Madame la présidente, permettez-moi tout d'abord de reprendre à mon compte les paroles de solidarité que vous avez prononcées à l'ouverture de cette séance concernant la catastrophe qui s'est produite dans les Pyrénées-Orientales.
Nous entrons aujourd'hui dans la dernière ligne droite du marathon budgétaire avec l'examen, en nouvelle lecture, de deux textes financiers fondateurs de cette nouvelle législature : le projet de loi de finances pour 2018 et le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
Je n'hésite pas à parler de textes fondateurs compte tenu de l'ampleur des réformes fiscales que nous avons engagées et que nous avons inscrites dans une trajectoire crédible de rétablissement de nos comptes publics. Ces textes reposent sur des hypothèses qui ont été jugées réalistes par le Haut Conseil des finances publiques. Les efforts en matière de sincérité des budgétisations ont été salués, y compris sur certains bancs de l'opposition.
Le projet de loi de programmation des finances publiques pose le cadre jusqu'en 2022. Il repose sur un triangle vertueux, avec trois objectifs indissociables : le rétablissement des comptes publics, la baisse des prélèvements obligatoires et la baisse des dépenses publiques. L'objectif est et demeure de sortir de la procédure pour déficit public excessif dès l'année prochaine et de parvenir à un quasi-équilibre budgétaire à la fin du quinquennat. Le rythme d'ajustement structurel a été défini pour concilier les objectifs de rétablissement des comptes publics et de soutien à la croissance.
Le projet de loi de finances pour 2018 met en oeuvre les engagements pris par le Président de la République durant la campagne électorale avec un important programme de baisse d'impôts et, au-delà, une transformation de notre système fiscal pour plus d'efficacité économique.
Notre fiscalité sera aussi plus juste avec la première étape de la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages. Cet impôt anti-redistributif est assis sur des bases fiscales dépassées. Dès 2018, 3 milliards d'euros de pouvoir d'achat seront ainsi rendus aux ménages ayant des revenus modestes et moyens ; ce sera plus de 10 milliards à l'horizon de 2020.
Le Sénat a approuvé certaines de ces réformes fiscales, dont le prélèvement forfaire unique, la diminution du taux de l'impôt sur les sociétés et le remplacement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE – par un allègement de cotisations sociales.
En revanche, le Sénat ne nous a pas suivis sur plusieurs aspects majeurs, dont la réforme de la taxe d'habitation. Il ne nous a pas suivis non plus sur la création de l'impôt sur la fortune immobilière – IFI – et la majoration de diverses taxes sur les signes extérieurs de richesse.
Surtout, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, le Sénat a rejeté les crédits de cinq missions budgétaires, conduisant à améliorer le solde budgétaire de manière artificielle et peu réaliste de plus de 50 milliards d'euros – il est certain que quand on ne dépense plus rien sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », on gagne de l'argent ! Le Sénat s'est en outre prononcé en faveur d'un rythme plus soutenu d'ajustement structurel, ce qui ne nous paraît pas pertinent pour réaliser le rétablissement de nos comptes publics tout en soutenant la croissance.
Dans ces conditions, la commission mixte paritaire qui s'est réunie mercredi a rapidement constaté l'impossibilité de trouver un accord. C'est la raison pour laquelle nous devons procéder à une nouvelle lecture, étape obligatoire avant de pouvoir être saisis, en lecture définitive, jeudi prochain. La commission des finances de notre assemblée a donc examiné hier, en nouvelle lecture, le budget pour 2018 et la programmation pour 2018 à 2022.
Pour la séance publique de ce jour, je précise qu'il existe une différence de procédure entre l'examen du projet de loi de finances et celui du projet de loi de programmation des finances publiques.
Pour le projet de loi de finances, nous sommes saisis du texte adopté par le Sénat en première lecture : c'est la raison pour laquelle vous constaterez que la commission présente un certain nombre d'amendements tendant à rétablir la rédaction des articles dans la version issue de nos travaux en première lecture ou à supprimer des articles insérés par le Sénat, avec lesquels nous sommes en désaccord.
En revanche, s'agissant du projet de loi de programmation des finances publiques, nous examinons aujourd'hui, en séance, le texte adopté hier par la commission des finances en nouvelle lecture.
Nous avons au total, pour ces deux textes, 179 articles à examiner en nouvelle lecture, c'est-a-dire l'ensemble des articles que le Sénat a insérés ou qu'il n'a pas adoptés dans une version identique à la nôtre en première lecture.
Dans le détail, le projet de loi de finances, adopté en conseil des ministres le 27 septembre 2017, comportait 64 articles, dont un article liminaire. L'Assemblée nationale a inséré 106 articles additionnels et supprimé 2 articles.
Pour sa part, le Sénat a adopté « conforme » 91 articles et confirmé la suppression de 2 articles ; cela signifie que le Sénat était d'accord avec plus de la moitié du texte que nous lui avons transmis. Ces articles adoptés conformes ne sont plus en discussion, en application de la règle de l'entonnoir. Mais le Sénat a également supprimé 23 articles, modifié puis adopté 56 articles et inséré 71 articles additionnels. Au total, il demeure donc 150 articles en discussion dans ce projet de loi de finances.
En commission, j'ai proposé l'adoption de 45 articles dans la version issue des travaux du Sénat. Si l'on ajoute les 91 articles conformes, cela ferait un total de 136 articles adoptés dans les mêmes termes par nos deux assemblées, ce qui devrait représenter près des trois quarts du texte final. Par ailleurs, j'ai également proposé 15 nouvelles rédactions d'article intégrant certains des apports du Sénat. Ces chiffres démontrent l'utilité de la navette et l'enrichissement indéniable du texte qu'elle a permis.
En revanche, pour les 90 articles restants, j'ai proposé de rétablir 37 articles dans la version adoptée par l'Assemblée nationale et d'en supprimer 53. Tel est le sens des amendements de la commission que je défendrai tout au long de cette journée et sans doute de cette nuit.
Le projet de loi de programmation des finances publiques adopté en conseil des ministres contenait initialement, quant à lui, 29 articles. Nous en avons ajouté 4 en première lecture ; le Sénat a adopté « conforme » 11 articles, soit un tiers du texte transmis ; ces articles ne sont donc plus en discussion. Le Sénat a, par ailleurs, modifié 20 articles, ajouté 7 articles et supprimé 2 articles.
Nous sommes donc saisis en nouvelle lecture de 29 articles sur ce projet de loi de programmation des finances publiques. Sur ces 29 articles, 19 ont été adoptés par la commission sans modification par rapport au texte transmis par le Sénat. Là encore, plus des trois quarts du texte final devraient être adoptés en des termes identiques par les deux assemblées. Cela démontre que les points de convergence ont été plus nombreux que les points de divergence, même s'il arrive que les points de divergence soient politiquement relativement plus importants que les points de convergence.
Un dernier mot pour saluer le travail accompli par la mission confiée par le Premier ministre à M. Alain Richard et M. Dominique Bur. Celle-ci a formulé des propositions de modification du dispositif de contractualisation pour la maîtrise des finances locales. Le sujet a été abordé hier lors de la Conférence nationale des territoires ; je ne doute pas que M. le ministre nous éclairera utilement sur la position du Gouvernement. Les articles 10 et 24 de la loi de programmation des finances publiques demandent en effet un effort de pédagogie, qui s'effectuera essentiellement au banc.
Avant de conclure, permettez-moi deux remarques plus politiques sur un certain nombre de dispositions que contient le projet de loi de finances. Sur l'article 52 relatif au logement, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous dire que nous devons arriver à un compromis plus acceptable sur le sujet de l'APL – aide personnalisée au logement – « accession » en zone 3, c'est-à-dire la zone qui n'inclut pas les agglomérations, les grandes métropoles et les zones très particulières telles que la Côte d'Azur et ce que j'ai coutume d'appeler malicieusement le « département français du Léman ». Ce levier permettait un certain nombre d'accessions à la propriété dans de bonnes conditions, notamment en zone rurale. Il faut, à l'occasion de l'examen de l'article 52, que nous puissions en parler de manière très ouverte.
Autre sujet, que nous avons souvent évoqué ici : la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, dite DCRTP. Ce sujet est important car le discours selon lequel la dotation globale de fonctionnement ne baissera pas pour la première fois, même si c'est réel, se heurte à la réalité de la baisse tendancielle et importante, cette année, de la DCRTP. Cette baisse importante doit être compensée, atténuée et modérée pour un certain nombre de collectivités. Le Gouvernement a déposé cette nuit un amendement que nous n'avons pas pu examiner ce matin au cours de la réunion de la commission qui s'est tenue en application de l'article 88 du règlement.
Cet amendement doit lui aussi être amélioré, car il prévoit une solidarité plus forte avec les communes urbaines qu'avec les communes rurales. S'agissant de dotations de compensation de la taxe professionnelle, une petite commune de 3 000, 4 000 ou 5 000 habitants, ayant eu le malheur de perdre un gros tissu industriel et quelquefois la moitié de sa population, est dans une situation encore plus dramatique qu'une commune urbaine conservant une surface fiscale relativement importante. Voilà deux sujets que j'aimerais que nous abordions de manière plus précise au cours de la discussion.
Voilà ce que je souhaitais préciser en introduction à nos discussions. Nous débattrons plus précisément, amendement par amendement. Il y en a beaucoup mais je ne doute pas que chacun saura être synthétique dans la mesure où il s'agit d'une nouvelle lecture et où la plupart des sujets à traiter ont déjà donné lieu à beaucoup de débats cet automne, tant en commission qu'en séance.