Je m'exprime avec humilité, sur la base d'informations que j'ai pu recueillir auprès de mes collègues ultramarins, contraints de rester sur place en raison de la crise sanitaire.
Nous avons eu l'occasion, dans le cadre de l'examen du texte en commission vendredi dernier, d'aborder plusieurs points sur lesquels sont revenus les intervenants précédents. La vague épidémique que subissent nos territoires ultramarins depuis maintenant plusieurs semaines est particulièrement préoccupante et les fragilise, même si elle diffère d'un territoire à l'autre.
Nous avons longtemps dit que l'épidémie touchait les personnes âgées, mais je rappelle une nouvelle fois que dans les hôpitaux ultramarins la moyenne d'âge des patients est de 48 ans ; le variant delta frappe sans distinction. Les faibles taux de couverture vaccinale ont eu des effets particulièrement dramatiques aux Antilles et actuellement en Polynésie.
Le pic épidémique a été atteint il y a quelques semaines aux Antilles, avec un plateau observé depuis maintenant plusieurs jours : entre le vendredi 3 septembre, date de la réunion de la commission des lois, et ce mardi 7 septembre, 419 nouveaux cas de covid-19 ont été enregistrés en Guadeloupe, un repli qui représente tout de même plus de 200 cas par jour ; avec 195 nouveaux cas confirmés ce lundi 6 septembre contre 213 trois jours auparavant, la courbe des contaminations continue de baisser en Martinique mais ces situations restent fragiles. En Polynésie, le taux d'incidence a dépassé les 3 000 cas pour 100 000 habitants et, comme nous l'avons souligné en commission, le nombre de morts en vingt-quatre heures équivaudrait à 6 000 Français si le chiffre des décès était rapporté à la population de l'Hexagone, soit un chiffre dix fois plus élevé qu'au plus fort de l'épidémie. Nous devons tous avoir une pensée pour les victimes, leurs familles, les malades et tous les médecins et soignants qui viennent en renfort, qui prêtent main-forte pour sauver des vies.
Au vu de ces situations particulièrement préoccupantes, ce projet de loi visant à proroger l'état d'urgence dans les territoires ultramarins est justifié. Bien sûr, il nous faut rappeler que l'état d'urgence sanitaire doit être utilisé avec la plus grande prudence, mais ce dispositif permet aussi d'envisager des mesures de contrôle des prix ou de réquisition en cas de besoin.
Il doit cependant s'insérer dans une démarche de renforcement des efforts de solidarité nationale vis-à-vis des territoires concernés, notamment à travers la mise à disposition de nouvelles ressources humaines, matérielles et économiques, permettant de renforcer les capacités de soins.
Nous parlons de territoires sous-dotés depuis des années et où, bien souvent, les moyens tardent à arriver. Je citerai quelques exemples précis : la situation structurelle du centre hospitalier universitaire (CHU) de Martinique est très dégradée ; celui de Pointe-à-Pitre a bien failli disparaître il y a trois ans et l'île attend toujours un nouveau CHU ; celui de La Réunion espère quant à lui depuis plusieurs années une réévaluation du coefficient géographique, qui lui permettrait d'obtenir des bouteilles d'oxygène à un prix moins élevé.
Le rapport sur « les discriminations dans les outre-mer » a également mis en évidence l'existence de déserts médicaux dans plusieurs territoires, du fait du manque de médecins libéraux et de spécialistes. Une telle inégalité d'accès à la santé n'est pas acceptable, d'autant qu'elle ne nous permet pas d'envisager sereinement une éventuelle reprise épidémique.
De plus, la couverture vaccinale est particulièrement faible dans plusieurs territoires ultramarins. Pourtant, les chiffres qu'a relatés M. le ministre traduisent une réalité indéniable : la vaccination protège ; elle permet de contenir la contamination et les effets dévastateurs du variant delta. Tant que les taux de vaccination ne progresseront pas suffisamment, certains territoires continueront d'être exposés à des situations catastrophiques.
Aussi devons-nous poursuivre notre effort de pédagogie – cette pédagogie du « aller vers » –, non pas en nous contentant de passer quelques appels téléphoniques aux plus de 75 ans, mais en ayant une démarche active, la plus dynamique possible. Nous devons aussi prolonger les aides économiques, tant les confinements fragilisent les entreprises. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance a annoncé que le fonds de solidarité serait maintenu dans les territoires d'outre-mer au-delà du 30 septembre, et nous veillerons à ce que l'ensemble des dispositifs soient maintenus, adaptés et renforcés dans les territoires ultramarins.
Si le groupe Socialistes et apparentés votera le projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence dans les outre-mer, il proposera des amendements visant notamment à institutionnaliser des comités de suivi, afin que les élus ultramarins soient toujours associés à la prise de décision.