Mme Danielle Brulebois a évoqué la nécessité d'adapter l'OMC aux réalités d'aujourd'hui. Nous nous réjouissons que cette organisation s'intéresse enfin aux questions relatives à l' e -commerce. En effet, alors que ce dernier fait partie de la vie quotidienne de nos sociétés depuis maintenant quinze ou vingt ans, l'OMC n'avait jusqu'alors pas enclenché de négociation sur ce point.
Je ferai observer à M. Jean-Yves Bony que les craintes des professionnels à l'égard du CETA ne se sont pas concrétisées. La filière canadienne n'est pas équipée pour répondre à la demande européenne et nous ne dérogeons pas à nos standards. S'agissant du Mercosur, encore une fois, aucun accord n'a été conclu et nous avons réaffirmé nos positions en matière agricole.
Mme Liliana Tangy a soulevé la question des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, et de la pause qui semble avoir été obtenue à l'occasion de la rencontre entre les présidents des deux États le 1er décembre dernier – l'augmentation des droits de douane ayant effectivement été reportée. À ce stade, nous n'anticipons pas de conséquences négatives de ce report. Au contraire, si cette désescalade pouvait être pérenne, elle profiterait à tout le monde. Nous-mêmes sommes entrés dans un processus de désescalade avec les États-Unis. Souvenez‑vous : en avril dernier, ils nous ont imposé des droits de douane supplémentaires sur l'acier et l'aluminium européens. L'Union européenne a alors naturellement pris des contre-mesures et, depuis le 25 juillet, nous sommes entrés dans une phase de discussion qui n'est pas évidente mais qui a permis d'apaiser les choses. Nous avons d'ailleurs demandé l'exclusion de l'agriculture du champ de ces discussions. Nos amis américains cherchant à chaque fois à faire revenir par la fenêtre les sujets qu'on fait sortir par la porte, nous reprécisons donc systématiquement les choses : c'est « no way », comme ils disent.
M. Martial Saddier souligne que les contraintes doivent être également partagées entre les signataires des accords. Nous sommes à 1 000 % sur cette ligne. C'est tout l'enjeu de l'équité. Ces accords de libre-échange doivent être de nouvelle génération. En effet, les gens ne comprendraient plus pourquoi, alors qu'on leur impose telles normes ici, débouleraient chez eux des produits ne les respectant pas. Nous sommes donc intransigeants quant à nos standards agricoles et sanitaires. Mme Anne-Laurence Petel souhaitait savoir si nous allions exiger un renforcement des contrôles : nous avons demandé des audits pour le Canada en 2019 afin de nous assurer que tout ce qui arrivera chez nous, même s'il s'agit de contingents très faibles, obéit à nos standards. Nous lançons régulièrement des audits pour nous assurer que le consommateur européen retrouve bien dans son assiette des aliments respectant nos préférences.
Il est vrai, Madame Pascale Boyer, que le CETA a eu la vertu de nous ouvrir plus largement les marchés publics canadiens. Dans le cadre de l'accord multilatéral sur les marchés publics, les engagements canadiens d'ouverture s'élèvent seulement à 5 à 7 % du total de leurs marchés publics mais grâce à l'accord bilatéral, ce taux monte facilement à 35 %, ce qui représente environ 70 milliards d'euros. Le CETA améliore d'autant plus les choses que les exigences de contenu local qui prévalaient, notamment en matière de transport urbain, sont réduites. Auparavant, il fallait 60 % de contenu local pour être éligible à un marché public au Québec : désormais, ce taux est passé à 25 %. Cet accord ouvre donc beaucoup plus le marché aux acteurs européens, et donc français. Nous veillons également à ce que la suppression des barrières tarifaires et non tarifaires soit suivie d'effets. J'ai ainsi rappelé ce matin à la ministre québécoise des relations internationales et de la francophonie, Mme Nadine Giraud, que nous serons attentifs à ce qu'en matière de vins et de spiritueux, les systèmes en place, qui sont plutôt d'origine monopolistique dans les provinces canadiennes, ne détournent pas l'esprit de l'accord et ne réintroduisent pas de nouveaux verrous contrariant les avancées obtenues.
La prise en compte des politiques climatiques par l'OMC est une condition sine qua non du maintien d'une politique commerciale acceptable par les peuples ; à défaut, leur consentement se déliterait là aussi très vite.
Un mot sur le TAFTA : soyons clairs, il n'est plus d'actualité. Tant de maladresses ont été commises concernant la méthode que ce sujet est évacué. En outre, le Président de la République a affirmé avec force que nous ne saurions conclure un accord global avec un État qui s'est retiré de l'accord de Paris. Nous ne consentons donc avec les États-Unis qu'à des discussions sectorielles, par exemple dans le domaine industriel, mais il est hors de question d'envisager un accord global.
En ce qui concerne Taiwan, les positions diplomatiques d'un certain nombre d'États membres de l'UE au regard de la reconnaissance ou non de cette entité ne permettent pas la conclusion d'un accord de libre-échange en tant que tel. Plusieurs États membres ont cependant des échanges réguliers avec les autorités taiwanaises, mais ils ne peuvent s'inscrire dans le cadre de la politique commerciale européenne.
M. Dino Cinieri a rappelé tout l'intérêt du marché unique et le fait que le Brexit se traduira sans doute par un surcroît de contrôles. Suis-je confiant quant à un nouvel accord ? À chaque jour suffit sa peine. Hélas, l'accord obtenu est quelque peu remis en cause et la situation est encore nébuleuse, mais les prochains jours nous permettront sans doute d'en savoir plus.
M. Xavier Paluszkiewicz a évoqué le rôle des pays les moins avancés (PMA) dans les politiques commerciales. Ils sont bien représentés, puisqu'ils composent une part importante des membres de l'OMC. On peut parfois regretter que certains d'entre eux se cantonnent à un agenda rappelant le cycle de Doha, empêchant ainsi d'avancer sur d'autres points. Nous nous employons à créer un consensus en faveur de la réforme de l'OMC avec plusieurs partenaires – le Japon, le Canada, l'Indonésie et d'autres – mais il faudra y associer les PMA qui, à ce stade, sont encore assez conservateurs. Leur représentation est indéniable : ces pays sont membres de l'OMC à part entière et leur masse critique – l'Afrique à elle seule compte 54 États membres – pèse parmi les 164 États membres de l'organisation.
Le mandat relatif à l'accord avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, Madame Marguerite Deprez-Audebert, a été adopté et les premiers cycles de négociation ont eu lieu pendant l'été. Nous avons, bien sûr, un partenariat stratégique avec l'Australie et nos échanges bilatéraux sont l'occasion de rappeler nos priorités : nous ne saurions accepter n'importe quoi en matière agricole, et nous nous réjouissons que le mandat tienne compte des concessions accordées dans le cadre d'autres accords commerciaux. Nous avons cependant des intérêts offensifs évidents : l'ouverture des marchés publics – comme avec le Canada – et la reconnaissance par l'Australie et la Nouvelle-Zélande de nos indications géographiques protégées (IGP). En effet, ces accords de libre-échange permettent de reconnaître les IGP, ce qui constitue un gage important pour les petits producteurs. Enfin, lors de nos échanges ministériels bilatéraux, nous rappelons la nécessité d'un développement durable ambitieux. Je note d'ailleurs qu'en Nouvelle-Zélande, le ministre du commerce est également chargé de l'écologie : c'est la preuve que la structure gouvernementale s'est déjà adaptée à cet enjeu.