Pour répondre à M. Saint-Martin, j'estime qu'il est trop tôt et qu'il y a trop d'incertitudes – regardez la variation quotidienne des prix du pétrole et du gaz – pour donner de nouveaux chiffres en matière de déficit public, de dette ou de croissance. Il suffirait par exemple de trouver un accord sur le traité JCPoA, l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien, pour que du jour au lendemain l'Iran, actuellement sous sanctions, puisse mettre un million de barils par jour sur le marché, soit quasiment un quart de ce que la Russie fournit à l'Union européenne.
Pour autant, je répète que nous ne vivons pas une crise durable qui modifierait radicalement l'ensemble des paramètres, mais un choc temporaire, qui n'affecte que les produits énergétiques et les matières premières et doit nous amener à faire évoluer nos modes de consommation et notre indépendance énergétique.
S'agissant du décret d'avance, il sera transmis en fin de semaine prochaine pour un examen au cours de la semaine du 28 mars. Je travaille au schéma d'annulation correspondant, qui portera notamment sur les crédits non employés des dispositifs d'urgence, soit plus de 3 milliards d'euros. Je me tiendrai à votre entière disposition pour vous le présenter.
S'agissant des dispositifs qui vont être pérennisés ou non, une mesure n'a certes pas vocation à durer : celle des 15 centimes d'euros par litre de carburant. Nous voulons en effet mettre très rapidement sur pied un dispositif plus massif et plus ciblé sur les ménages qui sont obligés de prendre leur véhicule pour aller travailler ou sur les gros rouleurs, qui parcourent plus de 12 000 kilomètres par an, comme les aides soignants. Le dispositif actuel se traduit par une économie de 9 euros pour 60 litres de carburant pour tous les Français. On peut imaginer un dispositif plus protecteur, plus automatique et mieux ciblé.
Pour ce qui est des PGE, c'est un arrêté qui permettra d'en relever le plafond de dix points d'ici au 1er juillet. À compter de cette date, une loi sera nécessaire pour adopter le nouveau dispositif, dont il est pour l'instant prévu qu'il soit plafonné à 10 % du chiffre d'affaires, dans l'attente des négociations que je conduis avec la Commission européenne.
Anne-Laurence Petel, je partage évidemment votre préoccupation relative aux sous-traitants dans l'aéronautique et le spatial : nous veillons de près à ce qu'ils ne soient pas fragilisés par la situation. Lors de la présentation du plan de résilience, j'ai appelé à la solidarité de filière et demandé au Médiateur des entreprises de veiller tout particulièrement aux secteurs de l'automobile et de l'aéronautique. Je n'hésiterai pas à prendre les mesures nécessaires pour que cette solidarité soit effective, en particulier au bénéfice des PME sous-traitantes.
Jean-Louis Bricout, nous faisons tout ce qui est possible pour atténuer la très grande brutalité du choc énergétique pour nos concitoyens, notamment les plus modestes qui sont dans l'obligation de prendre leur voiture pour travailler, pour qui la flambée des prix du carburant est une angoisse quotidienne. Nous prenons les mesures indispensables, nous sommes prêts à les prolonger si la flambée persiste, comme nous l'avons fait pour le gaz, tout en investissant dans des solutions alternatives. Mais nous ne voulons pas vendre des illusions : ces mesures doivent être crédibles.
Ainsi, s'agissant de l'électricité, nous sommes intervenus en amont de la chaîne de valeur pour jouer sur les prix, ce qui est possible puisqu'il y a un prix régulé. La France produit de l'électricité, et une électricité décarbonée. Nous avons donc demandé à EDF d'augmenter le volume d'électricité à prix réduit en augmentant le volume de l'ARENH (accès régulé à l'électricité nucléaire historique). Pour réduire encore le prix, nous avons procédé à un allégement de TICFE à hauteur de 8,1 milliards d'euros. Tout cela était possible parce que nous produisons de l'électricité : monsieur Coquerel, si nous ne produisions pas d'électricité nucléaire, les prix auraient totalement flambé et la France aurait été ruinée.
En revanche, nous ne produisons pas de gaz. Nous en avons donc gelé le prix, en protégeant nos compatriotes comme nulle part ailleurs en Europe – regardez la flambée du prix du gaz en Allemagne ! Pour le reste, la seule chose que nous pouvons proposer, que j'ai défendue auprès de mes homologues européens, est de plafonner les prix du gaz à Vingt-Sept, ce qui nous permettrait de négocier avec nos trois principaux fournisseurs, la Russie, la Norvège et l'Algérie. C'est une intervention sur les marchés qui heurte pour l'instant certains de nos partenaires européens, mais nous continuons à la défendre car c'est la seule solution pour imposer des prix plafond aux entreprises productrices, comme Gazprom pour la Russie.
Enfin, s'agissant du plafonnement du prix du pétrole, qui est proposé par tant de responsables politiques, il faut dire la vérité aux gens : soit le coût en serait prohibitif pour l'État et pour les finances publiques, soit il n'y aurait plus de carburant dans les stations-service françaises. De toute façon, le résultat serait intenable. Vous voulez plafonner le prix du litre à 1,40 euro ? Formidable ! Sur plusieurs mois, j'imagine ? Avec un prix à 2 euros le litre, sachant que la baisse représente 5 milliards d'euros tous les 10 centimes, cela coûte 30 milliards, une somme vertigineuse – un tiers de plus que tout ce que nous avons dépensé pour le gaz, l'électricité, la protection des entreprises et le carburant. Soit l'État compense la baisse à due concurrence aux fournisseurs pour qu'ils continuent à nous approvisionner, soit ils iront vendre leur pétrole ailleurs, aux clients qui payent le juste prix, et nous aurons des pénuries de carburant. Une telle solution est donc une illusion.
Antoine Herth, je partage totalement votre préoccupation sur les engrais azotés, dont la production nécessite du gaz. Pour la potasse, nous cherchons effectivement des alternatives dans d'autres pays, dont le Canada. S'agissant de Borealis, le groupe russe a renoncé à son projet. En tout état de cause, si ce type d'opération devait avoir lieu, le décret sur le seuil de contrôle des investissements étrangers en France – dont le champ d'application a été élargi – permettrait d'agir puisqu'il s'agit d'un secteur stratégique.
Thierry Benoit, à propos de la TICPE flottante, dès lors que l'on touche aux taxes, l'on subventionne des énergies fossiles : je préfère donc que nous privilégiions les primes à la conversion, les investissements dans les voitures électriques et le financement des pompes à chaleur. Cela coûte plusieurs milliards, mais c'est un investissement, qui se traduira par des économies d'énergie. L'argent public me paraît ainsi mieux dépensé : quitte à faire des arbitrages financiers, nous voulons protéger nos compatriotes tout en investissant massivement dans la transition écologique.
Philippe Bolo, il faut effectivement surveiller de près les délais de paiement : j'ai sollicité le Médiateur des entreprises à ce sujet.
Sylvia Pinel, il y a effectivement des demandes concernant le PGE dans le secteur du BTP. Les entreprises ont un besoin important d'un nouveau dispositif : nous le leur donnons avec le nouveau PGE, qui sera accessible à compter du 1er juillet. Quant à la prolongation du PGE actuel, tout le monde l'a demandée, nous avons conclu un accord de place, mais une dizaine d'entreprises à peine s'en sont saisies ! Sur la base de cet accord, les entreprises ont la possibilité d'étendre de six à dix ans le remboursement de leur PGE compte tenu de circonstances tout à fait exceptionnelles. Enfin, les entreprises du BTP peuvent bénéficier de la baisse de 15 centimes d'euros du carburant, qui ne sera pas prise en compte dans le cadre de la révision des index de prix, ce qui leur sera favorable. Nous poursuivons en outre les discussions avec les entreprises du secteur des travaux publics afin de répondre à leurs demandes.
Éric Coquerel, au‑delà du plafonnement des carburants sur lequel j'ai déjà répondu, le 100 % renouvelable n'est pas une solution pour l'indépendance énergétique du pays. Les trois bonnes solutions sont la sobriété, le déploiement du renouvelable et l'énergie nucléaire, sans laquelle la situation des ménages et des industries serait tout simplement intenable.