Intervention de Bénédicte Peyrol

Réunion du mardi 2 juin 2020 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Peyrol, rapporteure spéciale (Engagements financiers de l'État) :

Je rappelle que plus de 99 % des crédits du programme 117 financent la charge de la dette et la trésorerie de l'État programme 117.

Disons-le d'emblée, l'exécution 2019 de la mission a été très bonne : la dépense est inférieure à la prévision et en diminution significative par rapport à 2018. Les crédits de paiement de l'ensemble de la mission ont été exécutés à 40,6 milliards d'euros, en diminution de 1,4 milliard d'euros par rapport à 2018 (– 3,3 %).

Ces résultats s'expliquent par la charge de la dette et de la trésorerie de l'État, qui s'est établie à 40,3 milliards d'euros, soit le niveau le plus faible depuis 2009. Ce montant a diminué de 1,3 milliard d'euros par rapport à 2018, ce qui résulte de plusieurs effets : l'augmentation de l'encours de la dette de l'État a eu un effet défavorable d'un milliard d'euros ; la diminution de l'inflation a eu un impact favorable de 0,8 milliard d'euros – car 200 milliards d'euros d'encours de titres sont indexés sur l'inflation – ; enfin, l'effet de taux d'intérêt a joué favorablement à hauteur de 1,6 milliard d'euros. Sur l'ensemble des émissions de moyen et long terme, le taux moyen s'est ainsi établi à 0,11 % en 2019 contre 0,53 % en 2018.

Paradoxalement, la charge est donc en nette diminution, alors que l'encours de la dette négociable s'est accru de 66 milliards d'euros en 2019. Cette augmentation est toutefois inférieure à l'augmentation constatée en 2018 (+ 70 milliards d'euros) notamment parce que la faiblesse des taux d'intérêt a entraîné environ 20 milliards d'euros de primes à l'émission nettes des décotes qui ont permis de réduire l'endettement de court terme. La commission des finances a consacré à ce seul sujet une audition de M. Anthony Requin, directeur général de l'Agence France Trésor, le 15 janvier dernier.

Le niveau de la charge de la dette et de la trésorerie de l'État est par ailleurs inférieur de 1,8 milliard d'euros à la prévision de la LFI pour 2019 principalement pour deux raisons : une inflation plus faible que prévue, ce qui a un effet sur les charges d'intérêt payés sur les titres indexés pour un impact de 0,7 milliard d'euros ; des taux d'intérêt de court terme maintenus à un niveau plus faible que prévu (– 0,58 % en moyenne sur l'année, contre une prévision de – 0,50 %).

Je constate également que le déficit de l'État a été meilleur que prévu de 15 milliards d'euros, ce qui a mécaniquement réduit le besoin de financement par rapport à la prévision de la LFI.

S'agissant de l'impact de la crise sur les crédits de la mission en 2020, évidemment, le besoin de financement de l'État sera nettement supérieur à 2019 et à celui prévu en LFI pour 2020. Selon la deuxième LFR pour 2020, qui sera bientôt actualisée, il serait supérieur de 94,1 milliards d'euros à la prévision initiale. L'encours de dette va donc augmenter, ce qui aura un effet haussier sur la charge de la dette.

Pour le moment, il est prévu que cet effet haussier soit plus que compensé par une inflation inférieure à la prévision et par des taux d'intérêt toujours faibles. Il est tout à fait vrai de dire que la France s'endette faiblement grâce à la politique de la BCE. C'est aussi parce que les marchés ont une bonne perception de la qualité de la signature française que les spreads avec l'Allemagne restent bons. Ils reconnaissent ainsi les bons fondamentaux de l'économie et la crédibilité de la politique menée. La dette française est très demandée, notamment par les assureurs, ne serait-ce que pour des raisons de réglementation prudentielle.

Je souligne également que les marchés valorisent aussi la grande qualité de la gestion de l'AFT. L'agence est mondialement reconnue pour sa compétence, pour sa crédibilité et pour sa capacité à garantir la liquidité de notre dette.

Pour le moment, les taux restent faibles, les principaux risques pour les marchés résidant, semble-t-il, dans les dissensions qui pourraient apparaître au niveau européen – avec une attention particulière sur l'Italie – et dans l'évolution de l'épidémie elle-même. L'augmentation du stock de dette est perçue comme un choc ponctuel et général, conséquence de la nécessité de la crise et de la nécessité de soutenir les économies. L'accord franco-allemand et la proposition de la Commission européenne relative à un plan de relance européen sont vus d'un œil favorable. Ils favorisent ce contexte propice au rachat de la dette française.

Enfin, la mission porte également les crédits qui financent les appels en garantie de l'État. Si les appels en garantie sont supérieurs aux rémunérations de ces garanties, c'est la mission qui finance la différence. Elle financera notamment cette différence pour les appels en garantie des prêts garantis par l'État (PGE) et les garanties export. Il est pour le moment trop tôt pour quantifier l'impact de la crise sur ces dépenses.

Je partage avec vous la surprise que j'ai eue à découvrir que les marchés étaient plutôt stables, ce qui s'explique notamment par le fait que c'est une crise mondiale. La BCE a modifié sa politique en rachetant notamment plus de dette italienne qu'elle ne le faisait auparavant, s'écartant de la règle de répartition qui prévalait. La solidarité européenne a donc bien fonctionné, et cela dès le début de la crise.

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