté à nos démocraties.

Il s'agit ici de se concentrer exclusivement sur ce que la crise sanitaire a eu comme impact sur l'État de droit, ainsi que les réactions nationales et européennes qui ont été constatées pendant cette crise. Dans notre méthodologie, nous avons cherché à créer un consensus à la fois sur le constat que nous pouvons faire mais aussi sur les quelques propositions que notre rapport contient et qui visent à ce que l'Union européenne soit toujours mieux armée pour préserver les droits fondamentaux dans les périodes exceptionnelles.

La crise a en effet rendu nécessaire, pour la quasi-totalité des États membres, de mettre en place des « états d'urgence sanitaire » qui ont conduit à restreindre temporairement et parfois drastiquement certaines libertés fondamentales, notamment en matière de réunion, de déplacement voire d'association.

Le Conseil de l'Europe a tenu un décompte précis des États membres ayant eu recours à des états d'urgence. Ainsi, 9 États membres avaient déclaré l'état d'urgence au plus fort de la crise, au printemps 2020, en vertu de leurs Constitutions, 5 États membres ont déclaré cet état d'urgence sur la base de leur droit commun (dont l'Allemagne et la France) et 14 États membres ont eu recours à la législation normale pour faire face à la pandémie.

En mai 2020, 6 États membres ont notifié une dérogation à certains droits fondamentaux en vertu de l'article 15 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Ainsi, aucun État membre n'a été totalement épargné par la nécessité de prendre des mesures rapides et portant atteinte à certaines libertés.

Toutefois, il faut bien se rendre compte que ces états d'urgence ont eu des périmètres et des intensités qui ont fortement varié en fonction des États. Ainsi, d'après un rapport sur la démocratie internationale, 15 États membres (dont la France) avaient adopté des mesures dites « hautement restrictives », c'est-à-dire avec fermeture des frontières, couvre-feu, fermeture des services d'enseignement et limitation de la liberté de circulation.

Notre rapport avait donc pour vocation de mesurer comment et dans quelle proportion ces états d'urgence avaient affecté l'État de droit. Pour cela, il nous faut d'abord définir ce que l'on entend par « État de droit ». Nos auditions nous ont montré une nouvelle fois que ce terme ne fait pas consensus au sein de l'Union européenne. Comme vous le savez, l'article 2 du traité sur l'Union européenne parle de « valeurs » dont fait partie l'État de droit, sans le définir. Il faut donc aller chercher dans d'autres textes pour trouver des définitions plus précises, en particulier le rapport annuel de la Commission européenne sur l'État de droit, mais également la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.

Selon nous, cinq critères peuvent être retenus pour définir ce que l'on entend par État de droit. D'abord, la légalité, c'est-à-dire une procédure d'adoption des textes de loi qui soit transparente, responsable, démocratique et pluraliste. Ensuite, la sécurité juridique puis l'interdiction de l'arbitraire du pouvoir exécutif. Aussi, une protection juridictionnelle effective, c'est-à-dire des juridictions indépendantes et impartiales, la séparation des pouvoirs et l'égalité devant la loi.

Tous ces critères nous permettent de mieux cerner ce que l'on peut entendre par État de droit. Sur cette base, nous avons donc cherché à savoir comment il était possible d'évaluer la compatibilité entre un état d'urgence et l'État de droit. Selon nous, il faut pour cela que les mesures de l'état d'urgence remplissent quatre critères.

D'abord, la légalité : il faut que l'état d'urgence entre dans un cadre légal. Ensuite, la proportionnalité : il faut que les mesures de l'état d'urgence soient proportionnées aux risques encourus. Enfin, le caractère temporaire : il faut que la durée des mesures de l'état d'urgence soit définie en amont et que leur reconduction fasse intervenir le pouvoir, le contre-pouvoir parlementaire. Enfin, bien entendu, il faut que la possibilité d'un contrôle parlementaire et judiciaire soit garantie.

Ces quatre critères nous permettent de mieux comprendre les débats qui ont eu lieu durant la crise sur la préservation de l'État de droit. En guise de constat général liminaire, nous pouvons dire, comme la Commission européenne l'a fait dans son dernier rapport annuel sur l'État de droit, que les États ont « fait preuve d'une résilience considérable » dans cette crise.

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