Intervention de Valérie Masson-Delmotte

Réunion du jeudi 23 septembre 2021 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du groupe de travail n° 1 du GIEC :

Ce n'est pas biaisé par certaines régions du monde. À partir des données distribuées, maillées, on estime la température moyenne à la surface de la Terre. Il existe plusieurs jeux de travaux qui permettent de le faire, un au Japon, un au Royaume-Uni, deux ou trois aux États-Unis. Un travail est également fait par le service d'observation de la Terre de l'Union européenne, Copernicus. C'est en confrontant l'ensemble de ces approches que nous fournissons la meilleure estimation et une évaluation de la dispersion des résultats.

Il y a une différence entre ce qui est observé et les modèles de climat. Les observations concernent, pour les océans, la température de l'air à la surface de l'eau et pour les continents, la température de l'air standardisée météorologique, c'est-à-dire mesurée à deux mètres de hauteur. Dans les modèles de climat, ce n'est pas forcément la même chose : la « température à la surface de la Terre » est parfois la température de l'air partout, au-dessus de l'océan et au-dessus des continents. Nous en avons tenu compte dans le rapport, ce qui nous a conduits à harmoniser l'approche entre les observations et les simulations, en tenant compte de la différence physique de ces différentes métriques. Le chapitre 2 du rapport présente un encadré détaillé sur les métriques de température à la surface de la Terre.

Pour ce qui concerne les puits de carbone terrestres, on parle pour l'Amazonie d'une dégradation de la forêt due à l'exploitation humaine, qui a conduit une publication récente, qui n'a pas été évaluée dans le rapport, à estimer que dans une partie de l'Amazonie, il n'y a plus d'effet net sur l'absorption de carbone. L'évaluation de l'impact des puits de carbone mérite d'être regardée dans la durée. Ceci repose sur des grands réseaux d'observation : il y a au sol des tours à flux, mais en quantité limitée, et des moyens spatiaux qu'il faut aussi renforcer pour suivre les flux de carbone et de méthane. Les grands réseaux d'observation, comme Icos (Integrated Carbon Observation System) en Europe, ont un rôle extrêmement important pour suivre l'évolution des puits de carbone terrestres, année après année et donc fournir l'information précise dont nous avons besoin.

Vous avez posé des questions sur le stockage de carbone dans le bois au regard des différents usages du bois. Je pense qu'il y aura des éléments dans le rapport du groupe n° 3, dont un chapitre évoquera la foresterie, l'agriculture et les autres utilisations des terres et analysera en profondeur ce qui peut être fait dans l'usage des terres pour contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre : les matériaux biosourcés issus de la filière forêt, le stockage de carbone par les écosystèmes eux-mêmes, primaires ou gérés. Je ne peux pas aller plus loin en l'état.

J'attire l'attention sur le fait que le rapport évalue, du point de vue de la géophysique du climat, la façon dont celui-ci réagit si l'on enlève du CO2 de l'atmosphère pour l'éliminer ou le stocker durablement. Quand on émet du CO2 dans l'atmosphère, une partie est reprise par les sols et la végétation. Si au contraire on enlève du CO2, les puits vont générer des flux de carbone dans l'autre sens. Donc, une tonne de CO2 enlevée ne se traduit pas par une tonne de CO2 en moins dans l'atmosphère. En fait, on interagit aussi avec l'ensemble des puits de carbone. Une évaluation globale prend en compte des options qui touchent à l'utilisation des terres à grande échelle et reflètent les importants enjeux croisés eau-biodiversité-carbone.

La « région Méditerranée » identifiée pour les besoins du rapport est l'un des endroits qui seront confrontés à de multiples défis. C'est l'une des régions où l'aridification augmentera et où les sécheresses deviendront récurrentes. L'intensité et la fréquence des vagues de chaleur seront particulièrement exacerbées. La fiche sur l'Europe fait un petit focus sur la région Méditerranée. Un groupe régional d'experts Méditerranée a rendu en 2020 un rapport d'évaluation climat et biodiversité qui est très complet. Ce type d'effort coordonné entre les pays riverains de la Méditerranée, qui font et feront face à des défis similaires, apporte des éléments régionaux beaucoup plus fins que ceux des évaluations à grande échelle du GIEC et les complète opportunément.

Le GIEC ne fait pas l'évaluation des politiques climatiques française et européenne. Le Haut Conseil pour le climat, dont je fais partie, fournit régulièrement des recommandations très précises, par exemple en lien avec la mise en œuvre de la stratégie nationale bas carbone et il va s'intéresser d'encore plus près à l'adaptation au changement climatique. Le rapport en préparation portera sur les enjeux dans le secteur de l'agriculture. Par ailleurs, les groupes 2 et 3 du GIEC regarderont à grande échelle l'évolution des émissions de gaz à effet de serre et des actions d'atténuation, pour les grandes régions du monde, dont l'Europe, et le feront également pour ce qui concerne l'adaptation à un climat qui change.

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