Ainsi, les politiques publiques doivent accompagner la transition écologique de l'industrie aéronautique.
Pour ce qui est des carburants durables d'aviation (SAF), la Commission européenne veut créer une obligation d'intégrer progressivement ces carburants dans les réservoirs des avions : c'est ce qu'on appelle le « mandat d'incorporation ». La proposition de règlement « ReFuelEU Aviation » s'inscrit dans le paquet « Fit for 55 » et dans le Pacte vert pour l'Europe qui vise la de neutralité carbone à horizon 2050.
Du fait de son caractère contraignant, le « mandat d'incorporation » est le moyen le plus sûr d'atteindre les objectifs de réduction des émissions et de donner une impulsion décisive au développement des filières de SAF. Comme mon collègue l'a dit, le principal obstacle à leur développement réside dans des prix trop élevés. Or, le « mandat d'incorporation » permet d'enclencher un cercle vertueux : la demande étant garantie, les investissements et l'offre suivent de sorte à créer une spirale de baisse des prix.
La Commission a retenu un objectif final de 63 % de SAF dans les réservoirs en 2050. Nous soutenons cette cible, qui est ambitieuse, mais nous pensons que les étapes intermédiaires sont trop faibles et qu'il faut « démarrer plus fort » pour envoyer un signal clair au secteur et réduire les coûts.
Quand on regarde cette trajectoire, on s'aperçoit en effet qu'il y a un écart très important entre la cible de 2030, 5 % de SAF, et la cible de 2035, 20 % de SAF. La Commission européenne craint que la production de SAF en 2030 ne soit pas suffisante pour dépasser les 5 % en 2030. Mais si elle ne dépasse pas 5 % en 2030, comment va-t-elle atteindre 20 % en 2035 ?
Si la trajectoire à moyen-terme n'est pas satisfaisante, c'est parce qu'elle résulte d'un compromis entre des Etats très ambitieux, comme les pays du nord, et des États membres plus conservateurs qui négligent l'importance de développer des filières de carburants alternatifs. Les pays du nord, eux, ont déjà prévu d'imposer au niveau national 30 % de SAF en 2030 ! Or, en l'état, le règlement européen aura pour effet d'interdire aux États membres de fixer des mandats nationaux plus élevés. C'est un comble : on va interdire à la Suède, au Danemark, aux Pays-Bas de fixer des règles nationales plus contraignantes pour leurs propres compagnies aériennes ! Il est donc essentiel que le règlement soit modifié et qu'il permette aux États membres d'aller plus loin s'ils le souhaitent.
Ce qu'il faut bien voir, c'est que le mandat d'incorporation est un véritable outil de politique industrielle : en fixant une trajectoire ambitieuse, on envoie un signal au secteur, on « dérisque » les investissements, on garantit la demande et ainsi on crée une offre nouvelle. Au plus tôt les prix baissent, le mieux ce sera. Par le passé, l'Union européenne s'est trop souvent engagée dans des politiques normatives au détriment de sa propre compétitivité, mais il s'agit ici de soutenir un projet industriel global qui produira de nombreuses externalités positives.
Nous proposons donc un renforcement du mandat d'incorporation de 2030 de 5 % à 10 %, ainsi qu'un renforcement de la part du « sous-mandat » lié aux carburants synthétiques. Avec ces petits ajustements, nous obtenons une trajectoire beaucoup plus harmonieuse. J'insiste aussi sur la nécessité d'écarter les SAF issus de filières non-durables, afin de ne pas nuire à l'objectif environnemental.