Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du mercredi 12 janvier 2022 à 14h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli, rapporteure :

Pour y arriver, l'Union européenne propose d'abord d'achever le réseau transeuropéen de transport, qui doit faciliter l'interconnexion entre les États membres en prenant mieux en compte les enjeux d'interopérabilité, de transition numérique et de verdissement. Elle propose ensuite de relancer le transport de personnes sur de longues distances, à travers les trains de nuit par exemple, en vue de relier les capitales européennes. Les initiatives nationales foisonnent : la compagnie autrichienne, par exemple, propose déjà ce type de liaison jusqu'à Berlin, et même Paris. Enfin, l'Union envisage d'introduire des mesures incitatives, comme l'exemption de TVA sur les billets de train au niveau de l'Union, et innovantes, comme la billetterie multimodale conviviale.

Nous sommes favorables à ces mesures, même si nous voulons appeler votre attention sur quelques points. D'abord, il faut un meilleur pilotage des mégaprojets, pour s'assurer de leur viabilité financière et de leur pertinence écologique. Sur ce point, la Cour des comptes a rendu plusieurs avis critiques. Il convient ensuite de mieux informer les citoyens, au moment où ils achètent leurs billets – sur le coût au kilomètre ou la performance écologique, par exemple – pour les aider à faire des choix éclairés. Enfin, une vision d'ensemble des interactions entre les différents modes de transport à différentes échelles est essentielle pour s'assurer de l'effectivité du report modal.

Nous sommes tous convaincus que le rail jouera un rôle clé dans la décarbonation des transports, mais son rôle ne doit pas être pensé en silo : il faut tenir compte de la dynamique des autres modes de transport. Les mesures proposées doivent donc faire l'objet d'un suivi rigoureux de la part des institutions européennes et, dans la mesure du possible, des parlements nationaux.

Nous avons également choisi de consacrer une partie de notre rapport au secteur aérien et aux enjeux spécifiques qui s'y attachent. Avant la pandémie, il s'agissait d'un secteur particulièrement dynamique, représentant 2,1 % du PIB européen et employant environ 400 000 personnes.

S'il s'agit, dans l'ensemble, d'un mode de transport plutôt onéreux, l'arrivée sur le marché des compagnies low-cost a démocratisé l'avion et fait augmenter le nombre de passagers. En 2019, la part de marché de ces compagnies était de 38 % en Europe, signe de leur enracinement dans le secteur.

Néanmoins, il demeure que les 10 % les plus aisés de la population mondiale sont responsables de 75 % de l'énergie utilisée par l'aviation. Le principe pollueur-payeur a ainsi une réelle pertinence pour ce secteur, d'autant plus qu'il s'agit du mode de transport le plus polluant : en Europe, un voyage en avion émet en moyenne cinq à six fois plus de CO2 par passager et par kilomètre que le train. D'une manière générale, l'aviation est responsable d'environ 2 % des émissions totales de CO2, un chiffre qui grimperait à 5 %, voire 8 % des émissions en tenant compte des traînées de condensation, c'est-à-dire du CO2 émis pendant le vol. Si aucune mesure n'est prise pour réguler davantage les émissions de l'aviation, celles-ci pourraient doubler à l'horizon 2050. Une intervention à l'échelle européenne est donc bienvenue pour réguler ce secteur.

Cependant, une éventuelle régulation doit prendre en compte des éléments conjoncturels.

En premier lieu, le secteur est fortement fragilisé par la pandémie de covid-19. On relevait, par exemple, une réduction des arrivées de touristes internationaux en Europe de 70 % en 2020 par rapport à 2019. Malgré un soutien important des États – avec de faibles contreparties climatiques puisque seules la France et l'Autriche les ont prises en compte – le secteur demande que les efforts écologiques qui lui sont assignés tiennent compte de ce contexte.

De plus, le secteur fait face à une forme de désamour croissant de la part des usagers, à l'image du mouvement flygskam, venu de Suède, rassemblant des citoyens qui disent avoir honte de prendre l'avion, au vu du contexte climatique. Loin d'être anecdotiques, ces mouvements prennent de l'ampleur en Europe et aux États-Unis, à tel point que près de 21 % des personnes sondées aux États-Unis et en Europe – soit une personne sur cinq – disent avoir réduit leurs voyages en avion.

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