– Cette démarche structurée pour disposer en Europe d'outils civils de surveillance nous permettant une vigilance accrue est particulièrement nécessaire dans le contexte actuel de multiplication des projets de constellations. Rappelons que, du côté américain, Elon Musk compte lancer des satellites par milliers.
Je comprends la remarque de Catherine Procaccia sur la 5G. Lors des auditions que j'ai menées, il est apparu clairement que les acteurs du secteur spatial étaient inquiets des risques que la 5G terrestre présente pour les communications par satellites en termes d'accès au spectre des fréquences.
Concernant la fracture numérique, je reste extrêmement pragmatique et je constate, au-delà des sensibilités politiques, que cette fracture existe encore bel et bien aujourd'hui. Certes, les accords de 2017 devraient normalement éliminer la fracture territoriale d'accès à la téléphonie mobile en 2020. Néanmoins, dans ma circonscription du sud du département du Rhône, je constate que, dans certaines communes rurales situées à 25 km du centre-ville de Lyon, la téléphonie mobile ne fonctionne pas. Par ailleurs, il reste toujours des territoires français sans accès au très haut débit, et je suis sceptique sur l'installation de la fibre optique dans ces régions, car elle coûterait trop cher. Je pense donc qu'il faut effectivement passer par le spatial car, malgré les travaux parlementaires qui ont été réalisés sur l'arrivée de la 5G, cette fracture numérique reste une réalité. Évidemment, si l'arrivée de la 5G permettait de combler définitivement ce problème, je serai le premier à m'en réjouir et à lever mon scepticisme. La sensibilité politique n'empêche pas la vigilance, notamment pour ce sujet où elle est une nécessité absolue.
Je pense avoir déjà répondu aux remarques de Ronan Le Gleut sur la défense de l'espace, en rappelant qu'il faut faire très attention aux problématiques de brouillage et de prises de contrôle éventuelles de certains satellites par des forces ennemies. La proposition du Président de la République du 13 juillet dernier concernant la création d'une armée de l'air et de l'espace, puis le discours de la ministre des armées Florence Parly le 25 juillet avec l'annonce d'un financement supplémentaire de 700 millions d'euros pour l'espace dans la loi de programmation militaire, semblent aller dans la bonne direction. Il s'agit de sujets à suivre, là aussi avec beaucoup de rigueur et d'esprit critique, pour s'assurer qu'une mise en oeuvre concrète et efficace succède bien aux promesses. On dit parfois que l'avenir de la Terre se joue dans l'espace ; je pense que cette affirmation est particulièrement vraie dans le domaine de la défense.
Concernant les statistiques économiques relatives au spatial, quelques données figurent dans l'encadré en première page de la note scientifique. Il s'agit des revenus commerciaux de l'aval de la filière, en fonction des différents domaines d'application, ainsi que des revenus commerciaux et institutionnels de l'amont. Mais comme l'a dit notre président Gérard Longuet, il est très difficile de chiffrer les bénéfices du spatial. Il est par exemple compliqué d'évaluer les impacts en termes de revenu des observations météorologiques, alors qu'elles sont très importantes pour le milieu agricole. En effet, la précision des prévisions météo permet à des agriculteurs d'éviter des catastrophes pour leurs cultures, leur impact financier étant donc considérable. Un certain nombre de systèmes installés dans ma circonscription permettent de prévenir les agriculteurs d'averses de grêle, qui se forment dans les nuages en moins de 45 minutes. On voit par ailleurs arriver le modèle d'assurance paramétrique, qui permet aux agriculteurs de se protéger contre ces intempéries de grêle. L'impact financier de ces prévisions météorologiques est également important dans d'autres domaines tels que l'immobilier, car elles permettent à nos entreprises, nos écoles ou nos mairies, par exemple, de fermer leurs volets au moment d'intempéries, et ainsi de réduire leurs dépenses de fonctionnement. En tout cas, il n'est pas évident d'évaluer les économies réalisées et permises par les satellites.
C'est pourquoi les semaines qui viennent, lors desquelles se décidera le niveau de la contribution de la France au budget de l'ESA, sont absolument essentielles. Si la France ne mesure pas tous les enjeux du secteur spatial, elle risque de régresser dans un monde extrêmement concurrentiel. Par ailleurs, je pense que nous devons fortement contribuer à améliorer la gouvernance européenne, comme je l'ai proposé dans la note, afin que l'Europe puisse continuer à se positionner comme un acteur majeur dans un contexte où les Américains investissent massivement et où les Chinois prennent une place de plus en plus importante. Les questions de souveraineté sont extrêmement importantes, l'Europe doit rester maître de ses données et rester vigilante face aux autres puissances spatiales. Je suis convaincu des vertus de notre système européen, mais s'agissant du secteur spatial, je pense que notre organisation et ses nombreuses strates imbriquées ne constituent pas le système optimal. S'agissant de la règle du retour géographique de l'ESA, il me semble qu'on gagnerait à admettre plus d'agilité et de souplesse dans sa mise en oeuvre. En étant trop rigides, on perd la synergie résultant d'une Europe unifiée au profit malheureusement d'un système de fédération de pays.
Évidemment, nous tiendrons compte des remarques de fond et de forme que vous nous avez faites, cette note devant être le fruit de notre travail collectif.