Notre quatrième proposition vise à flexibiliser les opérations et missions européennes, notamment par le recours à l'article 44 du TUE. Aux termes de cet article, « le Conseil peut confier la mise en œuvre d'une mission à un groupe d'États membres qui le souhaitent et disposent des capacités nécessaires pour une telle mission. Ces États membres, en association avec le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, conviennent entre eux de la gestion de la mission ». Certes, la décision initiale reste prise à l'unanimité mais une fois qu'elle est prise, la mise en œuvre de la mission est réservée aux seuls États-membres qui y participent effectivement, allégeant ainsi considérablement son fonctionnement.
De même, toujours pour flexibiliser ces opérations et missions, les présences maritimes coordonnées (PMC) pourraient être développées.
Une PMC consiste à coordonner les actions des différentes marines européennes dans une zone déterminée, afin d'optimiser le temps de présence à la mer. Il s'agit d'un instrument très souple puisque les ressources restent subordonnées aux chaînes de commandement nationales, qui se coordonnent via une cellule de coordination au sein de l'EMUE.
Une PMC pilote a été lancée en 2020 contre la piraterie dans le golfe de Guinée et une autre devrait l'être prochainement dans le nord-est de l'océan indien. D'autres pourraient suivre, palliant à la difficulté pour l'Union européenne de lancer des opérations « exécutives ».
Enfin, notre dernière proposition ne vise pas tant à renforcer l'efficacité des opérations et missions militaires de l'Union européenne qu'à poser une limite à celle-ci.
Cette limite, c'est l'éthique. Certes, l'Union européenne doit « muscler » ses missions et ses opérations afin d'en renforcer l'attractivité pour les pays concernés, et mieux faire face à la concurrence d'autres fournisseurs de sécurité tels que la Russie, la Chine ou la Turquie.
Toutefois, l'Union européenne n'est pas la Russie, la Chine ou la Turquie. Sa PSDC s'appuie, dans sa mise en œuvre, sur les mêmes valeurs que celles qu'elle promeut sur la scène internationale, en particulier le respect des droits humains. C'est la raison pour laquelle les formations dispensées dans le cadre des EUTM comportent toujours des cours sur le droit international humanitaire, sur les droits humains, sur l'égalité de genre et, d'une manière générale, sur l'éthique du combattant.
De même, bien que ce soit regrettable sur le plan de l'efficacité, les formateurs européens n'accompagnent pas leurs recrues au combat.
Enfin, les équipements militaires fournis via la Facilité européenne de paix obéissent à des règles très strictes afin de limiter autant que possibles les détournements et les abus.
Il va sans dire que cette éthique n'est pas forcément celle des mercenaires de Wagner, ni le respect des droits humains une composante essentielle de la formation militaire dispensée par les concurrents de l'Union européenne en Afrique. Dans ces conditions, il faut accepter que l'offre européenne soit parfois écartée et ne pas faire un objectif en soi de « gagner des parts de marché » de la formation militaire.
Lorsque les conditions dans le pays ou les exigences des autorités ne permettent plus le respect de cette éthique, l'Union européenne doit en tirer les conséquences et se retirer.