Seule une petite histoire de nuance aura empêché l'adoption conforme par le Sénat de cette disposition sous-évaluée, dont l'économiste Gabriel Zucman a estimé le coût à 10 milliards d'euros par an, comme l'ont dit nos collègues du groupe La France insoumise.
Soyons justes : il reste quand même de vraies nuances entre vos deux majorités. En voici deux, sur des sujets symboliquement forts.
Je pense d'abord au jour de carence pour les fonctionnaires – entre nous, on jette en pâture les fonctionnaires sans se préoccuper du mal-être qui peut exister dans la fonction publique. La République en marche veut instaurer un jour de carence, alors que les Républicains du Sénat en proposaient trois.
Il en est de même s'agissant de l'impôt de solidarité sur la fortune. D'un côté, le groupe La République en marche propose de le supprimer et de créer un impôt similaire portant sur la seule fortune immobilière, en préservant donc tout le patrimoine financier. De l'autre, le groupe Les Républicains propose la suppression pure et simple de l'ISF, point barre.
Voilà ce qui se passe quand on joue à « Plus à droite que moi, tu meurs ! », sauf que ce jeu entre apprentis sorciers de la fiscalité coûte entre 3,2 et 5 milliards d'euros par an aux finances publiques, sans ciblage ni contrepartie.
Ces choix ne répondront pas aux défis inégalitaires posés par la mondialisation ; ils risquent au contraire de nourrir le sentiment de déclassement et d'abandon des populations les plus en difficulté, qui ont pourtant besoin d'aide – vous le savez fort bien.
À ce titre, l'exemple du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais est éclairant. Au sortir de la guerre, on a demandé au bassin minier de redresser le pays. « Mineur, le sort de la France est entre tes mains ! », peut-on lire sur une affiche placardée en 1945. Soixante-douze ans plus tard, les délocalisations, les crises sectorielles et le recul des services publics dessinent un triste panorama. Tous les indicateurs sont au rouge, avec un taux de chômage supérieur de 9 points à la moyenne nationale, un taux de pauvreté supérieur de 8 points à celui du pays, une espérance de vie inférieure de six ans à celle d'un Francilien et un solde migratoire négatif. Voilà la triste situation d'un bassin de vie de 1,1 million d'habitants. C'est vers ces territoires-là que l'État doit se tourner – et il n'y a pas que le Nord-Pas-de-Calais !
Pour le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, en tout cas, l'État doit respecter les engagements pris le 7 mars dernier à Oignies et signés par des élus de tous bords. Tel est le sens des amendements que nous avons déposés sur les textes budgétaires.
Nous demandons d'abord que le ciblage des bénéfices, dans le bassin urbain à dynamiser, soit conditionné à l'embauche de salariés locaux. Un amendement a été adopté en ce sens en première lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2017, et nous nous en félicitons.
Nous allons également soutenir deux amendements dans le cadre de cette nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2018. Le premier vise à créer un fonds d'investissement pour permettre le développement de nouvelles centralités dans le bassin minier. Le second propose de financer la rénovation des 23 000 logements indignes occupés par les mineurs et leurs ayants droit. Je me réjouis que cet amendement ait été adopté à l'unanimité par la commission des finances. Je veux aussi saluer la disponibilité M. le rapporteur général, Joël Giraud, et de M. le ministre, avec qui j'ai eu l'occasion de travailler et qui ont oeuvré pour que cet amendement puisse aller jusqu'à son terme et être adopté hier en commission. Il doit encore passer l'étape de la séance publique.