. – J'aborderai les pratiques et systèmes agroécologiques et la gestion quantitative de l'eau, en évoquant en particulier le rôle des sols.
L'agroécologie est un ensemble disciplinaire qui croise des sciences agronomiques et écologiques appliquées aux agrosystèmes et y associe les sciences humaines et sociales. Il s'agit de systèmes qui combinent un ensemble de pratiques. L'agroécologie est présentée comme une alternative à une agriculture intensive, caractérisée par un usage d'intrants important. Elle promeut une diversité biologique et des régulations biologiques associées à cette diversité pour maximiser des services écosystémiques autour des cycles du carbone, de l'azote et de l'eau. Elle vise à promouvoir des systèmes alimentaires, ce qui implique des approches multiacteurs.
Un des leviers les plus puissants pour réduire l'usage des intrants est la diversification spatiale et temporelle des espèces végétales cultivées ou associées aux espèces cultivées. Le système conventionnel de production agricole répond bien en termes de production, mais est fortement dépendant des intrants et n'optimise pas les fonctions écosystémiques. Certains modes de production favorisent les régulations et les services écosystémiques, notamment l'agriculture de conservation, respectueuse du climat. Ces différentes pratiques forment le cadre assez large de l'agroécologie. Il n'existe pas de définition stricte mais un cadre conceptuel de raisonnement car il n'y a pas de système miraculeux répondant à tous nos objectifs (environnementaux, sociaux et économiques) mais une zone de compromis à établir en fonction des territoires et des enjeux identifiés.
Il est indispensable de noter que le cycle de l'eau est intimement lié au cycle du carbone et à celui de l'azote, ce couplage étant central dans les systèmes agricoles.
L'eau de pluie s'infiltre dans le sol si l'état de porosité du sol le permet, sinon le ruissellement peut entraîner des phénomènes d'érosion. Dans le cadre de la gestion d'une parcelle agricole, on cherche à optimiser l'infiltration pour garantir la recharge des nappes et la retenue d'une partie de cette eau par le sol pour irriguer les plantes et maximiser l'efficience de valorisation de cette eau par les plantes. L'eau dite capillaire est la seule valorisable et absorbée par les racines. Elle peut être influencée par des pratiques agricoles. L'agriculture de conservation est le mode de production qui a le plus d'influence sur le fonctionnement hydrique des sols, en lien avec des modifications fortes des propriétés physiques, chimiques et biologiques du milieu. Elle mobilise trois leviers majeurs non dissociables : la rotation et la succession de cultures diversifiées, l'utilisation de plantes de service pour couvrir les sols et minimiser les temps de sol nu et la suppression ou forte réduction du travail du sol, qui favorise l'infiltration de l'eau dans les sols.
L'optimisation de l'infiltration de l'eau est particulièrement importante en cas d'événements climatiques de forte intensité, qui tendent à se multiplier. La réduction du travail du sol permet d'augmenter mais aussi de stabiliser dans le temps les capacités d'infiltration. En effet, le travail des sols crée une macroporosité peu stable dans le temps contrairement aux édifices des vers de terre ou des racines qui tapissent les galeries de cellules organiques qui stabilisent l'édifice. Avec un sol nu sans travail du sol, l'évaporation serait augmentée. Il est donc impératif de raisonner à l'échelle systémique et de ne pas isoler les pratiques. On peut augmenter de 6 à 12 % les capacités de rétention en eau des sols. Le niveau de variation dépend des types de sols mais est généralement positif. Le réservoir utilisable est plus régulièrement alimenté par des pluies qui s'infiltrent et le remplissent. Les plantes de couverture réduisent l'évaporation et augmentent l'infiltration par des galeries de racines et par un effet physique de protection contre l'énergie cinétique des pluies. Le ruissellement est également significativement réduit. Concernant la transpiration, il existe des effets positifs et négatifs. La transpiration des plantes a en effet un impact sur le remplissage du réservoir. Il est nécessaire d'avoir les connaissances techniques pour décider du moment auquel détruire un couvert végétal afin de limiter les impacts sur les cultures suivantes.
En conclusion, les pratiques agroécologiques permettent d'améliorer ou restaurer certaines fonctions écosystémiques, notamment la rétention d'eau. L'infiltration de l'eau est 1,5 à 5 fois supérieure dans les systèmes d'agriculture de conservation et plus stable dans le temps. La couverture des sols a aussi des effets sur le stockage de carbone par les plantes et sur la diminution de l'effet albédo. Lorsque le sol est moins travaillé et couvert en permanence, les plantes ont des interactions plus importantes avec des microorganismes, ce qui permettra de prospecter des volumes de sols et de valoriser plus efficacement les ressources hydrominérales.
Sur un plan économique, ces systèmes permettent de maintenir et améliorer les performances économiques des exploitations agricoles par une moindre dépendance aux intrants. Ils réduisent certains impacts environnementaux mais ont cependant le défaut de reposer encore sur l'utilisation d'herbicides, or l'aspect qualitatif de l'eau ne doit pas être occulté. Pour agir sur le cycle de l'eau, être moins dépendant de l'irrigation et permettre aux systèmes de s'adapter au changement climatique, la clé est le carbone. Pour cela, il faut considérablement améliorer notre capacité à valoriser nos ressources à l'échelle des territoires pour que nos sols puissent se restaurer en carbone. Les enjeux sont forts en termes de recherche et développement sur la quantification des effets de ces systèmes complexes sur le bilan hydrique. On doit travailler sur la diversification des espèces végétales cultivées pour accroître l'efficience de la valorisation de ces ressources. Il est en outre nécessaire de concevoir et expérimenter on farm et d'évaluer ces systèmes de rupture, notamment les systèmes qui combinent la réduction des intrants en agriculture biologique et l'agriculture de conservation.