Intervention de Cédric Villani

Réunion du jeudi 23 septembre 2021 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, député, président de l'Office :

‑ Mes premières questions vont porter sur la structure du rapport et de l'action du GIEC. Pouvez-vous nous rappeler brièvement comment sont nommés, sélectionnés, désignés les scientifiques qui écrivent ou coécrivent le rapport ? Par quel processus avez-vous été désignée co-présidente du groupe de travail ? Pouvez-vous préciser si une quantité significative de pays ou si tous les pays qui comptent ont approuvé le rapport ? Qui sont les représentants des pays ? Est-ce qu'il s'agit de représentants des chefs d'État ?

J'ai aussi quelques questions plus techniques sur les rapports du GIEC. Le sixième rapport est donc en train de s'annoncer. Que peut-on dire rétrospectivement des précédents rapports ? Dans quelle mesure les diagnostics se trouvent-ils changés ou confirmés ? Que peut-on dire aussi sur la façon dont les conclusions sont formulées ? Vous parlez du calibrated language, le « langage calibré » du GIEC, avec des expressions en italique qui parlent de probabilités. Certains récits des premières tentatives des scientifiques pour se mettre d'accord sur le message à délivrer aux politiques, notamment celui du livre de Nathaniel Rich Perdre la Terre, montrent la façon dont ils se déchirent sur le fait d'employer certains termes : certitude, probabilité, est-ce que quelque chose va arriver, etc. Ces récits montrent que, dans les années 1980, la communauté scientifique ne parvient pas à s'accorder sur le ton à employer vis-à-vis des politiques pour décrire le degré de fiabilité des connaissances. Est-ce qu'on peut dire que l'on a maintenant convergé vers une solution satisfaisante, vers un équilibre ?

Est-ce que vous identifiez des limites, technologiques ou scientifiques, par rapport à ce qui vous permet de poser votre diagnostic ? Est-ce que, au contraire, les questions liées au diagnostic sont désormais matures et est-ce que le facteur limitant de la lutte contre le réchauffement climatique est plutôt sur les mesures à prendre, la coopération ?

Pouvez-vous préciser ce que ce que l'on entend exactement par température moyenne ? S'agit-il d'une estimation de la moyenne surfacique autour du globe ? d'une moyenne mathématique de certaines stations ? d'autre chose ?

Quelque chose semble particulièrement important, à savoir une démonstration irréfutable de l'effet humain du réchauffement. Vous dites qu'en faisant une simulation, une modélisation qui tient compte de tous les paramètres sauf des activités humaines, on n'arrive pas à reproduire ce qu'on observe tandis que si l'on fait la simulation en intégrant les activités humaines, elle correspond aux observations. Est-ce bien sur la base de techniques récentes ? Peut-on considérer qu'il s'agit d'une preuve irréfutable de l'effet anthropique ?

Malgré les conclusions toujours plus précises du GIEC, certaines personnes continuent de dénoncer ses conclusions. Je pense au courant dit climato-réaliste avec des figures comme Benoit Rittaud, Christian Gerondeau ou François Gervais, dont on trouve encore les ouvrages dans les librairies. Ces personnes insistent sur plusieurs éléments que je vous propose de commenter. Parmi les arguments qu'ils utilisent, l'un dit qu'il y a eu des variations de température dans le passé et qu'il y en aura dans le futur. Un autre affirme que les variations de la concentration en carbone dans l'atmosphère suivent les variations de température au lieu de les précéder ; il remet donc en cause la relation de causalité et la remplace par une simple corrélation. Les climato-réalistes disent également que le réchauffement climatique était plus faible dans les trois décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale qu'auparavant, alors que c'est justement à ce moment-là que les émissions de CO2 ont été les plus importantes. Ils contestent donc la relation directe que le rapport du GIEC affirme entre le CO2 et l'augmentation de température.

J'aimerais que l'on revienne sur l'inertie climatique. Vous avez dit que l'inertie ne vient pas des mécanismes climatiques mais des infrastructures, mettant l'accent sur le lien entre les émissions et nos systèmes de production. J'ai lu récemment un article de Christophe Cassou dans Carbon brief sur ce sujet, qui parle effectivement d'une certaine réactivité du climat en tant que tel. Cependant, j'ai eu aussi connaissance, l'an dernier, d'une conférence de Jean Jouzel qui semblait parler d'inertie climatique. Je le cite ici : « Ce qui va se passer dans les prochaines décennies, d'ici 2040-2050, ne dépend pas de ce que nous allons émettre comme gaz à effet de serre sur cette période. En fait, le climat d'ici 2050 est déjà joué, tout simplement parce qu'il dépend largement des gaz à effet de serre qui sont déjà dans l'atmosphère. » Cette prise de position de Jean Jouzel semble être en contradiction avec ce que je retiens de votre exposé. J'aimerais bien avoir des éléments de clarification là-dessus. C'est important pour le politique, car c'est un message tout à fait différent de dire que la limitation du réchauffement dépend directement de ce que l'on va émettre maintenant où de ce qui a déjà été émis il y a 20 ans. C'est complètement différent au vu de l'échelle de temps des mandats politiques et des projets de transformation.

Il y a eu toutes sortes de débats sur les puits de carbone. Récemment, on a dit que la forêt amazonienne était en train de perdre ou avait déjà perdu son rôle de puits de carbone. Que peut-on dire sur les puits de carbone naturels et sur la façon dont nous devons gérer ou dont nous gérons les forêts ? Tout récemment, des critiques se sont exprimées sur la tendance consistant à augmenter l'usage du bois dans le bâtiment. Elle se fonde sur des différences supposées entre les forêts anciennes et les forêts jeunes pour le stockage du carbone, le potentiel des jeunes forêts étant dit insuffisant. Selon ces critiques, si l'on augmentait fortement l'usage du bois dans le bâtiment, ce pourrait être contre-productif. Il y a eu aussi du buzz sur les nouvelles technologies de capture de carbone dans l'atmosphère et sur l'usine Orca, en Islande. C'est une très grosse installation qui donne un résultat relativement modeste, puisqu'elle absorbe l'équivalent des émissions carbone d'un village de 400 habitants. Certains prédisent cependant que c'est le premier pas vers des techniques d'absorption de carbone à grande échelle. Quel est le potentiel des techniques de captation du carbone ?

Pouvons-nous refaire le point sur la question de l'eau en Méditerranée, les précipitations et les sécheresses ?

Enfin, comment le GIEC évalue-t-il la politique de la France et celle de l'Europe en matière de réduction des émissions de gaz à effet ?

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