Intervention de Cédric Villani

Réunion du jeudi 17 octobre 2019 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, député, premier vice-président de l'Office :

– L'audition du 4 juillet 2019 s'organisait en deux tables rondes : la première consacrée aux axes de recherche répondant aux objectifs nationaux du projet de PPE publié en janvier 2019, et la seconde aux axes de recherche et développement pour les technologies du futur.

L'audition s'est ouverte par un rappel sur les situations française et européenne en matière d'énergies renouvelables, et sur les grandes lignes de la PPE. Il en est ressorti que la France est en retard pour atteindre les objectifs fixés, et que les moyens investis ne sont pas à la hauteur du défi à relever.

Pour respecter l'objectif de neutralité carbone en 2050, la France doit réduire ses émissions de CO2 de 5 % par an de manière constante sur les trente prochaines années. Or, le think tank The Shift Project souligne qu'une telle situation ne s'est produite dans l'histoire qu'en « temps de guerre ou en cas de récession grave ». Plusieurs intervenants ont d'ailleurs comparé l'ampleur du défi à « un effort de guerre ».

Face aux objectifs ambitieux, des défis restent donc à relever : offrir des solutions renouvelables à des coûts acceptables ; concevoir des systèmes énergétiques intégrés, prenant en compte, selon les cas, l'intermittence et le stockage des énergies ; améliorer l'acceptabilité des différentes énergies renouvelables par les populations, je pense par exemple à l'éolien.

En ce qui concerne la position de la France sur le marché mondial du solaire photovoltaïque et face à la concurrence asiatique, il est apparu que le développement de technologies novatrices permettrait à la France et à l'Europe de créer des filières industrielles complètes, allant de la recherche et développement jusqu'à l'intégration finale dans des usines locales.

Il en va de même pour les batteries : la France et l'Europe souhaitent se positionner sur des technologies différenciantes, en créant un « Airbus des batteries » axé sur les batteries dites à électrolyte « tout solide ».

Les participants à l'audition ont pointé l'absence de chef de file de la filière éolienne, lequel existe pourtant pour le solaire photovoltaïque, ce qui permet de mutualiser les investissements des laboratoires de recherche et des industriels.

Les retours d'expérience montrent la complémentarité entre des systèmes locaux à petite échelle territoriale, allant jusqu'à l'autoconsommation, et des systèmes plus centralisés à grande échelle, comme le nucléaire et l'hydraulique.

L'acceptabilité des énergies renouvelables par les populations est un sujet transverse aux différentes énergies. Il est notamment recommandé de ne pas négliger les sciences humaines et sociales dans les feuilles de route de recherche et développement pour anticiper la réaction des citoyens.

Enfin, pour chaque technologie développée, une analyse de cycle de vie précise paraît indispensable pour assurer une transition énergétique cohérente et pertinente. Le débat sur les batteries constitue un bon exemple du travail nécessaire.

Parmi les recommandations que nous pouvons faire : la France doit se donner les moyens d'atteindre les objectifs ambitieux qu'elle a décidé de se fixer dans la PPE, notamment en faisant des choix technologiques pertinents.

En particulier, il conviendra de concentrer les investissements sur quelques technologies choisies et maîtrisées, afin de ne pas se disperser sur trop d'énergies renouvelables simultanément. En prenant en compte le retour d'expérience des filières des batteries et des panneaux solaires, les laboratoires et les industriels français doivent se positionner sur des marchés mondiaux stratégiques et concurrentiels.

En parallèle, la transition énergétique devra, à court et moyen terme, s'appuyer sur le socle de production d'électricité nucléaire et hydraulique. En d'autres termes, la décarbonation est un enjeu plus urgent que celui de la baisse de la part du nucléaire.

Enfin, il conviendra de conserver une vision systémique des différentes technologies en développement, en réalisant des analyses de cycle de vie, ou encore en anticipant leur intégration dans le réseau électrique, ainsi que la réponse des populations à leur déploiement.

On l'aura compris, il s'agit de sujets complexes, à forts enjeux, pour lesquels il est important que les uns et les autres puissent s'appuyer sur leurs travaux respectifs.

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