M. Matthieu Orphelin évoquait la feuille de route et le plan d'action CETA du 25 octobre 2017, ainsi que le jugement sévère du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) à l'endroit de ce dernier. Pour ma part, je préfère voir le verre à moitié plein qu'à moitié vide. Grâce à ce plan d'action, un certain nombre d'éléments ont pu être pris en compte sur la scène européenne. Sur le veto climatique, sa première mise en œuvre opérationnelle s'opérera dans le cadre du CETA : nous avons pour cela l'accord des différentes parties concernées. S'agissant de Singapour, l'accord avait été déjà signé avant l'élaboration du « veto climatique », mais nous plaiderons en faveur de son insertion dans tous les accords à venir. Et nous avons de bonnes raisons de penser qu'il sera retenu à l'avenir.
Monsieur Fabien Di Filippo, si nous n'avons pas signé d'accord avec le Mercosur, c'est précisément parce que nous avons en tête un certain nombre de lignes rouges. Pour ce qui est de l'asymétrie, j'entends qu'il y a des craintes, mais celles-ci ne sont pas avérées dans le cadre du CETA. D'ailleurs, les Canadiens n'ont pas véritablement mis en place de filière industrielle permettant d'exporter du bœuf « à l'européenne ». De mes derniers déplacements là-bas, je retiens qu'il n'y a pas d'investissement significatif en la matière. Nous veillons néanmoins au maintien de conditions de concurrence équitables. C'est notre préoccupation constante.
Mme Patricia Gallerneau a fait allusion aux risques d'ingérence des parties privées. Nous avons précisément souhaité obtenir une déclaration interprétative conjointe qui précise, noir sur blanc, que les législations nationales ne pourront pas être contestées par des acteurs privés dans le cadre du CETA. Comme je le disais à M. Matthieu Orphelin, nous souhaitons étendre ce type de dispositif aux accords à venir.
Mme Stéphanie Do m'a interrogé sur l'accord entre l'Union européenne et le Vietnam, dans lequel nous avons justement obtenu du Vietnam qu'il élève son niveau de protection en matière de droit environnemental et social. Une référence explicite au respect et à la mise en œuvre de l'accord de Paris a été acceptée par les autorités vietnamiennes. La procédure interne à l'UE en vue de la signature est en cours. Il est important que les autorités vietnamiennes précisent encore les actions menées ou envisagées pour la mise en œuvre des engagements qu'elles ont pris, ceux que j'évoquais et les engagements en matière de droit du travail. Cela a été annoncé dans une déclaration conjointe du 19 octobre 2018. L'inscription à l'ordre du jour du Conseil sera facilitée lorsque ces précisions auront été apportées. Sachez que le Parlement européen a d'ores et déjà commencé un certain nombre d'auditions préparatoires à l'approbation de cet accord.
Sur le JEFTA, Monsieur Hubert Wulfranc, les Japonais se sont engagés à ratifier deux conventions de l'OIT, dont une sur le travail forcé. La procédure que nous ouvrons avec la Corée est intéressante car elle peut avoir de ce point de vue une vertu pédagogique. Nos amis Japonais pourront ainsi constater que, dès lors que ces dispositions sont prévues dans les textes et que nous avons négocié sur leur mise en œuvre, nous sommes ensuite intraitables. Sinon, effectivement, l'accord n'aurait pas de valeur.
M. Lionel Causse m'a interrogé sur les moyens d'associer les parlements aux accords à venir et à leur évaluation. Comme je le disais, il faut travailler le plus en amont possible. La transparence est désormais le maître mot aussi au niveau de la Commission européenne : les mandats de négociation sont publics, vous pouvez vous en saisir avec toute la palette qu'offrent naturellement la Constitution et le Règlement de l'Assemblée. Tout cela nous aide. De nombreux autres États ont d'ailleurs pris le pli bien avant nous, le Danemark en particulier. Je ne verrais que des avantages à ce que vous puissiez continuer à vous pencher sur ces accords et sur leur évaluation.
M. Fabrice Brun évoquait à la fois la nécessaire association des peuples à la négociation des accords, et la protection des consommateurs et des producteurs. Quand on va à Bruxelles, ce n'est pas pour solder notre force économique ou pour brader les intérêts de la France ! Ce sont au contraire les premières préoccupations que nous avons la volonté de défendre. S'agissant de l'association des peuples, l'accord avec le Mercosur sera mixte. S'il devait être signé, les parlements nationaux seront donc amenés à se prononcer. Cela impliquera des études d'impact étayées et charpentées car nous serons dans le cadre du nouveau modèle. Mais nous n'en sommes pas encore là puisque, pour nous, le compte n'y est pas.
M. Ludovic Mendes, s'agissant des biocarburants, nous sommes effectivement en contentieux avec l'Argentine. La Commission a décidé d'appliquer des tarifs sur le biodiesel argentin, qui fait l'objet de subventions à l'export illégales, de notre point de vue et du point de vue de l'OMC. Nous restons très vigilants car il y a toute une filière en France qui est capable d'apporter des solutions.
S'agissant des règles et de leur nécessaire respect, Monsieur Gérard Menuel, nous sommes partis un petit peu isolés lorsque nous avons fait la promotion d'un procureur commercial européen pour renforcer les moyens de la Commission sur le respect des accords. Mais nous arrivons progressivement à obtenir le ralliement d'un certain nombre d'États membres. Je pense que, au moment de la mise en place de la future Commission européenne, ce sera un des éléments sur lequel la France insistera en termes d'organisation de notre politique commerciale.
Monsieur Thierry Benoit, dans les négociations avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, nous avons justement obtenu la mention du bien-être animal. Comme vous le disiez, les méthodes d'exploitation sont différentes, en effet. Ce point fait donc partie des éléments inclus dans le mandat. Ils nous permettront de mener la discussion avec ces deux puissances agricoles importantes.
Mme Typhanie Degois a évoqué l'intérêt, lors de la réunion de l'OMC de demain, d'aller au-delà de la réforme de l'organe de règlement des différends. Nous partageons tout à fait ce point de vue. D'ailleurs, l'Union européenne a su, de façon assez habile, se mettre en position de pivot en créant, au sein de l'organisation mondiale, un groupe de travail avec le Japon et les États-Unis sur les subventions et la propriété intellectuelle – sujets vis-à-vis desquels la politique commerciale de la Chine nous interroge – et un autre avec la Chine elle-même. Cette position de pivot permet à l'Union d'aller au-delà de la simple question du règlement des différends et d'avancer sur les autres sujets qui sont au cœur d'une concurrence équitable. À cet égard, la pression exercée par les Américains sur la Chine peut, tactiquement, rendre service : il importe que les autorités chinoises comprennent que leur modèle doit évoluer. Je note qu'en Espagne, alors qu'il était en route pour le G20, le Président M. Xi Jinping a fait pour la première fois référence dans son discours à la propriété intellectuelle là où auparavant, les autorités chinoises étaient plutôt dans le déni. Il y a là les prémices d'une prise de conscience qui, je l'espère, permettra d'avancer.