L'urgence écologique est l'impératif premier de notre époque. Le changement climatique, déjà commencé, va peser lourdement sur nos sociétés et en menacer les fondements. Ce fait premier devrait commander l'analyse politique et nous faire comprendre que nous entrons dans un nouveau monde. Celui-ci n'appelle pas la répétition inlassable des mêmes politiques et de la même conception de l'économie et de l'organisation de nos sociétés ; ce nouveau monde appelle une rupture. Parmi les éléments les plus structurants de l'économie mondiale, figure le libre-échange généralisé et la division internationale du travail, qui veut que la plupart des biens de consommation soient produits en de nombreux endroits du monde avant d'être consommés ici.
Cette organisation du monde est des plus anti-écologique. Parier sur l'augmentation continue des échanges pour assurer la prospérité de demain, c'est raisonner comme dans les années 1980. Se faire les missionnaires aveugles du libre-échange, c'est appartenir au monde d'hier. Or l'Union européenne ne cesse de conclure des traités de libre-échange, avec le Japon, avec le Mercosur, avec le Vietnam, après le funeste accord avec le Canada. Une politique commerciale qui vise à augmenter le volume des échanges est indéfendable sur le plan écologique, comme elle l'est d'ailleurs sur le plan social. Mais j'insiste, en ces jours de Conférence sur le climat, sur la dimension anti-écologique de cette cécité idéologique que vous représentez, avec d'autres, et qui s'incarne à merveille dans l'Union européenne.
En catimini, votre gouvernement a acté une trajectoire d'augmentation des émissions de gaz à effet de serre de plus 6 % sur le quinquennat, en contradiction totale avec les accords de Paris. Le rapport du NewClimate Institute, qui note de nets progrès pour la Suède ou l'Inde, nous fait reculer de sept places dans le classement des pays selon leurs trajectoires d'émissions. Le « champion de la Terre » et sa majorité parlementaire ont l'air plus prompts aux grands mots qu'aux actions politiques concrètes pour atténuer le changement climatique. Des grands mots en public et des accords commerciaux destructeurs pour le climat toujours négociés dans l'ombre et sans consultation démocratique : le libre-échange a de beaux jours devant lui avec cet archaïsme niché au sein des politiques publiques.
Le CETA est entré en application depuis maintenant un an sans aucune consultation des parlementaires, et l'Union européenne fait tout pour éviter les votes des Parlements nationaux. Quelle conception de la démocratie cela suppose-t-il ? Pour de tels choix, décisifs pour notre nation, vous devriez en appeler au référendum populaire. Ce sont en effet des choix décisifs que les vôtres, ceux de ces traités qui nous engagent dans un chemin radicalement opposé à ce que le défi écologique demande. Dans tous ces accords, vous acceptez sans broncher le nivellement des normes sociales et environnementales par le bas. Une telle attitude est irresponsable. Comme l'a dit M. Nicolas Hulot en démissionnant : « Libéralisme et écologie ne sont pas compatibles. » Vous nous entraînez vers le désastre.
Vous entendez ces jours-ci une demande de démocratie dans le pays. Les marches pour le climat vous le disent : ces vieilles politiques, ça suffit. Les « gilets jaunes » vous le disent : la transition écologique dans le libéralisme, nous n'en voulons pas. Il faut d'urgence arrêter de s'accrocher à un vieux monde en train de disparaître, et ce ne sont pas vos références au juste échange qui suffiront.