Intervention de Jean-Noël Barrot

Séance en hémicycle du vendredi 15 décembre 2017 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Noël Barrot :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, nous abordons en deuxième lecture le projet de loi de finances pour l'année 2018. Cent cinquante heures de débats ont permis à notre assemblée de faire évoluer le texte du gouvernement en première lecture. La discussion que nous nous apprêtons à avoir, suite à la modification du texte par le Sénat, permettra de parfaire démocratiquement le projet que nous portons pour la France.

Dans sa grande sagesse, le Sénat a certainement amélioré le texte sur certains points ; il nous appartient néanmoins de rétablir un certain nombre de principes supprimés lors de l'examen de ces textes par la Haute assemblée.

Nous avons défendu en première lecture un budget sincère qui restaure la place de la France en Europe, un budget qui amorce un modèle de croissance juste et efficace, mais aussi un budget fraternel.

La première de nos ambitions est de restaurer la crédibilité budgétaire de la France sur la scène européenne. Nous ne pourrons réaliser nos ambitions sans respecter les règles que nous avons nous-mêmes fixées. De ce point de vue, le budget 2018 nous permettra enfin de sortir de la procédure pour déficit excessif et de restaurer la crédibilité de la France dans son rôle de moteur européen.

Nous devons cependant rester vigilants. Le retour de la croissance doit nous conduire à consolider nos finances publiques dans une logique permanente de contrôle et d'évaluation des politiques que nous mettons en place. Il ne s'agit donc pas de raboter les budgets aveuglément, mais de faire en sorte que chaque euro prélevé sur les Français soit utilisé efficacement au service du bien commun.

Les sept groupes de travail sur la réforme de l'Assemblée ont rendu mercredi leurs propositions. Elles permettront de faire évoluer notre manière de travailler pour améliorer l'efficacité de la procédure législative et répondre aux besoins criants d'évaluation. Renverser la logique de la procédure budgétaire, renforcer les études d'impact et les étendre aux amendements gouvernementaux, enjoindre au Gouvernement de rendre compte de la mise en oeuvre des lois six mois après leur vote, étendre le pouvoir de convocation, de communication et de contrôle sur pièces et sur place des députés : autant de propositions qui contribueront à améliorer la qualité des textes que nous votons dans cette enceinte.

Il faut discuter de l''ensemble de ces propositions : ne les laissons pas tomber dans l'oubli. Elles viendront éclairer, simplifier et améliorer la manière dont nous votons les lois, pour moderniser notre procédure législative.

Le budget que nous avons voté en première lecture, et dont nous discutons à nouveau aujourd'hui, esquisse un nouveau modèle de croissance et engage les grandes transformations dont notre pays a besoin. La France veut être à l'avant-garde de la transition écologique, comme le Président de la République l'a affirmé une nouvelle fois lors de son discours à Paris en début de semaine. Nous avons défini les moyens de cette transformation : refonte de la trajectoire de la taxe carbone, modification du périmètre et sortie du crédit d'impôt pour la transition énergétique, le CITE, toujours dans une perspective d'efficacité de la dépense publique.

La modernisation économique de notre pays passe d'abord par la réforme de la fiscalité de l'épargne et l'allégement de l'impôt sur les sociétés. Pour innover, investir et recruter, les entreprises doivent disposer des moyens de financement appropriés. Mais le financement en fonds propres, nécessaire aux étapes-clés du développement des entreprises, est souvent insuffisant : c'est pourquoi elles doivent se replier sur l'endettement, solution plus prudente mais moins propice à la prise de risque et à l'innovation.

C'est pourquoi nous avons fait le pari que la refonte de l'ISF et la création du prélèvement forfaitaire unique orienteront l'épargne des Français vers les entreprises. Nous assumons ce choix et contrôlerons ces réformes par des évaluations rigoureuses. Les sénateurs ont introduit par amendement un dispositif anti-abus concernant le PFU : nous veillerons à ce qu'il soit précisément étudié par notre assemblée.

Nous avons défendu, lors de l'examen du projet de loi de finances en première lecture, des mesures fiscales incitant les épargnants à financer les PME, en renforçant le dispositif dit « IR-PME ». Ces politiques fiscales seront accompagnées dès le printemps par le plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises, dont le ministre de l'économie et des finances a la charge, qui viendra mettre en cohérence un ensemble de dispositifs visant à faciliter le financement des entreprises, à stimuler leur numérisation et à simplifier leurs démarches.

Certaines dispositions adoptées par le Sénat ne nous paraissent pas pertinentes : le suramortissement, par exemple, doit rester un outil temporaire mobilisable par l'État lorsque l'économie en a le plus besoin. En revanche, l'encadrement des commissions prélevées par les intermédiaires dans le cadre des dispositifs du type « IR-PME » est une proposition très intéressante.

Ce projet de loi de finances est aussi l'occasion de refonder la politique du logement, avec un double objectif : d'une part, mettre un terme à des politiques d'aide au logement contreproductives en assurant une transition juste, et d'autre part renforcer les dispositifs incitatifs permettant de redynamiser l'offre de logement. Le Sénat s'est prononcé contre les dispositions proposées par le Gouvernement et adoptées par notre assemblée en la matière, en refusant la réduction de loyer de solidarité dans le parc social ; nous nous félicitons toutefois du compromis trouvé par le Gouvernement sur la réduction progressive, d'ici 2020, des loyers dans le parc social. Il fallait mettre fin à un système dans lequel l'État payait deux fois sans atteindre les objectifs visés par cette politique, à savoir améliorer le logement des Français.

Conscients qu'il est nécessaire de lisser les effets de cette baisse de recettes pour les bailleurs et afin de mieux les accompagner, nous saluons l'accord obtenu par le Gouvernement avec la Fédération des entreprises sociales pour l'habitat, signé par vous-même, monsieur le ministre, accord qui s'appuie sur le renforcement de la péréquation et sur le relèvement de la TVA ainsi que sur un soutien significatif à l'exploitation et à l'investissement des bailleurs sociaux. Dans le même souci de justice sociale et d'efficacité, nous avons soutenu la prorogation du dispositif Pinel pour quatre ans, car nous sommes convaincus que la relance de la construction de logements neufs, engagée depuis 2014, nécessite encore un accompagnement fiscal afin de la pérenniser. Mais nous serons, nous aussi, très vigilants quant aux risques d'une fin trop brutale du dispositif APL accession et soutiendrons, lors de l'examen de la seconde partie, les amendements déposés par le rapporteur spécial François Jolivet afin de favoriser le parcours résidentiel dans le logement social en permettant à des ménages d'accéder au seuil de solvabilité attendu, et ainsi à la propriété.

La transformation de nos politiques publiques dessine ainsi le contour d'une France à la fois plus juste et plus efficace. Elle engage le pays sur la voie d'une prospérité retrouvée, tout en donnant à chacune et à chacun la possibilité d'en cueillir les fruits. C'est pour engager la France sur la voie d'une société plus ouverte, créative et fraternelle, que notre majorité fait le choix de revaloriser le travail et de soutenir le pouvoir d'achat des Françaises et des Français. C'est pourquoi nous avons voté la bascule des charges pesant sur les salaires vers la CSG, assise quant à elle sur l'ensemble des revenus, ainsi que l'exonération pour 80 % des ménages d'un impôt injuste, le rapporteur général l'a rappelé, à savoir la taxe d'habitation. Le Sénat a quant à lui supprimé cet article ; nous le rétablirons.

Mais n'oublions pas que parmi les acteurs et les lieux de la solidarité, la famille figure en bonne place. Le Sénat a reconnu l'importance de revenir sur le plafond du quotient familial, abaissé durant la période précédente. Le sujet avait d'ailleurs été relancé par le Président de la République quand il était candidat. Cette politique est un signal fort envoyé aux familles, elle encourage la natalité et constitue une véritable force pour la France. Nous serons, là aussi, amenés à faire des propositions.

La solidarité doit également se retrouver dans tous les territoires sans distinction. Le Sénat a supprimé le dispositif proposé par le groupe MODEM, par la voix de son président, Marc Fesneau. Adopté en première lecture, il introduisait un abattement de taxe foncière pour les petits commerces. Ce dispositif vise à répondre à des fractures territoriales de plus en plus prégnantes et à donner plus de liberté aux communes. C'est pour soutenir la vitalité de ces centres-bourgs et de nos communes que nous continuerons à défendre cette mesure en deuxième lecture. C'est aussi dans cet esprit que nous appuierons la proposition du rapporteur général visant la DCRTP – la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle – pour que ne soient pas oubliées dans ce budget les communes des territoires ruraux.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe MODEM votera ce premier budget du quinquennat, au rendez-vous des engagements que ses élus ont pris devant les Français. C'est donc la première étape de notre projet pour la France.

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