. – Comme l'a dit Mme Habets, le changement climatique affectera l'écoulement des fleuves et rivières. Toutefois, la ressource pourrait diminuer même si l'écoulement restait stable car la ressource n'est qu'une transformation humaine de ce que la nature nous propose. En fonction de la saisonnalité de notre demande, la ressource peut être plus ou moins affectée, et ce sont les usages saisonniers qui seront les plus touchés.
L'hydrologie est une science compliquée. J'ai pris les exemples de trois rivières provenant de différents bassins versants, la Mayenne, l'Eyrieux et la Meuse. Vous pouvez voir sur ces schémas, à partir de mesures, comment l'écoulement dépend avant tout des précipitations : il existe une relation claire entre précipitations et écoulement d'une rivière. En revanche, si l'on regarde l'influence de l'évaporation potentielle, en première approximation liée à la température –, on peut voir que la relation est plus ténue. Le même phénomène s'observe partout sur le territoire. Ainsi, ce qui influence au premier ordre l'écoulement d'une rivière est la précipitation. Le changement climatique affecte les précipitations, avec une tendance à l'assèchement en Méditerranée et à l'augmentation des précipitations en Europe du Nord. Pour la France, qui se situe au milieu, l'écoulement devrait baisser en été sur l'ensemble du territoire.
Les prévisions du GIEC peuvent être représentées sous forme de cartes. Vous pouvez voir sur les cartes que je vous présente deux visions : une hypothèse très optimiste et une hypothèse légèrement pessimiste. On remarque, dans l'hypothèse optimiste, que le bassin de la Garonne s'assèche. Dans le modèle pessimiste, toute la France est en assèchement. Les écoulements devraient donc être réduits.
Il faut distinguer ressources et écoulements. En effet, le débit d'une rivière est irrégulier et l'écoulement naturel est un maximum théorique pour la ressource. Une partie du débit devant être réservée aux écosystèmes aquatiques, toute l'eau des rivières n'est pas utilisable. De plus, les écoulements, lorsqu'ils arrivent en crue, ne sont pas non plus utilisables et ne constituent pas une ressource. Il faudrait pour cela avoir des réservoirs gigantesques, ce que nous n'avons pas en France. Le plus grand de nos réservoirs, celui de Serre‑Ponçon, avec un milliard de mètres cubes de capacité, est minuscule par rapport à d'autres réservoirs en Europe. Le rendement de la conversion écoulement‑ressources est nécessairement inférieur à 100 %. Il est fonction de ce que l'on décide de laisser à la rivière pour soutenir les écosystèmes et il dépend de nos capacités à stocker l'eau. Concernant cette capacité à stocker l'eau, on peut voir que le rendement augmente avec la taille du réservoir mais que si on crée d'énormes réservoirs, le rendement baissera, car on y perd de l'eau par évaporation.
Le type d'usage affecte également le rendement de la ressource mobilisable. S'il s'agit d'un usage d'irrigation pendant la saison chaude, des difficultés apparaissent car les rivières ont moins d'eau pendant l'été.
Nous avons mené des travaux sur la manière de traduire les changements prévisibles du climat en réduction de la ressource pour plusieurs bassins versants français. On constatait que près de 80 % des bassins versants verraient leurs ressources mobilisables baisser dans le cadre d'une demande constante de type urbain, et de 90 % dans le cadre de demandes saisonnières.
Nous n'avons pas de solution magique. Mme Habets est hydrogéologue tandis que je suis un hydrologue de surface mais nous nous occupons d'un seul cycle de l'eau. S'il manque de l'eau en surface, nous ne pourrons pas chercher de l'eau en souterrain, et inversement, car il s'agit du même cycle de l'eau.