– La biologie du virus a complètement changé depuis le début de la pandémie. Ceci est directement corrélé à l'apparition d'Omicron qui, en modifiant son RBD, a modifié sa biologie. C'est pourquoi il est responsable d'infections des voies aériennes supérieures beaucoup plus que des voies aériennes inférieures. En d'autres termes, il est moins performant pour infecter les voies aériennes inférieures que ne l'étaient les variants précédents. En revanche, il a une capacité réplicative accrue et la dose infectante du virus est plus faible : auparavant, il fallait être exposé à mille virus pour être infecté, avec Omicron cinquante suffisent probablement. C'est la raison pour laquelle la transmission est plus forte. Or dès lors qu'un virus se transmet mieux dans les voies aériennes supérieures et change sa biologie, il élargit son spectre et les enfants, qui étaient épargnés, deviennent maintenant des vecteurs. La reprise épidémique avec le virus Omicron est très clairement passée par les enfants, chez lesquels l'incidence a atteint des niveaux inconnus jusqu'alors, au moins dix fois supérieurs à ceux observés avec les autres variants.
Le virus n'est pas devenu plus dangereux pour les enfants, mais la quantité d'enfants contaminés fait que le nombre d'enfants développant des formes graves est, en valeur absolue, significatif. Un certain nombre d'enfants sont par exemple aujourd'hui en réanimation du fait d'atteintes cardiaques liées au Covid, les PIMS. Je pense qu'il faut y voir, là encore, le signe d'un pas évolutif du virus, qui rejoint ce que l'on connaît d'autres virus, dont celui de la grippe et le virus respiratoire syncytial (VRS), dont la dynamique épidémique hivernale est portée par les enfants. Les épidémies de grippe et de VRS commencent en effet chez les enfants, avant de toucher les personnes plus âgées. Une même dynamique est probablement en train de s'installer avec Omicron. J'ignore toutefois si ceci s'inscrira dans la durée.
Les virus saisonniers de type coronavirus sont bénins, puisqu'ils donnent le rhume banal. Il n'y a que chez les personnes immunodéprimées que l'on observe des formes graves, heureusement très rares. À mon avis, le devenir évolutif de SARS-CoV-2 est le même que celui d'OC43 et de 229E, c'est-à-dire une évolution lente, conduisant à un pouvoir pathogène faible et à un risque très limité de développer des formes graves. Cependant, le virus est apparu trop récemment pour que l'on puisse raisonnablement imaginer que l'on se situe déjà dans ce temps de bascule vers des infections bénignes. Il faut être vigilant, car le potentiel évolutif du virus reste considérable.