Chers collègues, je vous remercie sincèrement et amicalement pour les paroles que vous avez eues à mon endroit. L'exercice que m'a confié Richard Ferrand était vraiment très intéressant : nous avons réfléchi intensément, avec tous les groupes, à soixante idées qui ont alimenté la boîte à outils, dont nous ne débattons pas aujourd'hui mais qui constitue peut-être l'un des éléments les plus importants du rapport.
Parmi les mesures prises dans le cadre de la gestion de la crise, il en est une qui ne fait pas débat : le vote des textes à deux députés par groupe, dans la période de sidération qui a suivi l'apparition du virus, au mois de mars. Cette pratique est contre-nature au regard des règles de proportionnalité usuelles, et elle est dorénavant clairement exclue. Plus généralement, le respect du principe de proportionnalité a fait l'objet de nombreux débats. Il sera garanti, notamment par la formulation « en tenant compte de la configuration politique de l'Assemblée ».
En revanche, nous n'avons pas trouvé de solution aux nombreuses demandes portant sur le mode de décision actuel de la conférence des présidents. Il avait été proposé de prendre en compte l'opposition d'un président ou d'observer la règle de la majorité des deux tiers – simple à formuler, cela posait en réalité un double problème. Les échanges sur ce sujet ont été nourris, et nous avons choisi de respecter le fait majoritaire, pour plusieurs raisons.
Des raisons historiques, d'abord – si elles ne justifient pas nos comportements présents, elles les éclairent tout de même. Des recherches en archéologie parlementaire m'ont permis de découvrir que la règle du fait majoritaire dans la conférence des présidents a été instituée en 1954 par un député du Doubs, avec l'idée que chaque voix y est portée au prorata du nombre de députés, et que le vote s'en trouve donc pondéré. Depuis 1954 – si l'on exclut un point de procédure selon lequel un président peut s'opposer au non-débat sur un texte, qui serait ainsi validé –, aucune des décisions de la conférence des présidents n'a dérogé à cette règle.
Si, après nos travaux de 2020, nous décidions de mettre fin à la règle majoritaire pour le déclenchement du mode de crise, immanquablement, nous serions conduits à mesurer l'importance de ce sujet par rapport à d'autres thématiques décidées à la majorité, comme le temps législatif programmé (TLP), et tentés d'ouvrir la même possibilité pour celles-là. Nous en avons longuement débattu. Le groupe Les Républicains (LR), par les voix du président Abad et de Philippe Gosselin, bien que souhaitant trouver une règle dérogeant au fait majoritaire, ont convenu que notre institution est fondée sur ce principe et que l'affirmer n'est pas nier le rôle des oppositions. Une large majorité s'est dégagée pour considérer cette solution comme la plus raisonnable.
Le président Pancher l'a dit, tout cela ne fonctionne bien que si l'on crée un consensus assez large. À ce titre, comme nombre d'entre vous, je salue le président Ferrand qui, après la sidération de mars 2020, a su créer l'unanimité sur toutes les décisions qui ont été prises. C'est un message fort : par-delà nos convictions différentes, lorsque l'essentiel est en jeu – c'est-à-dire, les fonctions essentielles du Parlement sans lesquelles certaines décisions ne peuvent être prises –, les présidents de groupes politiques ont convergé unanimes vers la position du président Ferrand.
La clause de revoyure ne figurait pas dans le rapport ; elle est un ajout du groupe Socialistes et apparentés, appuyé par l'UDI. Elle est à présent écrite noir sur blanc dans la proposition. Même si, en théorie, on peut revoir toute décision à chaque conférence des présidents, cela va mieux en le disant. En faire formellement mention dans le texte nous a semblé une bonne idée.
L'unanimité qui a été créée est le meilleur scénario, mais elle s'effrite quand les crises se répètent. On peut alors légitimement se demander si la logique de crise reste justifiée. Au fil du temps, les débats sont plus compliqués. Le choix a donc été fait de respecter le fait majoritaire, pilier, depuis 1954, des décisions de la conférence des présidents. Si une majorité large s'est dégagée en ce sens au fil des réflexions, certains sont néanmoins restés cohérents avec leur position initiale, en disant qu'ils ne pourraient voter le texte si cette règle était conservée.
Je confirme que des travaux sont en cours avec les services pour identifier des lieux alternatifs – en tant que Strasbourgeois, je considère que le Parlement européen serait le meilleur endroit pour accueillir les débats des députés. L'idée est d'être les plus réactifs possible, et d'être prêts avant la crise.
La boîte à outils prend en compte des propositions très concrètes issues des différents groupes politiques, notamment l'augmentation du nombre maximal de questions écrites qui peuvent être posées, ou la possibilité pour chaque député de rendre des contributions écrites, sans restriction – on connaît l'attachement du président Lagarde à ces contributions, qui figurent dans le Journal officiel et font partie des débats.
Le nouveau rôle de François Bayrou est très important, mais ce sujet passionnant n'est pas l'objet de notre discussion.
La « clarté et la sincérité du scrutin » sont des termes constitutionnels, issus de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il s'agit d'éviter ce que l'on pourrait appeler le dol dans d'autres domaines. Un amendement a été déposé, qui vise à juger de la sincérité de l'orateur. Ce n'est pas du tout l'objet du texte : on ne parle pas de la mauvaise foi. Si l'on censurait la mauvaise foi à chaque fois qu'un orateur prend la parole, le débat serait sans fin.
S'agissant de l'irrecevabilité des amendements, chaque réclamation portée lors d'une séance que je préside est étudiée, et une réponse est apportée. L'irrecevabilité, notamment au titre de l'article 45, est un sujet à part entière, qui tient au lien direct ou indirect, non pas intellectuel, mais de cohérence légistique avec les sujets qu'aborde le texte.
Enfin, je connais l'attachement d'Emmanuelle Ménard à la condition des non inscrits. Peut-être ne sait-elle pas que Sébastien Chenu était officiellement nommé pour participer aux travaux du groupe de travail.