Intervention de Philippe Bolo

Réunion du jeudi 3 février 2022 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Bolo, député, rapporteur :

– La liste des personnes auditionnées, qui figure en annexe de la note, présente des noms susceptibles de renseigner Michelle Meunier sur le sujet qui l'intéresse. Je pense notamment à Karine Clément, spécialiste de la nutrition et du métabolisme, et aux deux chercheurs de l'INRAE que j'ai rencontrés. Je viendrai par ailleurs avec plaisir, dans la mesure de mes capacités, répondre à vos questions.

S'agissant des questions de Catherine Procaccia, j'ai effectivement souvent songé, lors de cette étude, au travail qu'elle a effectué sur les phages. Des liens sont clairement apparus, notamment lorsque j'ai rencontré deux chercheurs de l'Institut Pasteur, Romain Koszul et Martial Marbouty, qui avaient une approche de métagénomique absolument remarquable. En regardant la capacité que possèdent des protéines, d'un point de vue géométrique, à se lier à d'autres molécules, ils parviennent à dresser des cartographies des antibiorésistances. Il existe donc très clairement un lien entre phages et microbiote. Tout ne figure évidemment pas dans cette note de quatre pages, mais vous trouverez dans les notes de fin de nombreux éléments complémentaires, dont des liens cliquables vers des articles intéressants.

Concernant l'herboristerie, je dois avouer que cette question fait écho à une certaine frustration relative au fait que notre capacité à explorer le périmètre de réflexion le plus vaste possible est largement conditionnée par le temps qui nous est imparti et les contraintes associées à notre mandat. Pour autant, aucune personne auditionnée n'a évoqué le sujet de l'herboristerie, ce qui ne signifie pas qu'il n'existe aucun lien.

C'est lors de la naissance que s'effectue la colonisation du corps par les micro‑organismes. Ainsi, la naissance par voie basse ne va pas produire le même effet qu'une naissance par césarienne, intervenant en milieu plus stérile afin d'éviter toute infection lors de l'acte chirurgical.

En termes de paramètres, il est important de souligner qu'en l'état actuel des connaissances et des technologies, ce ne sont pas tant les bactéries, leur espèce, leur catégorie ou leur population que l'on regarde – car leur variété est importante et la possibilité de les observer est contrainte par le fait qu'il s'agit souvent de bactéries anaérobies – que leur capacité à produire un effet. Ainsi, les conclusions concernent davantage la diversité des gènes présents que les types de bactéries ou leur nombre. Néanmoins, certains travaux qui m'ont été présentés notamment par Joël Doré, de l'INRAE, et Karine Clément, montrent clairement la relation existant entre la fréquence et l'abondance des différentes bactéries dans le microbiote, et divers paramètres extérieurs, dont le régime alimentaire et tout particulièrement l'apport en fibres. Cette perspective avait, me semble‑t‑il, permis à l'INRAE de déterminer la recette d'un pain riche en fibres permettant de rééquilibrer le microbiote. La quantité de fibres contenues dans la ration alimentaire consommée par l'homme a en effet considérablement diminué entre le début du XXe siècle et aujourd'hui.

La question posée par André Guiol concerne la relation entre cerveau et intestin. Le spécialiste du sujet est Pierre‑Marie Lledo, directeur du département de neurosciences de l'Institut Pasteur et d'une unité CNRS « Gènes, synapses et cognition », ancien vice‑président du conseil scientifique de l'Institut Pasteur. Il m'a expliqué, de façon très pédagogique, les liens existant entre les bactéries présentes dans l'estomac et le cerveau, au travers des métabolites fabriqués et transformés par les bactéries, qui passent dans le compartiment sanguin, arrivent dans le cerveau et peuvent, via des récepteurs ad hoc, influencer des phénomènes comme la satiété ou la faim. Ces liens sont clairement documentés par les travaux de M. Lledo, dont les références figurent dans les annexes de la note.

Laure Darcos a évoqué la situation de M. Affagard et MaaT Pharma. J'ai appris, lors de la table ronde à laquelle il a été convié, qu'il bénéficiait de financements de la BPI, avec une introduction en bourse, ce qui montre une évolution favorable. Ceci étant, il reste sans doute des avancées législatives et réglementaires à accomplir dans le domaine du financement de l'innovation. Le passage du stade expérimental à la phase de développement, qui doit permettre à une start‑up de dégager des revenus, pose en effet souvent problème. Au‑delà du financement, de nombreux autres paramètres doivent être pris en considération.

Il semble que le retrait de l'Ercéfuryl par l'ANSM ait été lié aux effets néfastes observés dans le cas de mésusages.

Angèle Préville a posé une question sur les additifs alimentaires. Je l'invite à contacter Joël Doré, de l'INRAE, qui a abordé lors de son audition le sujet des émulsifiants. La population des micro‑organismes composant le microbiote comptant de nombreuses espèces, certaines peuvent être touchées plus que d'autres par l'action des émulsifiants. L'élément à considérer est donc essentiellement le résultat final.

Gérard Longuet s'interrogeait sur le rôle des évolutions technologiques dans la recherche en matière de microbiote. Tout ce qui touche à la caractérisation du génome et à la métagénomique est essentiel. On se trouve en effet face à une quantité de micro‑organismes incroyablement importante dont le patrimoine génétique global compte environ 600 000 gènes. Vous imaginez bien que l'étude de ces gènes requiert un minimum de technologie pour être en mesure de gérer l'information correspondante. La bio‑informatique, la gestion des big data, la data‑analyse et l'intelligence artificielle sont des technologies de traitement de la donnée qui ont une véritable utilité en la matière. De nombreuses technologies vont aujourd'hui de pair avec une intégration structurelle du microbiote dans le paysage de la médecine et de l'alimentation.

Ceci soulève des questions assez vertigineuses. Qui, finalement, dirige notre corps ? Est‑ce notre cerveau, notre cœur ou tous ces micro-organismes que nous hébergeons, qui produisent 30 % de notre fluide sanguin et sont capables de réguler notre métabolisme ?

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