Vous comprendrez que nous soyons d'autant plus attentifs à la manière dont est rédigé cet article qu'il y a deux ans, le Gouvernement a ruiné l'espoir de milliers d'enfants placés en vidant de sa substance la proposition de loi qui leur promettait une prise en charge jusqu'à 21 ans. Nous sommes donc particulièrement vigilants, afin que cela ne se reproduise pas.
Je crois important de rappeler à nouveau les chiffres que vous avez cités, et qui nous font horreur : un quart des personnes sans-abri sont passées par l'aide sociale à l'enfance, et un tiers des jeunes de 18 à 24 ans qui sont aujourd'hui SDF sont d'anciens enfants placés. Demander encore et toujours plus d'économies à ces enfants, alors qu'ils ont moins de ressources familiales, relationnelles, financières et sociales que les autres, n'a aucun sens et représente une faute morale.
Il y a deux ans, la mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance a entendu Joao Bateka. Il nous avait lu ceci :
« Je vous prie de bien vouloir me donner le droit d'avoir le droit. Le droit d'avoir le droit de vivre, comme mon camarade de classe qu'est votre enfant, le droit d'avoir le droit d'être vu par tous comme étant comme tout le monde, le droit d'avoir le droit de rêver, mais avant tout donnez-moi le droit, s'il vous plaît, d'avoir le droit à des nuits de sommeil paisibles, même après mes 18 ans. »
« Aujourd'hui, démuni de tous mes moyens de survie, je me trouve rejeté, abandonné, tel un animal de compagnie, vieux, encombrant et inutile au bord de la route à 18 ans, vous trouvez cela injuste et je vous garantis que votre sentiment d'empathie me touche énormément. »
« Mesdames, messieurs, je vous prie de tout mon cœur d'agir et en aucun cas de vous résigner face à l'injustice. Nul ne vaut plus cher que la dignité d'un homme, aucun argent au monde ne peut acheter votre humanité. Aucun patron […] ne peut vous soumettre à commettre des actes ignobles envers vos semblables. »
« Je n'ai jamais douté, mesdames, messieurs, de votre foi mais aujourd'hui votre foi a besoin d'être prouvée, car une foi sans action est une foi morte. »
« Se positionner aujourd'hui, ce n'est pas seulement défendre une minorité d'hommes et de femmes affaiblis et martyrisés mais aussi défendre votre foi, vos valeurs, votre dignité en tant que représentants du peuple, de parents et d'êtres humains tout simplement. Ce n'est pas simplement sauver quelques hommes, femmes et enfants, c'est sauver l'humanité. »