Intervention de Bastien Lachaud

Séance en hémicycle du mercredi 29 septembre 2021 à 21h30
Exploitation de lanceurs au centre spatial guyanais — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

Comme on le voit, les enjeux sont immenses. Et nous pourrions nous abstenir d'examiner le seul texte de la législature ayant trait à la politique spatiale ? Les députés de La France insoumise ne l'ont pas accepté et ont, encore une fois, suscité un débat que l'exécutif voulait éviter pour masquer la faiblesse de son bilan. En réalité, il ne s'agit même pas de faiblesse, mais d'un naufrage lent, causé par un véritable manque de vision et de la naïveté devant l'iceberg des prétentions hégémoniques de l'Allemagne.

Bien sûr, nous pouvons nous enorgueillir de quelques succès scientifiques. La contribution française aux missions martiennes menées par les États-Unis et par la Chine fait de la France une puissance spatiale singulière. Outre son apport au savoir, elle donne une idée de ce que peut la diplomatie spatiale en faveur de la coopération et de la paix. Le long dialogue que les agences française et russe nourrissent depuis des décennies en est d'ailleurs un autre exemple. Nous coopérons encore pour une prochaine mission lunaire.

Un autre succès est, bien sûr, la présence de Thomas Pesquet dans la station spatiale internationale, qui constitue une vitrine irremplaçable et une incitation majeure à ne pas rester à la traîne de l'Histoire. On peut espérer que le partage de son expérience aura fait naître des milliers de vocations de scientifiques, d'ingénieurs, de spationautes, d'écologues, mais aussi de rêveurs invétérés, de poètes et d'artistes. Gagarine et Armstrong y étaient bien parvenus, en transcendant les divisions qu'impliquait la guerre froide.

Pourtant, ces réussites ne peuvent dissimuler une situation caractérisée par la privatisation de l'industrie spatiale et de l'espace lui-même, l'affaiblissement du CNES, le déclassement de la France au sein de l'Agence spatiale européenne, la prise d'ascendant de l'Allemagne, l'enfermement progressif de notre politique dans une approche mercantile, l'attentisme de notre diplomatie lorsqu'il s'agit de garantir des régulations efficaces contre l'accaparement des ressources et la militarisation de l'espace. Depuis plusieurs années, le secteur spatial français est soumis aux assauts d'une concurrence internationale dure, mais aussi aux coups portés par nos prétendus amis, et nous l'acceptons au prétexte de la construction européenne.

Le dernier exemple en date est criant : le PDG d'ArianeGroup a annoncé la semaine dernière la suppression de 600 postes, mais également la délocalisation de la production du moteur Vinci. Ce moteur cryotechnique, qui est une pièce maîtresse du futur lanceur Ariane 6, ne sera donc plus fabriqué sur le site de Vernon, en Normandie, mais bien à Ottobrunn, en Bavière, où des essais sur le moteur Vulcain sont déjà pratiqués et alors que les essais de qualification sont déjà prévus en Allemagne. Et Bruno Le Maire donne sa bénédiction à une telle avanie ! La France est pourtant première contributrice aux activités des lanceurs au sein de l'ESA, avec un financement de 50 %, tandis que l'Allemagne ne contribue qu'à hauteur de 20 %. Quant au site de Vernon, il a déjà perdu 20 % de ses effectifs ces dernières années, mais que ne ferait-on pas pour plaire à nos amis allemands ?

Depuis des années, les intentions allemandes ne font plus de doute. Depuis son Livre blanc de 2010, il est clair que notre voisin vise la suprématie européenne dans le domaine spatial. Depuis 2017, les actes confirmant ses intentions se sont multipliés. Le plus emblématique date de novembre 2019 : l'Allemagne est devenue le premier contributeur de l'ESA, et elle est bien décidée à faire appliquer le plus strictement possible le principe du « qui paye décide ».

Le Gouvernement n'a pas cru bon de défendre la position française et a capitulé en rase campagne. Les effets de ce renoncement n'auront pas tardé : l'Allemagne prend les commandes dans le domaine des mini-lanceurs. En novembre 2020, ce sont trois start-up allemandes du secteur qui obtiennent des subventions de l'ESA. L'une d'entre elles, Isar Aerospace, obtient en avril 2021 un contrat avec Airbus, qui est pourtant membre d'ArianeGroup.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.