Intervention de Alain Fischer

Réunion du jeudi 3 février 2022 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Alain Fischer, pédiatre immunologiste à l'hôpital Necker-enfants malades, professeur en immunologie pédiatrique au Collège de France, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale :

– Ma réponse concerne la question de la pharmacovigilance et des maladies auto-immunes. Il faut savoir qu'en France, trois millions de personnes environ ont une maladie auto-immune, soit quelque 5 % de la population adulte, ce qui est considérable. Il existe toutes sortes de maladies auto-immunes : polyarthrite, sclérose en plaques, lupus, etc. Entre 85 % et 90 % des personnes concernées sont heureusement vaccinées contre le Covid ; j'emploie cet adverbe à dessein car elles sont plus à risque de formes de Covid sévère que la population générale. Il y a donc une indication formelle de vacciner les personnes atteintes de maladies auto-immunes.

Bien évidemment, le fait qu'une telle personne, trois, huit ou quinze jours après le vaccin, connaisse une poussée de maladie auto-immune remonte dans le dispositif de pharmacovigilance. Statistiquement, il est absolument évident qu'à partir du moment où une population de 3 millions de personnes est atteinte de ce type de maladie et où l'on vaccine chaque jour plusieurs centaines de milliers d'individus, on observe par concomitance dans les jours suivants qu'un certain nombre des personnes ainsi vaccinées développent une poussée de maladie auto-immune. Une fois ces signalements effectués, il est très important de faire la part des choses entre ce qui est du domaine de la concomitance et ce qui relève de la corrélation, voire de la causalité. À ce jour, il n'apparaît aucun signal significatif sur une relation de cause à effet entre vaccination et poussée de maladie auto-immune, sur la base des données de centaines de millions de personnes disponibles à l'échelle mondiale et au-delà de la pharmacovigilance par ailleurs fort bien réalisée en France, dans les pays d'Europe occidentale et en Amérique du nord. Il faut d'autant plus rassurer les personnes concernées qu'il est très important qu'elles soient vaccinées. Ceci rejoint le débat, malheureusement excessif sur le plan médiatique, qui a concerné voici plus de vingt ans le lien entre vaccination contre l'hépatite B et sclérose en plaques. Il y avait eu alors des concomitances, mais de nombreuses études ont montré que le vaccin contre l'hépatite B ne déclenchait pas de poussée de sclérose en plaques. Il faut donc rassurer les personnes concernées, tout en soulignant l'importance de continuer les signalements en pharmacovigilance, qui permettraient éventuellement d'établir, pour certaines complications non auto-immunes, une relation entre le vaccin et un événement médical indésirable.

Il me semble important de distinguer la question des femmes enceintes et celle des modifications de cycle menstruel. Il est vrai qu'ont été reçus, en France comme à l'étranger, un certain nombre de signalements de la part de jeunes femmes indiquant des perturbations de leur cycle menstruel. Ceci a déjà été signalé avec d'autres vaccins. Il n'est pas facile d'établir l'existence ou l'absence d'une relation de cause à effet. Dans le doute, ceci n'est pas totalement à exclure. Il est toutefois très important de souligner que cette perturbation est limitée, temporaire, concerne un cycle, exceptionnellement davantage, et n'a aucune conséquence ni sur la vie de la femme concernée, ni sur sa régulation hormonale, ni sur sa fécondité. Il est important de rassurer les jeunes femmes qui auraient des craintes à ce sujet. Le risque ne se situe absolument pas dans la même dimension que le bénéfice apporté par la vaccination.

Les femmes enceintes ne sont quant à elles pas suffisamment vaccinées. Des collègues obstétriciens m'ont communiqué voici 48 heures des chiffres émanant de six maternités de l'AP-HP indiquant que la couverture vaccinale des femmes enceintes en fin de grossesse ne dépassait pas 60 %, ce qui est très en-deçà de la couverture vaccinale des personnes du même âge. Ceci n'est pas satisfaisant, car le fait de ne pas être vaccinées expose ces femmes à des risques très importants, désormais rapportés dans de nombreuses études scientifiques, dont je pourrai vous fournir les références si vous le souhaitez. Sachez par exemple que le fait pour une femme enceinte non vaccinée d'attraper le Covid, qui plus est en fin de grossesse, multiplie par 18 le risque d'aller en réanimation, avec une pneumonie aggravée par la gêne mécanique ou par des complications vasculaires. Or la vaccination protège contre ces complications, qui peuvent être graves et aboutir à la mort. Certaines jeunes femmes, en pleine santé par ailleurs, sont ainsi mortes du Covid pendant leur grossesse. Ce sont des drames possibles, mais parfaitement évitables dans la mesure où la vaccination complète évite plus de 95 % de ces complications.

Il faut aussi savoir que l'infection au Covid a un retentissement sur les bébés : une femme atteinte du Covid a deux fois plus de risques de voir naître un enfant né prématuré. Le risque de fausse couche, de retard de croissance intra-utérin et de pathologies de l'enfant est également accru. Actuellement en France, quelque 150 nouveau-nés de mères positives sont hospitalisés car ils souffrent indirectement, sans être eux-mêmes infectés – ou rarement – des conséquences de la maladie contractée par leur mère pendant sa grossesse. La vaccination des femmes avant et pendant la grossesse est donc indispensable, et l'on sait par ailleurs, sur la base de données issues de multiples cohortes suivies dans de nombreux pays, qu'elle est sûre, n'entraîne pas de fausse couche ni de malformation et n'a aucune conséquence négative sur la grossesse. Je me permets donc d'insister très fortement sur l'importance de recommander cette vaccination et de l'expliquer aux femmes concernées.

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