Une remarque me vient à ce stade du débat : la question de l'instruction en famille est révélatrice du problème qui nous semble caractériser ce projet de loi. Vous prétendez que la République serait menacée par un séparatisme islamiste à même de la renverser – puisqu'il faut en défendre les principes. Le problème, c'est que presque aucun article du texte ne s'appuie sur une étude d'impact sérieuse, sur des chiffres ou sur des preuves. Les uns et les autres nous accusent de nier les problèmes, mais sans citer la moindre étude sérieuse : on prend des mesures liberticides et autoritaires – je pense notamment à la question des associations – au nom de convictions, sans s'appuyer sur des études objectives.
Le même constat vaut pour l'article relatif à l'instruction en famille. Le Premier ministre a certes estimé que, sur un peu plus de 60 000 parents ayant opté pour ce mode d'instruction, environ 5 000 s'en serviraient pour endoctriner leurs enfants et leur transmettre une vision fondamentaliste de la religion, mais c'était un chiffre lancé en l'air ! Nous avons déjà souligné qu'en Seine-Saint-Denis, lorsqu'on demande à la préfecture combien d'écoles clandestines pourraient être concernées, elle répond qu'elles se comptent sur les doigts d'une main. Chacun comprend donc bien que nous rencontrons le même problème que pour le reste du texte. Sauf que cette fois-ci – et c'est ce qui rend les échanges intéressants –, c'est la droite, qui ne se souciait guère de l'absence d'étude d'impact lorsqu'elle demandait systématiquement de renforcer les mesures prévues aux autres articles, qui, parce qu'on touche à un principe auquel elle est attachée, demande tout à coup des preuves avant de durcir les dispositifs existants, arguant du fait que les cas réellement visés à travers le projet de loi sont très marginaux. Le débat en cours a donc des vertus pédagogiques, en ce qu'il révèle toutes les limites du texte.
Je reviendrai ultérieurement sur le fond du débat concernant l'instruction en famille – dont j'estime qu'elle peut poser question mais que, comme beaucoup d'autres thèmes, elle n'a pas sa place dans le texte –, mais je constate que, finalement, avec ce projet de loi, on prétend tuer une mouche posée sur une vitre avec un marteau. Peut-être écrasera-t-on la mouche – ce dont je doute, d'ailleurs, car je ne pense pas que ce projet de loi contienne des mesures très efficaces –, mais on pète surtout la vitre. C'est vrai de l'instruction en famille, mais aussi, chers collègues de droite, de tous les autres articles – sauf que, dans ces cas-là, cela ne vous dérange pas d'alimenter les fantasmes.