Intervention de Jean-Louis Bricout

Réunion du jeudi 31 mars 2022 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bricout :

Le décret d'avance permet de rendre opérationnelles les mesures que vous avez annoncées pour faire face à la nouvelle crise. Nous ne nous opposerons pas à ces mesures destinées à aider nos concitoyens, les entreprises, les éleveurs, les pêcheurs, les transporteurs, qui en ont tant besoin. Nos interrogations portent sur leur efficacité, leur pertinence et leur ampleur, ainsi que sur la méthode utilisée.

Lors de l'audition de Bruno Le Maire, j'avais regretté votre choix, dicté par des préoccupations électoralistes, de laisser s'envoler les prix du carburant. Vous préférez intervenir à la fin de la chaîne de valeur, laissant les ménages, retraités, entreprises, collectivités être affectés, dans toute la diversité des situations. C'est une méthode synonyme de complexité mais aussi d'injustice et par là même d'inefficacité. Depuis, vous avez opéré un modeste rétropédalage en réduisant les prix en amont, à la sortie des raffineries : les effets de la hausse des prix pour les Français sont moins forts mais les compensations sont toujours aussi compliquées. Pourquoi n'avez-vous pas bloqué les prix ? Vous n'auriez alors eu qu'à négocier avec quelques géants de l'énergie. Cela aurait sans doute été bien plus simple.

En ces temps de guerre économique, où l'État doit être fort, pourquoi ne pourrait-il pas imposer des prix et garantir des approvisionnements tout en assurant la stabilité économique des géants de l'énergie ? Bref, ce que nous redoutions arrive, ce qui rend nécessaire le décret d'avance.

Une question pratique : pour l'attribution de la compensation, comment différencierez-vous le transporteur qui a répercuté la hausse du prix des carburants sur ses clients et celui qui a choisi de compresser ses marges ?

Vos mesures sont insuffisantes. Les ménages, les travailleurs n'en peuvent plus, le pouvoir d'achat est devenu la préoccupation première des Français, et vous proposez 15 à 18 centimes par litre ! C'est ridicule. En outre, il s'agit d'une réduction fixe alors que le prix fluctue, ce qui n'a aucun sens. Comptez-vous adapter cette mesure au fil du temps, et comment ? Pensez-vous à des mesures complémentaires, comme l'Allemagne, qui a fixé à 9 euros par mois le prix des transports en commun ?

Il y a aussi de grands oubliés, comme les collectivités locales : les hausses de prix pèsent sur leurs budgets et érodent leurs possibilités d'investissement. La commande publique est en berne, ce qui ne manquera pas d'affecter à terme le secteur du bâtiment et des travaux publics. Que leur proposez-vous, hormis les 10 milliards d'euros d'économies prévus dans le programme présidentiel ?

Je vous soumets également le cas d'un lycée privé sous contrat, confronté à un ultimatum alors que son contrat de fourniture d'énergie arrive à échéance : on lui propose une multiplication du coût par 4,5 pour un contrat de long terme, ou par 10 pour un contrat de court terme ; ses charges de chauffage passeraient ainsi de 35 000 à 150 000, voire 300 000 euros. Quelles solutions préconisez-vous ? Vous semble-t-il possible de prolonger les anciens contrats à titre dérogatoire ?

Quant à la méthode, pourquoi un décret d'avance et non un projet de loi de finances rectificative ? Cela vous oblige à annuler des crédits pour en ouvrir d'autres. Les crédits annulés relevant principalement de la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire, comment ferez-vous si malheureusement la pandémie venait à repartir avant que nous ayons eu le temps d'examiner un PLFR ?

Le décret d'avance ne permet pas non plus de modifier la législation fiscale. C'est dommage, car vous auriez pu taxer les entreprises du secteur de l'énergie dont nous connaissons les profits actuels. Nous vous l'avions suggéré à l'automne dernier et, preuve que nous avions raison, l'Espagne et l'Italie s'apprêtent à le faire.

La crise sera longue et profonde ; elle impose de préparer l'avenir maintenant. Un PLFR aurait permis de débattre des enjeux de souveraineté et des grandes transitions pour la planète, et de définir des orientations stratégiques. Les groupes d'opposition auraient pu présenter leurs propositions.

Il y a maintenant plus de trois ans, vous avez refusé notre stratégie pour lutter contre la précarité énergétique, qui reposait sur une approche globale de la rénovation et un financement innovant composé de subventions pour une part et d'avance remboursée à la mutation du bien pour l'autre. Il aura fallu attendre trois ans et la publication du rapport de la mission d'Olivier Sichel pour mériter votre reconnaissance et voir écrit, sous la plume de ce dernier dans Le Monde, « le prêt avance rénovation est une révolution solidaire et financière ». Quand comptez-vous mettre en œuvre cette proposition ?

Comment envisagez-vous la suite, alors que la menace inflationniste conjuguée à une baisse de la croissance se précise ? Le poids de la dette, à plus de 110 % du PIB, ne nous permettra pas d'absorber un choc comme ce que nous avons connu dans les années 1970. Gouverner, c'est prévoir. Qu'avez-vous prévu ?

Enfin, pouvez-vous confirmer que la remise de 35 centimes par litre accordée aux pêcheurs s'appliquera bien jusqu'au 31 juillet, et non jusqu'au 1er avril ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.