Intervention de Catherine Cesarsky

Réunion du jeudi 17 février 2022 à 10h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Catherine Cesarsky :

‑ Je suis très impressionnée par ce que je viens d'entendre mais je reviendrai à quelque chose de plus simple, la formation des enfants. Didier Roux a dit quelque chose de bien senti mais il n'a pas tellement parlé du rapport sur l'enseignement des sciences de l'Académie des sciences, paru en novembre 2020 et dont il était co-auteur.

Il est bon de rappeler que la France dispose d'un conseil supérieur des programmes (CSP), dont j'ai fait partie. À ce conseil, nous faisons la liste de ce qu'il faudrait faire et nous pouvons élaborer de très bons textes. C'est le cas du texte actuel. Il faut ensuite s'assurer que c'est bien ce qui est enseigné dans les écoles. En ce qui concerne les sciences, comme le dit le rapport de l'Académie, ce n'est absolument pas le cas : les sciences ne sont pas abordées dans les écoles de la façon préconisée par le CSP. C'est comme deux lignes parallèles qui ne se rencontrent jamais – et je crois que c'était pareil dans le passé.

Tout ceci vient au premier chef de la formation des enseignants : dans leur grande majorité, ils n'ont pas de bonnes bases scientifiques, d'où l'importance d'actions comme La main à la pâte ou les Savanturiers de la recherche… Il faut à la fois leur donner des bases scientifiques – ce que fait par exemple le CERN – et leur apprendre à enseigner les sciences. En effet, il ne s'agit pas d'apprendre une série de faits mais plutôt d'apprendre à réfléchir et à comprendre la méthode scientifique. C'est de loin le plus important.

Je vais donner un exemple rapide. En 2006, je suis devenue présidente de l'Union astronomique internationale au beau milieu du débat sur Pluton : Pluton est-il ou non une planète ? Peut-être vous souvenez-vous de la raison pour laquelle nous avons décidé que Pluton n'est plus une planète. Nous savions déjà que Pluton est très différent des autres planètes et d'autres objets similaires à Pluton ont été découverts. Soit l'on continuait à augmenter sensiblement le nombre de planètes dans le système solaire, soit l'on disait que Pluton est le prototype d'un autre type d'objets, dits transneptuniens. Cela a fait grand bruit et nous avons alors invité les écoles du monde entier à en discuter.

De nombreux professeurs nous ont suivis et ont expliqué le sujet aux enfants. Nous avons évidemment donné les arguments sur lesquels ce changement se fondait. Ceux qui étaient contre nous disaient : « mais la tradition, ce qu'on nous a enseigné, est beaucoup plus importante que les faits », les faits étant la découverte d'objets similaires à Pluton, qui montre bien que l'on ne peut plus mettre Pluton dans la même catégorie que les autres planètes.

Cette discussion a eu lieu dans de très nombreuses écoles dans le monde. La démarche appelait à faire voter les élèves et, dans 75 % des cas, les élèves ont voté pour que Pluton ne soit plus une planète. Géographiquement, les votes sont distribués de façon très inhomogène, c'est très intéressant.

Un grand nombre de professeurs nous ont écrit pour dire à quel point cette discussion était utile pour que les enfants comprennent comment une découverte scientifique peut amener un changement. Nous ne disposons pas d'un champ établi de choses connues mais la science avance à travers des découvertes. J'espère que cette génération d'enfants a compris cela et je me demande combien de gens en France le savent.

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