Vous aviez comme objectif initial, et nous le soutenions, de stabiliser la dépense publique en volume en 2018 et, tendanciellement, de faire 20 milliards d'euros d'économies. C'était votre position lors du débat d'orientation budgétaire en juillet. Mais le résultat montre un effort très insuffisant en matière d'économies, puisque vous avez prévu dans le projet de loi de finances une augmentation de 0,5 % en volume de la dépense publique : entre les prévisions de juillet et celles de septembre, l'écart est déjà de 6 milliards ! En outre, mes chers collègues, cette augmentation de 0,5 % n'est pas représentative de la réalité, car il conviendrait d'y ajouter l'explosion des crédits d'impôt. Si l'on tient compte de cette hausse, les crédits d'impôt constituant une dépense au sens de la comptabilité nationale, l'augmentation en volume n'est pas de 0,5 %, mais de 0,9 %. L'écart entre les prévisions de juillet et la situation actuelle représente une somme de l'ordre de 10 milliards d'euros, c'est-à-dire la moitié de ce qu'il faudrait faire.
Enfin, ça y est, monsieur le ministre : la France a décroché la médaille d'or de la pression fiscale en Europe. En 2016, selon une étude de l'OCDE, les recettes fiscales englobant impôts et cotisations sociales ont représenté 47,6 % du PIB alors que la moyenne en zone euro est de 41,3 %. Nous avons doublé de justesse le Danemark – 47,3 % – , mais c'est fait. Certes, vous n'y êtes pour rien puisque ce sont les chiffres de 2016, mais je constate qu'on ne baisse pas sensiblement les prélèvements obligatoires. Nous allons donc conserver cette médaille d'or car, partout en Europe, on réduit les dépenses publiques et la pression fiscale.
Cette faible réduction des déficits est contraire à nos engagements européens. Notons que la réduction des déficits publics structurels est vraiment très faible : 0,1 point de PIB, c'est-à-dire 2 milliards, alors que nous devrions atteindre 0,5 point, soit 10 milliards à 11 milliards. Ce qui est grave, dans le projet de loi de programmation, c'est qu'on n'atteint jamais cet objectif de 0,5 % : la moyenne s'établit à peine à 0,3 %. Le déficit public devrait, lui, atteindre 2,8 % d'après vos nouveaux calculs de l'évolution du PIB, ce qui est très supérieur à la moyenne européenne. Il faut bien se rendre compte que nous sommes encore le mauvais élève de la classe. Notre pays était déjà le dernier, avec l'Espagne, à être en procédure de déficit excessif, et ce taux de 2,8 % ne nous permettra pas de commencer à réduire notre ratio d'endettement par rapport au PIB, contrairement à l'ensemble des autres pays européens. L'hypothèse que vous retenez selon laquelle les collectivités territoriales consacreront la totalité de l'amélioration de leur capacité d'autofinancement au remboursement de leur emprunt au-delà de leur désendettement normal est totalement irréaliste. Non seulement cette faible réduction du déficit structurel ne correspond pas à nos engagements européens, mais elle entraîne des risques de dérapage significatifs par rapport à l'objectif à moyen terme, l'OMT, défini par la Commission européenne. Ce dernier point a d'ailleurs été souligné lors des deux auditions du commissaire européen Pierre Moscovici, qui a notamment rappelé l'extrême fragilité de la situation budgétaire française.
Votre politique budgétaire est insuffisante pour permettre de sortir des risques chroniques que connaît le budget de la France. Vous faites un effort dans cette loi de finances pour 2018 en réduisant les sous-budgétisations récurrentes, à hauteur de 3 milliards d'euros, mais cet effort n'est toujours pas achevé. Elles demeurent importantes. Ainsi, vous ne prévoyez que 200 millions supplémentaires pour porter à 650 millions les crédits des opérations extérieures alors qu'à la fin 2017, l'estimation du coût des OPEX s'élevait à 1,5 milliard. Pourquoi n'êtes-vous pas allé au bout en budgétant 750 millions à 850 millions de plus ? Quant au coût du contentieux lié à l'annulation de la contribution de 3 % sur les dividendes, soit entre 11 milliards et 12 milliards avec les intérêts, vous n'en comptabilisez que 5 milliards alors que vous savez que fin octobre 2017, 7,2 milliards de demandes de remboursement étaient d'ores et déjà déposées.
S'agissant de la contractualisation avec certaines collectivités territoriales, je pense que vous faites fausse route. En effet, le Gouvernement fait principalement peser l'effort de maîtrise des dépenses publiques sur les collectivités locales, espérant, sous l'effet du pacte financier qu'elles ont passé avec l'État, économiser 3 milliards d'euros environ selon vos prévisions initiales. Mais les faits sont têtus : comment des contrats mis en oeuvre à partir de 2018 pourraient-ils produire des effets dès l'année prochaine ? Ils n'en produiront au plus tôt qu'en 2019, voire en 2020. Dans l'amendement que vous venez de déposer à l'article 24 du projet de loi de programmation, vous souhaitez limiter l'évolution des dépenses réelles de fonctionnement à 1,2 % en valeur et à périmètre constant sur la période 2018-2022, en escomptant une économie annuelle de l'ordre de 2,6 milliards, soit 13 milliards sur la période ; mais votre dispositif présente un très grave risque d'inconstitutionnalité au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales.
Concernant le projet de loi de finances pour 2018, je l'ai dit déjà à plusieurs reprises : les économies sont insuffisantes, il faudrait en faire 20 milliards comme vous le déclariez en juillet, et vous n'en faites qu'à peine la moitié. Et on n'y trouve même que partiellement les 7 milliards annoncés. Dans les économies portant sur les crédits affectés au logement, vous avez dû vous-même aménager un dispositif totalement inadapté : vous allez vers une grave crise du logement, et pas seulement du fait de l'inadaptation de la baisse de L'APL sur les seuls HLM, mais aussi du fait du maintien de l'IFI et de la non-mise sous flat tax des revenus du patrimoine immobilier. Une vraie politique en matière de logement consisterait à réorganiser les 717 organismes de HLM.