Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du vendredi 15 décembre 2017 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, étant donné qu'il s'agit d'une nouvelle lecture je vous appellerai à mon tour à faire preuve d'esprit de synthèse lors de l'examen des amendements.

Le ministre comme le rapporteur général ont évoqué la CMP. Faisant partie de l'opposition, je partage pour ma part une bonne partie des arguments défendus par le Sénat. Nos priorités politiques ne sont pas les mêmes : si elles convergent en partie, elles divergent en grande partie.

Je veux en donner quelques exemples, et d'abord sur la croissance. Alors que la croissance que nous connaissons aujourd'hui permettrait de faire beaucoup de choses, vous ne l'utilisez pas pleinement. C'est une croissance importée, une croissance héritée, et non pas encore une croissance due à des facteurs internes. Elle explique beaucoup de petits renoncements gouvernementaux sur les réformes.

Seules des réformes profondes permettraient d'améliorer le solde structurel de nos finances publiques. Ce solde structurel est lui-même mis en cause par la Commission européenne. Le commissaire Moscovici, que nous auditionnions hier, a indiqué que les efforts du Gouvernement avaient un impact marginal sur la réduction de ce fameux solde structurel. Nous ne pouvons pas dépendre de la conjoncture et des vents porteurs, ou moins porteurs, de l'économie mondiale. Cette question clé peut sembler théorique, mais son impact sur les Français est extrêmement concret.

Dans ce projet de loi de programmation comme dans sa mise en application au travers du projet de loi de finances, le déficit public flirte allègrement avec la barre des 3 % du PIB. Au fond on ne sort pas de cette affaire : on ne fait que réduire les choses en fin de parcours. Est-on à 2,9 %, est-on à 3 % ? Tout cela dépend probablement un peu d'Eurostat pour cette année. En tout état de cause, nous avons bien du mal à décoller des 3 % malgré cette période de croissance.

Le rapporteur général du Sénat, auquel vous rendiez hommage, a d'ailleurs montré que la croissance avait permis de réduire de 0,4 point de PIB le déficit pour 2017. Sans elle nous serions non pas à 2,9 %, mais plutôt à 3,3 %. Il est donc clair que ce texte ne sonne pas réellement la mobilisation nécessaire pour un règlement plus efficace, plus direct, plus fort, plus puissant de nos déficits, notamment de notre déficit structurel.

La notion clé est bien sûr celle de dépense. Or, ce budget ne permet pas de réduire la dépense autant qu'il le devrait. Dans ce domaine le Gouvernement fait preuve d'une grande timidité.

Il fait preuve également d'une grande injustice, monsieur le ministre. Alors que les dépenses de l'État vont progresser de 1,7 point en volume, vous n'autorisez depuis Cahors qu'une augmentation de 1,2 point aux collectivités locales, ce que le texte confirme, que ce soit au travers de contrats ou d'objectifs de dépenses publiques. On voit bien que l'idée est de verrouiller les dépenses des collectivités locales. Verrouillez donc de la même façon les dépenses de l'État ! Cette injustice flagrante est tout à fait incompréhensible. Ne demandez pas aux collectivités locales de faire ce que l'État est incapable de faire.

Quant à nos désaccords fondamentaux, vous les connaissez. La baisse de la taxe d'habitation au bénéfice d'une partie des Français est évidemment une mesure populaire – comment ne le serait-elle pas ? – mais est-elle si urgente pour nos concitoyens ? L'urgence n'est-elle pas d'améliorer la compétitivité et la création de richesses ? Là-dessus le budget est assez silencieux, c'est le moins qu'on puisse dire.

Il y a aussi l'augmentation de la CSG pour une grande partie des Français, notamment pour les retraités, le prélèvement à la source qui a fait l'objet de nombreux amendements venant de ces bancs et beaucoup d'autres sujets qui valent la peine d'être débattus comme les modalités de calcul de ce prélèvement à la source, qui seront à la charge des entreprises, tout cela au détriment de la compétitivité qui est la clé du redressement français.

Il y a enfin, monsieur le ministre, une vraie surprise s'agissant de l'IFI, qui se substitue à l'impôt sur la fortune. Vous devez nous dire très clairement quels seront les modes de calcul de l'IFI. Nous avions compris que l'IFI c'était la même chose que l'ISF mais limité à l'immobilier. C'est ce que le Président de la République a dit à de nombreuses reprises, c'est ce que vous avez dit ici et ce qu'a dit Bruno Le Maire également.

La réalité est différente. Certains contribuables, qui n'étaient assujettis à l'ISF que sur une base immobilière, seront redevables d'un IFI plus élevé que ce qu'ils doivent au titre de l'ISF parce que les modes de calcul sont différents. Les exonérations à l'IFI notamment sont quasiment inexistantes. Nous devons avoir un débat sur ce point extrêmement important qui nécessite une véritable clarification. L'IFI sera plus élevé que l'ISF pour l'immobilier. Il faut que vous corrigiez cela, ou du moins que vous nous éclairiez si nous avons mal compris, ce que je ne crois pas.

Je regrette donc que ce texte n'ait pas plus évolué à la lumière des amendements déposés par l'opposition et de la rédaction proposée par le Sénat. C'est en ce sens une occasion manquée.

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