Intervention de Sandrine Josso

Réunion du jeudi 23 septembre 2021 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Josso, députée, rapporteure de la commission d'enquête :

‑ Je vais être à la fois concrète et pragmatique. Vous le voyez bien, la notion de santé environnementale couvre beaucoup de choses. La conclusion du rapport est que nous devons nous mettre une très mauvaise note si on évalue les politiques publiques concernant la santé environnementale en France. Pourquoi une mauvaise note ? Il faut être clair : parce que nous avons tout à la fois des problèmes d'organisation, des problèmes de coordination et des problèmes d'efficacité. Il ne faut pas se mentir.

Nous avons aussi des problèmes d'ordre financier. J'ai cherché, dans le rapport, à évaluer les budgets disponibles dans les diverses instances. C'est le flou le plus total, ce qui ouvre un axe de travail sur la santé environnementale d'un point de vue financier : comment ? dans quelles instances ? avec quels effectifs ?

Pour répondre à Jean-Luc Fugit, j'ai souhaité, dès le début, avec les membres de la commission d'enquête, pouvoir auditionner des instances pas toujours très bien entendues ou à tout le moins rarement invitées à s'exprimer devant une commission parlementaire. Cela n'a pas été accepté par la présidente, nous l'avons regretté. Nous étions également curieux des développements européens et nous n'avons pas non plus eu la possibilité d'auditionner quiconque sur ce sujet. C'était vraiment dommage. Le rapport en fait état. Nous avons aussi rencontré un obstacle déontologique dans le sens où, la présidente faisant partie du groupe Santé Environnement (GSE), nous n'avons pas pu auditionner certaines de ses instances et nous n'avons pas pu évaluer le travail réalisé au sein de ce groupe. Cela nous a posé quelques soucis.

En ce qui concerne la dimension territoriale, il faut bien comprendre que des plans santé environnement sont mis en place au niveau national depuis des années. Normalement, il devrait y en avoir une déclinaison territoriale, mais c'est très rare. D'après nos évaluations, cela ne se fait vraiment bien que dans trois régions : Provence-Alpes-Côte d'Azur, Nouvelle-Aquitaine et Bretagne. Les autres régions n'ont malheureusement pas pu nous présenter de choses très intéressantes et c'est regrettable. Il y a de grandes marges de progrès dans ce domaine.

Les calendriers des plans régionaux santé environnement ne sont pas calqués sur celui des plans nationaux. On peut même dire qu'ils sont en décalage total.

Sachez que les parlementaires peuvent siéger dans les organes directeurs des plans régionaux santé environnement. Malheureusement, trop nombreux sont ceux qui n'y siègent pas. Depuis 2017, je n'ai jamais été invitée à siéger. Cela interroge. C'est donc aussi à nous, parlementaires, de revendiquer notre place dans ces instances-là. Ceci permettra d'ailleurs de valoriser tous les travaux que chaque parlementaire mène sur le sujet. Nous avons aussi des choses à dire.

J'aborde maintenant le fameux sujet des contrats locaux de santé. Ce sont des dispositifs intéressants, mais malheureusement, soit ils ne sont pas connus, soit ils sont mal utilisés, c'est-à-dire qu'on va limiter la portée de leur action. Par exemple, on va parler, dans les contrats locaux de santé, de sujets très importants liés à la désertification médicale mais on ne va pas travailler sur la prévention alors que c'est ça qui est intéressant. Travailler sur la prévention peut vraiment être formidable, puisqu'on a les moyens de demander des données, de demander à ce que des registres soient à jour, etc. Les leviers sont là, aussi.

Il est absolument fondamental d'améliorer notre dispositif en matière d'exposome. La France a la chance de disposer de l'Institut régional de la santé environnementale au travail (IRSET), implanté à Rennes et que j'ai eu l'occasion de visiter. J'invite chacun à visiter cet établissement à la pointe des savoirs et à y rencontrer des chercheurs qui font des choses formidables, mais qui ont besoin d'un appui financier pour rester performants. Nous devons aussi mobiliser les fonds nécessaires pour que ce genre d'établissement puisse mieux fonctionner, avec plus d'efficacité et plus de moyens.

Le rapport traite la problématique des effets cocktails… en un certain sens puisqu'il constate qu'en fait, il n'y a que très peu, voire pas d'information là-dessus. C'est donc un axe de la recherche qui doit être appuyé.

Concernant l'accueil des ministres sur le sujet, une personne était expressément chargée de la santé environnementale au ministère de la Santé lorsque la commission d'enquête a commencé ses travaux, mais elle a quitté le ministère avant que le rapport soit achevé et nous n'avons pas pu bien travailler avec elle, ce qui est regrettable. Nous n'avons pas été invités à remettre le rapport au ministre de la Santé. La ministre de la Transition écologique, Madame Pompili, nous a reçus, ce qui est une bonne chose. Cependant, je n'ai pas connaissance de suites très concrètes qui auraient été données sur le sujet.

Vous allez peut-être dire que je suis assez dure sur la façon dont les choses avancent, mais je ne suis pas dure, je suis juste réaliste. Nous sommes à l'âge de pierre sur le sujet de la santé environnementale. Il faut avoir conscience qu'à tous les niveaux, y compris dans les préfectures et les administrations déconcentrées, on est très en retard. J'ai présenté le rapport au préfet des Pays de la Loire qui m'a dit que dans sa préfecture, il n'y avait personne de formé sur ces sujets-là. C'est très inquiétant. J'ai discuté aussi avec des doyens d'université en leur demandant pourquoi il n'existait pas plus de formations, alors que de très nombreux étudiants sont intéressés par la question. Là aussi, il ne faut pas se voiler la face, c'est une histoire de notation : mettre en place des formations sur le sujet ne va rien apporter à l'université. Elle ne va pas être mieux notée parce qu'elle aura permis à des personnes de suivre des formations au service de cette cause. Il faudrait donc redonner un peu de galon à la santé environnementale dans toutes ces procédures.

Dernière chose, très importante : comment se fait-il que les élus n'aient pas cette culture, cette formation pour prendre des décisions d'aménagement du territoire tenant compte de la santé environnementale ? C'est très regrettable. Il me revient, en tant que rapporteure, de mobiliser toutes les parties prenantes, y compris les élus, pour leur faire prendre conscience qu'ils gagneraient beaucoup à être plus curieux dans ce domaine, à être mieux formés et à exiger ainsi, lorsqu'ils travaillent sur des dossiers d'aménagement du territoire, que soient prises des mesures plus importantes pour assurer le bien-être et la santé des citoyens qu'ils représentent.

Les problématiques soulevées en matière de formation, de culture, de reconnaissance sont donc importantes.

Voilà ce que je peux dire de manière assez synthétique. Au moins, nous sommes là dans le concret. Nous sommes tous responsables de cet état de fait et de ce qu'il faut faire pour progresser. C'est à nous d'en parler et d'investir les plans régionaux du mieux possible.

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