Intervention de Éric Coquerel

Réunion du jeudi 31 mars 2022 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Je soulignerai d'abord deux anomalies démocratiques. D'une part, lorsque nous nous étions émus de ce que le président de la commission des finances n'était désormais plus membre de l'opposition, il nous avait été répondu qu'il ne restait qu'une semaine avant la suspension des travaux. Depuis, nous nous sommes réunis à deux reprises, pour aborder des sujets qui ne sont pas mineurs. Nous n'avions donc pas tort d'évoquer le problème.

D'autre part, je suis très étonné que des sujets aussi importants ne donnent pas lieu à un PLFR. Nous avons su nous réunir – et c'était légitime et nécessaire – pour écouter le président de l'Ukraine. Pourquoi ne serions-nous pas capables d'en faire autant pour débattre d'un PLFR ?

J'en viens au décret d'avance, qui est selon nous mal ciblé, insuffisant, provisoire et largement improvisé. Cela s'explique très certainement par le fait que le Gouvernement, une fois de plus, a un train de retard et, pour se rattraper, décide à la va-vite d'une mauvaise réponse.

S'agissant du carburant, dès septembre dernier, alors que vous défendiez l'indemnité inflation pour les personnes gagnant moins de 2 000 euros par mois, nous affirmions que sans blocage des prix, toutes les aides seraient absorbées par la hausse des prix. Pourtant, vous continuez dans cette voie : non seulement vous prenez des mesures dérisoires – 15 centimes par litre alors que depuis le début de la crise, le prix a augmenté de 70 centimes – mais vous refusez toujours de bloquer les prix.

Une fois de plus, vous préférez ponctionner le budget de l'État plutôt que de vous attaquer d'abord aux revenus des raffineurs – Total a tout de même enregistré l'an dernier 13 milliards d'euros de bénéfices et 7 milliards d'euros de dividendes. Bruno Le Maire leur a demandé un effort. Lorsque je lui avais demandé de s'assurer que les cadeaux faits aux entreprises sans contrepartie ne serviraient pas à accroître les dividendes, il m'avait dit que le bon sens suffirait à l'éviter : nous avons vu le résultat, et pourtant vous recommencez ! Je peux affirmer que l'effort que vous espérez ne sera pas fait. Le seul à payer est donc l'État – nous tous !

Je m'étonne que le Gouvernement n'ait pas repris la proposition de Jean-Luc Mélenchon consistant à s'associer aux autres pays européens pour imposer un prix de gros du carburant. Avec 500 millions de consommateurs, l'Europe est le plus gros marché, mais nous n'utilisons pas cette force pour empêcher la spéculation sur les carburants – car une des raisons de l'augmentation du prix est la rareté qu'organisent les pays producteurs et les raffineurs. Nous proposons de bloquer le prix à 1,40 euro le litre, soit celui d'avant la crise.

Les mesures prévues dans le décret d'avance sont insuffisantes pour un grand nombre de secteurs. Vous destinez 80 millions d'euros par exemple au BTP. Or ce secteur, dont les représentants ont été nombreux à participer au blocage de dépôts pétroliers, ne souffre pas seulement du prix du carburant ; il subit aussi le doublement du prix des tubes en PVC, qu'il utilise massivement.

Plus grave encore, le décret d'avance n'est pas assez ambitieux. Une nouvelle fois, vous négligez le pouvoir d'achat et la consommation des classes populaires. L'INSEE avait prévu, avant le début de la crise de l'Ukraine, une baisse de 0,5 % du pouvoir d'achat au premier semestre : inutile de dire que ce sera bien plus. À la fin du premier trimestre 2021, la consommation a reculé de 1,4 %. Il faut anticiper les difficultés que ces chiffres annoncent. Or votre projet ne contient aucune mesure en ce sens. Nous proposons de porter le SMIC à 1 400 euros nets et d'instaurer une garantie autonomie pour les jeunes d'un montant de 1 063 euros, ainsi qu'un RSA jeune. Vous ne prévoyez rien pour contrebalancer les effets des hausses de prix. C'est une faute.

Enfin, nous risquons malheureusement d'être confrontés à l'avenir à des épisodes de crise successifs, qu'il s'agisse d'une autre pandémie, du réchauffement climatique ou encore de l'instabilité internationale. Autrement dit, nous n'en avons pas fini avec les PLFR. En proposant une baisse d'impôts de 15 milliards d'euros et un remboursement de la dette Covid à marche forcée, ce qui implique une baisse des dépenses publiques, comment le candidat Macron compte-t-il mener la nécessaire politique de relance de la consommation populaire et de la bifurcation écologique ?

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