J'ajoute qu'il est aussi possible de réduire l'énergie consommée par un travail sur les opérations aériennes ; c'est précisément le but du projet « Ciel unique européen » et de son volet technologique le programme « SESAR ». Je ne développe pas ce point qui est détaillé dans le rapport.
Le deuxième grand levier consiste à utiliser des carburants moins polluants. Il existe deux grandes possibilités, qui ne sont pas rivales mais complémentaires : pour les avions de ligne jusqu'à 3 700 km de distance, l'hydrogène liquide utilisé en combustion directe ; et, pour les autres avions dont notamment les long‑courriers, les carburants durables d'aviation (SAF).
Concernant les SAF, ces carburants ont l'intérêt d'être déjà utilisables avec les avions actuels, à condition d'être mélangés avec du kérosène. D'ici 2030-2035, ils seront utilisables purs, autrement dit sans aucun kérosène. Le potentiel de réduction des émissions des SAF s'élève à 80 %, voire plus selon les filières. Les carburants durables d'aviation sont dès lors la solution la plus évidente pour décarboner le secteur aérien, parce qu'elle est la seule solution disponible aujourd'hui et la seule à être compatible avec tous les avions.
On distingue deux types de carburants durables d'aviation : les biocarburants et les carburants de synthèse, qui diffèrent par la matière première, la technologie et les coûts de production. Les biocarburants sont produits à partir de biomasse. Ils sont faciles à produire et relativement peu coûteux, mais la biomasse est disponible en quantité limitée et son exploitation n'est pas toujours très durable.
De leur côté, les carburants de synthèse sont produits à partir d'électricité et d'hydrogène. La matière première est potentiellement illimitée et leur potentiel de réduction des émissions est supérieur à celui des biocarburants mais la technologie n'est pas encore mature, tandis que leur coût de production est élevé.
Les biocarburants eux-mêmes se divisent en plusieurs filières de production :
- Les biocarburants « de première génération » (sucres, huiles végétales, …) vont bientôt être abandonnés, car ils sont en concurrence avec l'industrie alimentaire ;
- Les biocarburants « de deuxième génération », eux, sont produits à partir de déchets, de résidus ou de matières premières non-alimentaires, ce qui les rend plus intéressants ;
- Enfin, une troisième génération de biocarburants verra le jour dans quelques années et elle sera produite à partir d'algues.
Quel que soit le type de carburant retenu, leur usage n'est pas limité par des contraintes technologiques mais par des facteurs de marché. En effet, l'offre est insuffisante et les prix sont trop élevés : les biocarburants les moins chers coûtent trois fois plus que du kérosène. Les prix des SAF baisseront lorsque les volumes de production augmenteront, mais il faut bien que la production démarre, et aujourd'hui les prix sont décourageants. D'où l'intérêt d'une politique volontariste au niveau européen, comme on l'expliquera tout à l'heure.
S'agissant de l'avion à hydrogène, l'hydrogène liquide est le carburant le plus intéressant, car il est le seul à n'émettre aucune émission de CO2 en vol. Néanmoins, il est très spécifique et a des propriétés très contraignantes : propension à fuir, inflammabilité extrême, risque d'explosions, etc. En outre, l'hydrogène liquide doit être maintenu à une température dite « cryogénique » de – 253 degrés, ce qui implique d'adapter les réservoirs, le circuit de distribution et les infrastructures d'avitaillement. Surtout, l'hydrogène liquide est très volumineux et nécessite des réservoirs trois à quatre fois plus grands, raison pour laquelle il ne pourra pas être utilisé sur des avions long-courriers.
Airbus travaille actuellement au développement d'un avion à hydrogène en vue d'une mise en service en 2035. L'entreprise envisage trois concepts d'avions, dont celui d'« aile volante ». Il s'agit d'une grande aile en forme de triangle : les passagers seraient assis à l'intérieur de l'aile. Aérodynamique et capable de transporter une grande quantité de carburant, l'« aile volante » est un concept performant et disruptif mais aussi, de ce fait, plus risqué.
Même s'il ne prend pas la forme d'une « aile volante », l'avion à hydrogène est une réalité à horizon 2035. Il s'agit dès lors de préparer les infrastructures aéroportuaires pour qu'elles puissent distribuer de l'hydrogène à – 253 degrés. Depuis l'an dernier, le secteur privé travaille activement à cet objectif et plusieurs projets sont nés à Paris, à Lyon et à Hambourg. Cependant, pour donner aux aéroports la capacité de se transformer, il faut établir une véritable politique européenne afin de coordonner les acteurs.