La question de la responsabilité pénale est souvent à l'origine des débats les plus animés, alors même, il faut le reconnaître, que la grande majorité des décisions d'irresponsabilité font consensus. Mais il demeure des cas dans lesquels les expertises sont contradictoires ou les décisions peu satisfaisantes, parce que le droit n'est pas clair.
La décision que la Cour de cassation a rendue le 14 avril dans l'affaire qui a concerné Sarah Halimi a fait grand bruit. En confirmant que le meurtrier de Sarah Halimi devait être considéré comme pénalement irresponsable, la Cour a relancé le débat sur ce principe de droit, ancien mais souvent remis en cause. Bien qu'elle soit conforme à la loi, cette décision nous a heurtés. Notre réaction est légitime : est-il normal qu'une consommation de cannabis qui déclenche une bouffée délirante à l'origine de blessures infligées à autrui, voire de sa mort, autrement dit à l'origine d'un crime ou d'un délit, est-il normal, dis-je, que cela reste impuni ? Je réponds non : c'est une faute, qui doit être sanctionnée. Il nous faut donc réparer cette injustice. Je précise d'emblée que ce qui vaudra pour les substances illicites vaudra également l'alcool et les médicaments.
J'ai la charge de rapporter trois articles de ce projet de loi qui en comporte vingt. Comme en commission, je constate qu'ils vous auront particulièrement inspirés puisque plus de 40 % des amendements déposés les concernent.
Je rappelle un principe qui, pour moi comme pour vous, je crois, restera intangible, et que le garde des sceaux a rappelé : celui qui est considéré comme fou ne peut être tenu pour responsable de ses actes. C'est là une ligne rouge : il n'est pas question de pénaliser les malades. Pour autant, il nous faut combler les lacunes de la loi. Quid de celui qui a décidé de se rendre fou au moyen de substances psychoactives, de celui qui ne subit pas sa folie mais la provoque ? C'est la question à laquelle Antoine Savignat et moi nous sommes efforcés de répondre, dans le cadre d'une mission flash dont nous avons présenté les conclusions en commission des lois au mois de juin. Je me félicite que le point de vue du Gouvernement soit le même que le nôtre.
Nous avons convergé pour considérer qu'il ne faut pas toucher à l'article 122-1 du code pénal, qui définit le principe de l'irresponsabilité pénale. Nous sommes également d'accord sur la nécessité de veiller particulièrement à ne pas rendre responsables ceux qui sont atteints d'une pathologie. Leur place n'est pas en prison : ils doivent être soignés. Enfin, et c'est l'objet de l'article 2, il faut pouvoir retenir et sanctionner la faute antérieure : on continuera de ne pas condamner pour meurtre ou violences celui qui a perdu tout discernement, mais on le condamnera pour la prise volontaire de toxiques, d'alcool ou de médicaments, d'autant plus durement que les effets auront été tragiques.
Il y a une volonté d'avancer et d'améliorer le droit. Je l'ai constaté lors de l'examen en commission, qui a donné lieu à des débats de qualité, ce dont, chers collègues, je vous remercie.
L'article 1er ne vise pas à répondre à l'affaire Halimi. Il comporte un dispositif qui vise spécifiquement les assassins et terroristes qui, dans leur mode opératoire, consommeraient des drogues pour se donner du courage afin de passer à l'acte. Leur projet est acté, la prise de substances n'est qu'un moyen de s'aider à commettre le crime.
Ce projet de loi n'est pas achevé. Nous l'avons enrichi en commission en adoptant notamment des amendements défendus par Coralie Dubost et Jean Terlier, du groupe LaREM, et par Cécile Untermaier, sur la procédure applicable devant la chambre de l'instruction, en faveur des parties civiles. J'espère que les débats qui débutent seront l'occasion de l'améliorer encore ensemble. Nous y travaillerons avec l'humilité qui s'impose dans une matière aussi technique qu'humaine, aux confins du droit et de la santé, dans laquelle il faudra toujours préserver les équilibres du droit pénal.