Intervention de Laurent Bérard-Quélin

Réunion du mercredi 15 septembre 2021 à 15h30
Mission d'information sur l'application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse

Laurent Bérard-Quélin, président de la FNPS et directeur général délégué de la Société générale de presse :

Je rappelle que si ce droit existe, c'est grâce aux législateurs qui l'ont voté. Je salue la présence de Mme Émilie Cariou qui nous a beaucoup aidés sur ce dossier quand elle était au cabinet de la ministre de la Culture.

Vous avez voté une loi mais son application est difficile. Il est grand temps que les pouvoirs publics nous soutiennent pour mettre en œuvre ce droit ! Le Sénat et l'Assemblée nationale nous soutiennent depuis longtemps et la ministre de la Culture a fait une déclaration très prometteuse au dîner de l'Humanité, qui nous appelle à l'union pour une mise en œuvre rapide de ce droit.

Nous représentons 450 éditeurs de presse, beaucoup de petits, de moyens et quelques gros, 1 200 publications, 314 services de presse en ligne reconnus par la commission paritaire des publications et agences de presse. Les diffusions sont très variables mais elles ont une valeur éditoriale très importante puisque ce sont des contenus très spécialisés, que vous utilisez dans votre travail, comme des contenus juridiques ou techniques.

Je suis à peu près d'accord avec toutes les interventions précédentes. La position dominante de certains acteurs empiète sur la rentabilité de nos modèles économiques, mais je tiens à rappeler que le droit voisin est un droit. Les plateformes génèrent un chiffre d'affaires en exploitant nos contenus. Sans nos contenus, elles en perdraient une partie. Il est donc normal que nous obtenions une rémunération corrélée à l'exploitation de nos contenus, c'est la base de la discussion.

Il ne s'agit pas de compenser le non-paiement d'impôts par les éditeurs des plateformes ou la position dominante de Google sur le marché publicitaire. Il est question de mettre en œuvre un droit avec une rémunération légitime. C'est l'approche que nous adoptons dans nos discussions avec Google qui ont repris depuis la rentrée. Pour l'instant, nous avons des difficultés à obtenir des propositions concrètes

La négociation porte sur deux assiettes. L'une est assez facile à estimer, même si l'information dépend des plateformes, puisqu'il s'agit des revenus directs. Il est possible d'obtenir le chiffre d'affaires généré par Google lorsqu'il affiche nos contenus et qu'il les exploite. L'autre porte sur les revenus indirects. Nous sommes pour l'instant dans le flou le plus total. Les plateformes refusent de se positionner mais nous savons que les revenus indirects sont très importants : ils proviennent de l'exploitation des données des utilisateurs de la plateforme, qui viennent en partie parce qu'ils y trouvent nos contenus, de l'alimentation de l'intelligence artificielle et d'autres revenus dérivés qui découlent indirectement de l'exploitation de nos contenus.

Pour éviter d'avoir des réponses disparates, il est important que nous soyons unis comme l'a dit la ministre. La gestion collective est la solution que nous prônons depuis le départ. Nous l'avons mise en avant dans plusieurs discussions à Strasbourg et à Bruxelles, mais l'Europe est réticente à la généralisation de la gestion collective obligatoire et souhaite la limiter à des cas où, parce qu'ils sont très nombreux et très disparates, les titulaires ont besoin d'une gestion collective. Nous sommes des éditeurs de presse et nous rassembler n'est pas très difficile. La gestion collective obligatoire ne se justifiait donc pas. Par ailleurs, beaucoup d'éditeurs sont contre la gestion collective obligatoire.

Nous sommes dans une démarche de rassemblement à l'initiative du SEPM et avec le SPIIL. Cette gestion collective obligatoire pourrait devenir une gestion collective rassemblée, de bon sens, qui finirait par convaincre l'ensemble des éditeurs. Nous avons la volonté de rassembler tous les éditeurs de services de presse en ligne, même ceux qui ont commencé à discuter à titre individuel, dans une démarche d'union, de transparence, d'équité mais aussi de garde-fou contre un mélange entre des accords commerciaux et des accords de droits.

Nous voulons mettre en œuvre un droit, nous ne voulons pas signer d'accords commerciaux. Google Showcase est un contrat commercial qui ne doit pas être mélangé avec le sujet du droit voisin. Il a, comme tout contrat commercial, une durée de vie limitée, alors qu'un droit perdure tant que le législateur ne l'a pas remis en cause. Par ailleurs, Google Showcase pose un certain nombre de questions. Google est un acteur qui vit exclusivement de l'internet gratuit. Toutes les démarches visant à rendre des contenus payants vont contre son modèle économique. Avec Google Showcase, il a la volonté d'amener à ses utilisateurs plus de contenus gratuits, ce qui va à l'encontre de la démarche de la quasi-totalité des éditeurs qui cherchent à valoriser leurs contenus, vis-à-vis des annonceurs mais surtout vis-à-vis de leurs lecteurs avec une politique d'abonnement.

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