Intervention de Perrine Goulet

Séance en hémicycle du mercredi 7 juillet 2021 à 15h00
Protection des enfants — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPerrine Goulet :

Cet article concerne certainement ce que notre République a de plus honteux, ce que l'on cache et que nous ne voulons pas voir. J'ai encore vu, la semaine dernière, comment on cloîtrait des enfants dans des hôtels souvent sordides, toujours sinistres, et comment cela donnait lieu à un véritable business : en effet des entreprises s'occupent de placer les gamins dans ces hôtels, moyennant une commission prélevée sur le prix de journée, qui devrait pourtant servir à les élever. On fait ainsi de l'argent sur la misère, c'est sordide !

Ces hôtels accueillent deux types de populations, et la situation est dramatique pour l'une comme pour l'autre. D'abord, ce sont les mineurs non accompagnés, que l'on « range » dans des chambres, avec pour seule compagnie les punaises de lit et un gardien chargé de veiller à ce qu'ils ne mettent pas le feu en fumant. Ces gamins, que j'ai croisés en Seine-Saint-Denis, n'ont d'autre perspective que celle d'aller, tous les deux mois, chercher un peu d'argent auprès de l'association déléguée par le département, pour survivre. Ils ne bénéficient d'aucun encadrement : c'est le royaume de la misère, où règnent la loi du plus fort, les trafics et la débrouille.

La seconde catégorie est celle des « incasables », parce que la société n'a pas su bâtir des cases pour les accueillir. Comment admettre que vive à l'hôtel, à quelques mètres d'ici, dans la ville lumière, une jeune fille de 15 ans, ballottée depuis trois ans d'hôtel en hôtel, qui ne sait ni lire ni écrire, qui n'est pas éduquée, pas soignée, qui ne sort pas de sa chambre et qui n'a d'autre avenir que celui de devenir dans les prochaines années une SDF ? Et ce, alors que la ville de Paris semble assez riche pour consacrer 1 000 euros par jour – j'ai bien dit 1 000 euros par jour ! – à la garde de cette jeune fille, avec le résultat désastreux que l'on connaît. Malheureusement, il s'agit d'un exemple parmi tant d'autres.

Comment admettre que notre promesse de fraternité vienne se briser sur la promesse d'égalité ? Comment admettre que des éducateurs ne réveillent pas des enfants inscrits au collège, au prétexte qu'ils n'allaient tout de même pas les réveiller pour un brevet blanc ? Comment l'admettre pour des enfants, pour nos enfants ?

Mes chers collègues, notre seule option est d'interdire complètement l'hébergement hôtelier, comme vous l'aviez promis en janvier dernier, monsieur le secrétaire d'État. Il y va de la dignité de la France.

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