Les crises successives que nous avons traversées et la guerre en Ukraine nous montrent à quel point il est important que nous retrouvions notre souveraineté alimentaire – je partage vos propos à cet égard. Cela passe, à mes yeux, par une réorientation du modèle agricole. Parmi les mesures que vous avez annoncées, un des objectifs qu'il faut absolument privilégier est la souveraineté alimentaire des pays du Sud.
Ce qui me gêne, c'est que vous vous inscrivez dans la droite ligne des propos de Christiane Lambert, selon qui on doit produire plus. Cette vision conduit à accroître encore les atteintes au climat, à la biodiversité et au monde paysan.
La gestion de la pandémie de grippe aviaire soulève de réelles difficultés. On en vient à demander aux éleveurs d'enterrer eux-mêmes les cadavres des animaux ou d'arrêter la ventilation, ce qui asphyxie les bêtes. Il n'est plus possible de continuer dans cette voie, d'autant que la grippe aviaire est récurrente depuis plusieurs années et qu'elle frappe majoritairement les élevages industriels claustrés. Au lieu de remettre en cause ces derniers, on pénalise l'élevage en plein air. On continue à considérer les animaux comme un minerai et non des êtres vivants.
L'agriculture conventionnelle fonctionne sous perfusion d'hydrocarbures, puisque les pesticides de synthèse sont des dérivés de la pétrochimie. Les engrais azotés sont produits à partir du gaz naturel. Pourquoi poursuivre dans cette voie ? Marc Dufumier, que j'ai rencontré récemment, m'a indiqué qu'il était possible de réorienter notre agriculture. Non seulement ce n'est pas une utopie mais, à ses yeux, compte tenu de la situation sociale et environnementale, c'est un impératif. Pourquoi refuser de changer notre modèle agricole et poursuivre une politique qui nous conduit droit dans le mur ?