Si je peux comprendre que certains souhaitent que l'unanimité se fasse autour de la proposition de résolution, je vais exprimer une position – celle du groupe La France insoumise – qui va peut-être fragiliser le consensus actuel. Je salue toutefois l'esprit de concertation de M. le rapporteur : nous avons eu de longues discussions, dont j'ai retrouvé les traces dans le texte qui nous est soumis.
Depuis le début de la crise sanitaire, on assiste à l'affaiblissement constant du Parlement. Cela fait presque un an que l'état d'urgence sanitaire a été proclamé, donnant au Premier ministre la possibilité de prendre par décret toutes les mesures jugées nécessaires pour faire face à l'épidémie. Si le caractère d'urgence de la situation nécessite des mesures exceptionnelles, rien ne justifie, en revanche, d'écarter les représentants de la nation de la construction des solutions et des décisions qui en découlent.
Malgré les tentatives du Gouvernement d'ignorer le pouvoir législatif, le groupe parlementaire La France insoumise a travaillé sans relâche depuis l'arrivée du covid-19 en France pour être force de proposition. Ce travail sérieux, à la disposition de toutes et tous, nous a permis de publier onze propositions de loi, six plans, quatre guides et de réunir une commission d'enquête sur la gestion de la crise depuis mars 2020.
Après avoir contourné le Parlement, le Gouvernement l'a muselé. Après un premier rapport rendu en juin 2020 et de nouvelles conclusions au mois de décembre, il a été décidé, fin janvier, on ne sait pour quelle raison, de dissoudre la mission d'information sur la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19. L'explication est peut-être à chercher du côté d'une politique de gestion de crise parfois hasardeuse, que vous préféreriez dissimuler plutôt qu'assumer, chers collègues de la majorité ! Le point culminant de cette dérive est la place prépondérante du Conseil de défense dans la conduite de la politique sanitaire nationale. Cette instance de décision est régie par le secret-défense. Les parlementaires en sont exclus, découvrant parfois l'identité de certains participants par voie de presse.
Nous sommes amenés à débattre de la proposition de résolution tendant à modifier le règlement de l'Assemblée nationale en ce qui concerne l'organisation des travaux parlementaires en période de crise. Nous nous réjouissons que la majorité présidentielle s'essaie à la planification sanitaire que nous réclamons, dans tous les domaines de l'action publique, depuis plusieurs mois. Un commissaire au Plan, M. Bayrou, a même été nommé à cette fin. Toutefois, il semble que le mode d'organisation du prochain scrutin législatif l'intéresse plus que les perspectives de résolution de la crise que nous connaissons.
Nous regrettons que cette proposition de résolution serve de prétexte à un nouvel affaiblissement du Parlement. Le règlement de l'Assemblée nationale, depuis la révision constitutionnelle de 2008, prévoit huit commissions permanentes de soixante-treize députés chacune, sur la base de la représentation proportionnelle des groupes politiques. Certains groupes minoritaires, dont le nôtre, n'ont que deux sièges par commission permanente. La division par deux du nombre de députés présents en commission, en vigueur depuis plusieurs mois, met en péril la possibilité, pour les groupes d'opposition, d'assurer leurs prérogatives de proposition législative et de contrôle de l'action du Gouvernement.
En outre, le texte prévoit que la conférence des présidents pourra « adapter les modalités de vote, le cas échéant en recourant à des outils de travail à distance, dans le respect du principe du vote personnel et des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ». D'après l'exposé des motifs, deux scrutins pourraient être inclus dans le champ du vote à distance : le vote sur l'ensemble d'un texte et le vote sur une déclaration du Gouvernement en application de l'article 50-1 de la Constitution. Les notions de respect du principe du vote personnel et d'exigence de clarté et de sincérité du débat parlementaire ne nous semblent pas justifier que l'on écarte les autres scrutins, qui doivent aussi être énumérés dans l'exposé des motifs.
La confiance n'est pas là. La majorité présidentielle n'en est pas à son coup d'essai en matière de limitation des pouvoirs du Parlement. Le recours fréquent à la procédure accélérée et aux ordonnances, le passage en force, grâce au 49-3, lors du débat sur la réforme des retraites, la réforme du règlement de notre assemblée en 2019, l'irrecevabilité de certains amendements de l'opposition au-delà d'un certain nombre, le recours à une seconde délibération quand le résultat de la première ne satisfait pas le Gouvernement : tout cela laisse penser que cette proposition de résolution est une nouvelle étape de la remise en cause de notre institution. Aucune crise ne saurait justifier une telle dérive. Nous, parlementaires insoumis, refusons d'aggraver le délitement de notre institution et de favoriser la concentration des pouvoirs entre les mains de l'exécutif.