Je vais à répondre à quelques-uns des propos qui viennent d'être tenus, ce qui tiendra lieu d'explications aux avis que j'émettrai sur les amendements à venir.
Premier élément : l'État ne fait pas rien. Il agit au contraire très concrètement. La situation que les uns et les autres ont décrite n'est évidemment pas acceptable. On emploie le terme de maltraitance : je parle plus souvent de violences – et vous avez vous-mêmes, pour plusieurs d'entre vous, utilisé le mot –, celles que subissent les enfants de la part d'adultes, parfois les violences constatées entre eux ou encore les violences commises par l'institution.
La première chose que j'ai faite, je vous l'ai dit en commission, est de demander aux préfets de se rapprocher des présidents des conseils départementaux afin de s'assurer qu'il existe bien, entre les établissements et les départements, des procédures de signalement de ces phénomènes de violence au sein des établissements. Je vous ai communiqué en commission les chiffres de l'année 2019 – j'attends encore ceux de 2020, année quelque peu perturbée, les préfectures ayant été assez chargées –, pour vous dire qu'on a compté 368 incidents et que dans 35 % des cas le préfet a estimé que la décision prise par le département n'était pas suffisante : il a donc été plus loin en déclenchant une inspection, des contrôles conjoints ou en procédant lui-même à des retraits d'agréments.
La deuxième chose que j'ai demandée aux préfets – et ils doivent nous en rendre compte chaque année – est de s'assurer que les départements sont bien dotés de plans de contrôle de leurs établissements. C'est le cas de seulement un tiers d'entre eux, ce qui est insuffisant. Les préfets ont donc exigé des départements qu'ils mettent en place un plan de contrôle, étant entendu que, dans trois quarts des cas, des visites inopinées sont réalisées dans les établissements.
Deuxième élément : tout ce qui a trait au renforcement du contrôle des antécédents judiciaires, que nous venons d'évoquer, je n'y reviens donc pas, contribue à sécuriser les enfants dans les établissements.
Troisième élément : plusieurs départements qui ont pris cette question à bras-le-corps profitent de la contractualisation qui, elle aussi, produit des effets très concrets, pour renforcer les systèmes de contrôle et de sécurisation des enfants dans les établissements. L'Allier, par exemple, à travers la contractualisation, a créé une autorité départementale indépendante, lancé tout un plan de formation auprès de ces professionnels, ou encore élaboré un référentiel sur la qualité de l'accueil.
Enfin, je rappelle, après M. Ruffin, sauf erreur, que vous avez complété cet article en commission. Le contenu minimal de la politique de lutte contre maltraitance et de promotion de la bientraitance « est défini par décret, qui comprend l'identification d'une autorité tierce extérieure à la structure et indépendante du département vers laquelle les personnes accueillies peuvent se tourner en cas de difficulté ainsi que les modalités d'affichage des documents, notices et services d'informations affichés dans les établissements ». Aussi avez-vous adopté le principe de cette personne tierce.
Plusieurs solutions sont envisageables. Il existe déjà un système pour tous les établissements médico-sociaux spécialisés dans le handicap mais probablement valable pour tous les établissements médico-sociaux, à savoir la désignation par le préfet d'une personnalité qualifiée dans le département pour faire office de cette personne tierce, solution qu'on pourrait appliquer aux établissements de la protection de l'enfance.
M. Ruffin a évoqué une autre solution, sur laquelle je n'ai pas à me prononcer puisqu'il s'agit d'une autorité indépendante. Le Défenseur des droits dispose de 500 référents sur le territoire. Encore une fois, ce n'est pas à moi d'en décider, mais ils pourraient également remplir cet office. En la matière, les décisions seront prises par décret.
De même, madame Goulet, nous avons longuement évoqué les normes et les taux d'encadrement que nous voulions intégrer à la loi, mais qui relèvent du domaine réglementaire. Il s'agit d'un sujet complexe. Le Conseil national de la protection de l'enfance a formulé des propositions, non pas tant sur les taux d'encadrement, que sur la qualification des encadrants, et sur la présence des éducateurs pendant la nuit – on sait qu'il y a de plus en plus, non d'accompagnants éducatifs, mais de veilleurs de nuit. Je vous ai dit en commission que nous allions travailler sur tous ces sujets.
La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a lancé une étude il y a environ un mois et demi pour recenser les bonnes pratiques, afin d'enrichir notre réflexion. Si l'on y ajoute les travaux du Conseil national de la protection de l'enfance, le décret concernant les normes et les taux d'encadrement sera prêt au moment de la promulgation de la loi afin que le dispositif soit opérant.
J'en viens, monsieur Ruffin, à votre idée d'agence ou d'autorité de l'État sur le modèle, si j'ai bien compris, de ce qui existe pour les lieux de privation de liberté avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. La protection de l'enfance, ce sont 2 000 établissements et plus de 40 000 assistants familiaux. Nous avons d'ailleurs, alors que je vous en ai fait la remarque en commission, un peu oublié de parler tout à l'heure des assistants familiaux à propos du droit de visite des parlementaires… Je veux bien qu'on crée une structure, une agence, pour contrôler ces 2 000 établissements et ces 40 000 assistants familiaux, mais si, à cette fin, on disposait, comme le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, d'une équipe de trente-trois équivalents temps plein (ETP), chaque établissement de la protection de l'enfance ne serait contrôlé qu'une fois tous les onze ans.
Chacun doit donc se responsabiliser. Je pense aux associations, que je n'ai pas encore évoquées et par lesquelles j'aurais pu commencer car elles ont une responsabilité. Certaines disposent d'un plan de prévention de lutte contre la maltraitance – il faut en généraliser le principe et les départements doivent se montrer plus exigeants vis-à-vis d'elles en la matière, ce que prévoit du reste l'article 5 du présent texte. Je pense aussi aux départements eux-mêmes et à l'État, par le truchement du préfet, avec la possibilité donnée aux enfants de se tourner vers une personnalité tierce extérieure et indépendante, en cas de violence subie ou constatée.
Le présent dispositif, qui me paraît donc assez complet, permettra d'améliorer la situation et la sécurité des enfants et de ne plus assister à ce que nous ont montré les documentaires ou nos expériences respectives.