Le projet de loi que nous examinons touche à ceux qui méritent la plus haute de toutes les attentions : les enfants, et pas n'importe lesquels. Je veux vous parler ici des enfants au parcours de vie difficile ; des enfants qui ont été confrontés au pire ; des enfants qui ont, pour certains, perdu leurs parents ; d'autres encore qui ont été ou sont abandonnés, maltraités, parfois même abusés ; des enfants qui ont connu des événements tragiques, des enfants à qui l'innocence a été enlevée bien trop tôt. La nation leur doit de tout faire pour qu'ils puissent être heureux et s'en sortir comme n'importe quels autres enfants. Si nous ne pouvons effacer ce qu'ils ont vécu, nous devons néanmoins les aider, les soutenir, les accompagner vers un avenir meilleur.
Il y a deux ans, la mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance que j'ai eu l'honneur de présider, et dont Perrine Goulet a été la rapporteure, a auditionné d'anciens enfants placés. C'est à eux que je pense aujourd'hui. La majorité d'entre eux avait vécu l'indicible, l'impensable, non pas seulement avant, mais aussi, parfois, après leur placement. Mes chers collègues, nous avons failli collectivement. Bien sûr, parmi les 300 000 enfants pris en charge par la protection de l'enfance, nombreux sont ceux dont le placement a permis une mise à l'abri indispensable, et je tiens à saluer le travail formidable des assistants familiaux, des éducateurs spécialisés et de tous ceux qui ont choisi de consacrer leur vie à ces enfants. Cependant, beaucoup trop de défaillances et de manquements graves ont été mis en exergue ces dernières années dans des reportages accablants ou dans les témoignages glaçants d'enfants et de professionnels. La protection de l'enfance souffre et a besoin de renouveau, maintenant.
Ce projet de loi était attendu. Je regrette qu'il arrive si tard, que son examen soit si rapide et qu'une fois de plus, le Gouvernement n'ait pas voulu entendre les propositions de l'opposition, ou si peu, sur un sujet qui devrait pourtant dépasser tous les clivages. Nous pouvons bien évidemment être satisfaits des mesures prises pour mettre fin aux placements dans les hôtels, pour établir un référentiel national d'évaluation des informations préoccupantes ou encore pour revaloriser les salaires des assistants familiaux et réorganiser le pilotage national de la protection de l'enfance. Mais nous attendions plus, dans l'intérêt supérieur de l'enfant.
Rien sur les ruptures dans le parcours de vie des enfants quand prévaut la préservation d'une autorité parentale chancelante, rien sur l'absence de suivi médical régulier, sur l'absence quasi générale de soutien psychologique – même si des annonces ont été faites, monsieur le secrétaire d'État –, rien au sujet des droits dont pourraient bénéficier ces enfants grâce à l'assistance d'un avocat à l'instar de celle dont bénéficient leurs parents, rien sur le parcours personnel de l'enfant créé par la loi du 5 mars 2007 et renforcé dans ses ambitions par la loi du 14 mars 2016. À quoi bon rajouter des textes législatifs à des textes toujours pas appliqués ? Rien non plus sur les délais beaucoup trop longs pour la mise en œuvre des mesures d'action éducative en milieu ouvert, les AEMO.
Alors oui, mes chers collègues, les avancées proposées par le texte permettront d'améliorer certains points sur lesquels il était nécessaire d'agir, et nous saluons votre implication, monsieur le secrétaire d'État, mais nous sommes bien loin du projet de loi ambitieux qui nous était annoncé il y a deux ans. Je le regrette, tout comme je regrette que l'immense travail fait en amont n'ait pas été mieux pris en compte dans la rédaction du projet de loi.
Nous avons noté en commission que vous demandiez du temps pour examiner certains points. Le groupe Les Républicains attendra donc d'en connaître la teneur avant de se prononcer ou non en faveur du texte, mais je tiens à dire, à titre personnel, que les attentes sont importantes. Des moyens devront être mis sur la table, sans quoi les déceptions seront réelles et profondes.