Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du vendredi 15 décembre 2017 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Présentation commune

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Madame la présidente, permettez-moi tout d'abord de m'associer, au nom du Gouvernement et comme l'a fait hier le Premier ministre, à la douleur des représentants de la nation devant ce terrible accident qui a touché la France et des familles françaises.

Madame la présidente, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les députés, quel plaisir de vous retrouver, une nouvelle fois, pour prononcer à la tribune un discours sur un texte financier ! Je crains que, malheureusement, ce plaisir maintes fois répété depuis juillet ne prenne fin dans la semaine qui vient – mais chacun comprendra, et M. de Courson en particulier, qu'il faut savoir terminer une guerre.

Nous sommes ici réunis pour examiner, en nouvelle lecture, à la fois le projet de loi de finances pour 2018 et la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, tant les désaccords entre les deux chambres étaient nombreux en commission mixte paritaire sur ces deux textes. Si l'on en croit l'adage, soit il y a un accord global, soit il n'y a d'accord sur rien : il n'y a manifestement eu d'accord sur rien, puisque nous revoilà.

Cette nouvelle lecture sera donc pour moi l'occasion de revenir sur les causes de ce double échec, qui sont de trois ordres.

Premièrement, les deux chambres sont en désaccord sur les équilibres de finances publiques eux-mêmes. Le Sénat a adopté une trajectoire pour le moins ambitieuse, avec un ajustement structurel de 0,6 point en 2018, soit 12 milliards d'euros d'efforts supplémentaires à réaliser, mais sans fournir, hélas, aucun chiffre illustrant l'impact sur nos concitoyens de l'objectif de finances publiques ainsi défini par la majorité sénatoriale. Il est beau de vouloir tenir une trajectoire que la France n'a pas tenue depuis de nombreuses années, mais il serait sans doute plus clair et plus sensé d'expliquer où l'on trouve ces 12 milliards et quelles en seront les conséquences pour la vie concrète des Français, pour nos entreprises, pour le pouvoir d'achat et, finalement, pour l'action publique.

J'observe d'ailleurs, si la Haute assemblée me permet cette facétie, que ce sont sans doute les mêmes qui réclament à M. Dussopt, à M. Le Maire, à Mme Gény-Stephann ou à moi-même davantage de dépenses publiques tout en proposant un effort supplémentaire de 0,6 point sur la trajectoire générale : cherchez l'erreur !

Que signifie pour nos concitoyens un effort structurel fixé à 0,6 point de PIB ? À quoi renonce la Haute assemblée ? À la suppression du dégrèvement de la taxe d'habitation, pour 3 milliards d'euros ? À la création de l'impôt sur la fortune immobilière – IFI ? À la création du prélèvement forfaitaire unique – PFU ? À supposer même que l'on renonce à ces trois mesures phares, il resterait encore 5 milliards d'euros à documenter. Il s'agit donc d'une position politique, qui relève malheureusement plus de la posture que de la bonne gouvernance de nos finances publiques et à laquelle nous ne saurions souscrire.

À l'inverse, la majorité présidentielle présente à l'Assemblée nationale, pragmatique et responsable, a su préserver les grands équilibres du texte présenté par le Gouvernement et ne pas renoncer à ses engagements de campagne : bien au contraire, elle les finance et les rend effectifs, tout en maintenant le niveau d'ajustement structurel programmé en 2018 et pour les années suivantes.

Je souhaite aussi revenir sur la spécificité de nos discussions sur les modalités d'association des collectivités locales au redressement de nos comptes publics. En effet, après les ajouts de l'Assemblée nationale et du Sénat en première lecture, les propositions de la mission de l'ancien ministre Alain Richard et du préfet Dominique Bur doivent nous permettre d'aller plus loin dans la définition du mécanisme de contractualisation – comme je m'y étais engagé ici lors de la présentation de ce mécanisme – , de la reprise financière et de la bonification, dans le cadre de la concertation avec les élus et leurs représentants qu'a permise la seconde Conférence nationale des territoires, comme certains ont pu le constater hier, comme moi, à Cahors ou, tout simplement, au fil des longues discussions que nous avons eues depuis sept mois.

Il s'agit d'un mécanisme nouveau qui est, je vous le rappelle, le contre-engagement du Gouvernement de ne pas réduire les dotations aux collectivités locales. Nous avons pu finaliser, dans le dialogue avec les associations d'élus, l'article 10 de la loi de programmation des finances publiques que je vous présenterai aujourd'hui.

En effet, monsieur le président de la commission des finances, et je m'en excuse par avance devant l'Assemblée nationale, il me semblait normal que, si la concertation avec les élus locaux devait se poursuivre, cette concertation, qui n'enlève rien au pouvoir de modification et d'amendement de l'Assemblée – vous avez, je crois, des idées sur la question – , nous permette de vous présenter un texte qui soit le fruit de l'accord final entre certaines associations d'élus et le Gouvernement.

Deuxièmement, les principaux apports du Sénat en matière de recettes ont naturellement conduit députés et sénateurs à constater leurs désaccords en commission mixte paritaire, tant étaient manifestes les divergences d'orientation données aux deux textes. J'en prendrai plusieurs exemples pour nous en convaincre et justifier cette belle journée de vendredi – voire la nuit de vendredi à samedi – que nous allons passer ensemble.

Ainsi, la majorité sénatoriale a préféré rehausser le plafond du quotient familial de 1 527 à 1 750 euros par demi-part pour l'impôt sur le revenu 2018, plutôt que de mettre en oeuvre, comme nous le proposons, le dégrèvement de la taxe d'habitation dès 2018. C'est un choix d'autant plus incompréhensible qu'il repose sur le double constat – que, du reste, nous partageons – de l'obsolescence de ses bases et de la nécessité de refonder, à terme, la fiscalité locale. De ce point de vue, le discours du Président de la République au Congrès des maires a pu apporter de l'eau au moulin de ceux qui, en première lecture, considéraient qu'il fallait aller jusqu'au bout de la suppression de la taxe d'habitation.

La majorité sénatoriale a également fait le choix de supprimer la trajectoire carbone au-delà de 2018, tandis que l'Assemblée nationale l'a votée, consciente de l'urgence écologique à laquelle nous devons collectivement faire face et présente, d'ailleurs, dans les programmes de tous les candidats à l'élection présidentielle. Là encore, c'est un choix éminemment politique, bien plus que budgétaire.

L'impôt de solidarité sur la fortune a été intégralement supprimé, sans tenir compte de l'impact d'une suppression sèche de cet impôt tant sur les finances publiques que sur la structure même de notre économie. Pour le dire autrement : l'idée d'une taxation différentielle de la rente au bénéfice de l'économie productive n'a pas recueilli l'assentiment des sénateurs, en dépit de ses atouts manifestes – l'opposition du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale étant en la matière en cohérence avec la majorité sénatoriale.

Enfin, le Sénat a souhaité maintenir le niveau des crédits alloués aux collectivités territoriales dans le cadre de l'ancienne réserve parlementaire, tandis que le législateur organique a explicitement prévu sa suppression.

Preuve de l'irresponsabilité budgétaire de la majorité sénatoriale : à l'issue de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, le solde budgétaire de l'État s'établissait à moins 86,4 milliards d'euros, en dégradation de plus de 3 milliards d'euros par rapport à l'équilibre budgétaire présenté dans le projet de loi de finances – qui tient compte, il est vrai, de l'impact de l'annulation contentieuse de la taxe à 3 % sur les dividendes. Comment réaliser 0,6 % d'ajustements structurels supplémentaires tout en dégradant de plus de 3 milliards l'équilibre budgétaire de l'État ? Cette question fait écho à la discussion que nous avons eue lors de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, où les choix sénatoriaux aggravaient profondément le budget des associations.

Troisième cause d'échec de la CMP, et non des moindres : l'examen de la seconde partie de projet de loi de finances. En effet, comme vous le savez, l'ensemble des votes intervenus sur la seconde partie de ce projet de loi, et notamment le rejet de cinq missions du budget général, a conduit à une réduction tout à fait artificielle des dépenses de l'État de 51,4 milliards d'euros. Ainsi, le texte adopté par le Sénat ne prévoit pas un seul euro pour les missions « Travail et emploi », « Sécurités », « Justice », « Immigration, asile et intégration » et « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». De fait, il est plus facile de faire des économies si on ne consacre pas un euro au travail, à la sécurité, à la justice, à l'immigration et à l'agriculture. Permettez-moi de revenir sur ces points.

Sur la mission « Travail et emploi », je tiens en particulier à rappeler que le Gouvernement triple l'effort budgétaire en faveur de la formation des jeunes et des chômeurs de longue durée, ce qui rend d'autant plus incompréhensible le rejet des crédits, puisqu'il s'accompagne d'une diminution du nombre des contrats aidés – il y en aura tout de même 200 000 l'année prochaine – et répond, me semble-t-il, à des demandes fortement réitérées au cours des années précédentes, du moins au centre et à droite de l'hémicycle.

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