Intervention de Thomas Mesnier

Séance en hémicycle du jeudi 15 juillet 2021 à 9h00
Débat d'orientation des finances publiques pour 2022

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThomas Mesnier, rapporteur général de la commission des affaires sociales :

Nous sommes réunis aujourd'hui pour le dernier débat d'orientation des finances publiques de la législature. Ce débat intervient dans un contexte d'incertitude au regard de la situation sanitaire, ce qui ne doit pas nous empêcher d'envisager avec sérieux et ambition l'après-crise.

Depuis le début de la pandémie, la sécurité sociale a montré qu'elle était plus que jamais indispensable à notre pays. Notre modèle de protection sociale a tenu au plus fort de la tempête, en consacrant tous les moyens nécessaires à la lutte contre le virus et en contribuant au soutien massif de notre économie. L'état des comptes de la sécurité sociale, revenus à un niveau proche de l'équilibre en 2019, traduit aujourd'hui principalement la gravité de la crise sanitaire. Le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) a atteint près de 39 milliards d'euros en 2020, soit un montant sept fois supérieur à celui envisagé dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. C'est tout simplement du jamais-vu.

À titre de comparaison, le déficit qui avait été enregistré en 2010 avait atteint « seulement » 28 milliards d'euros. On peut toutefois se consoler en rappelant que la dernière loi de financement de la sécurité sociale prévoyait un déficit de 49 milliards d'euros pour l'exercice 2020, l'écart étant essentiellement dû à des recettes meilleures que prévu. Cette bonne surprise dans cette période troublée témoigne à mon sens de l'efficacité des mesures de soutien à l'économie que nous avons prises.

Si toutes les branches du régime général ont été déficitaires l'an dernier, la branche maladie est de loin celle qui porte, sans surprise, les stigmates les plus visibles de la crise sanitaire, avec un déficit de plus de 30 milliards d'euros. L'augmentation de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) de 14 milliards d'euros par rapport à ce qui avait été voté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 est le résultat de l'amplification par rapport à la prévision des mesures prises pour endiguer l'épidémie et renforcer notre système de santé : compensation des pertes de recettes d'activité des établissements de santé et établissements médico-sociaux, prise en charge des tests de dépistage, dotation exceptionnelle allouée à Santé publique France, dont le budget a décuplé, versement de primes pour les personnels des établissements de santé et médico-sociaux, hausse des rémunérations des personnels soignants et non-soignants en application des accords du Ségur, etc. La liste est longue.

Notre majorité a ainsi fait le choix, au plus fort de la crise, de consolider notre système de santé. Elle a aussi fait le choix – je le rappelle alors que cette mesure est entrée en vigueur il y a seulement quinze jours – d'offrir à tous les hommes de notre pays la possibilité de prendre un congé paternité prolongé, et donc d'offrir à toutes les mères un soutien affirmé dans une période souvent délicate. Ce choix, d'un montant de 500 millions d'euros en année pleine, c'est bien celui de la prévention précoce et de l'égalité entre les femmes et les hommes au moment même où le virus mettait notre cohésion sociale à rude épreuve.

On ne saurait toutefois se focaliser uniquement sur ces dépenses au regard de l'amplitude de la réponse apportée par notre protection sociale. Les amortisseurs sociaux, dans toutes leurs dimensions, ont pleinement joué leur rôle. L'activité partielle, en particulier, a permis de compenser les pertes de revenus de plusieurs millions de salariés, pour un montant qui a atteint plus de 27 milliards d'euros en 2020. Exonéré de cotisations sociales, ce recours massif explique une partie très importante de la chute des recettes de la sécurité sociale en 2020 et a également eu un impact massif sur les comptes de l'UNEDIC, qui en a financé le tiers.

Du côté des recettes, justement, des efforts considérables ont également été réalisés pour préserver notre économie. Des reports, puis des exonérations de cotisations sociales, dont je précise qu'elles ont été intégralement compensées par l'État à la sécurité sociale, ont été immédiatement décidés pour soutenir les entreprises les plus affectées par les restrictions sanitaires, à hauteur de 8 milliards d'euros.

Je tiens à saluer à nouveau la réactivité, à ce titre, de la branche « recouvrement » et donc du réseau des URSSAF, qui a su se mobiliser très rapidement, répondre aux attentes de milliers d'entreprises et faire face à la variété des activités concernées par les conséquences de la crise sanitaire. Je les sais maintenant concentrés sur l'accompagnement des entreprises vers ce qui sera bientôt, je l'espère, la sortie de crise.

Compte tenu du rebond épidémique du printemps dernier et de la perspective d'une quatrième vague, les finances sociales sont et seront encore fortement sollicitées cette année. Ainsi, les dépenses du régime général et du FSV devraient croître de l'ordre de 5 % en 2021 selon la commission des comptes de la sécurité sociale, qui a rendu son rapport au début du mois. Cette tendance serait alimentée, en particulier, par les dépenses exceptionnelles de gestion de la crise : l'ONDAM pourrait dépasser de 9 milliards d'euros l'objectif inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. À cela s'ajouteront les nouvelles mesures de revalorisation issues du Ségur de la santé, qui représentent un effort supplémentaire de 6,3 milliards d'euros par an, auquel s'ajoutera 1,4 milliard de soutien à l'investissement.

Aussi élevées soient-elles, ces dépenses sont incontournables pour sortir de la crise sanitaire, mettre en œuvre un plan inédit d'investissement et de revalorisation des carrières à l'hôpital, et enfin permettre la reprise de l'activité économique. Elles ne doivent toutefois pas faire oublier la nécessité de poursuivre, à terme, les efforts de maîtrise de la dépense publique qui ont marqué le début de cette législature.

Dans la mesure où il représente un quart des dépenses publiques, notre système de retraites, dont les comptes resteront durablement dans le rouge en l'absence de nouvelles mesures, devra faire l'objet d'une réflexion approfondie sur les conditions de son retour à l'équilibre financier, si nous tenons à préserver notre modèle social sans augmenter les prélèvements obligatoires ni notre endettement. Pour être sereine, cette réflexion ne pourra aboutir que lorsque la crise sanitaire sera sous contrôle.

La maîtrise des dépenses sociales passera également par une amélioration de leur pilotage. La création l'an dernier d'une cinquième branche de la sécurité sociale dédiée au soutien à l'autonomie répond naturellement à cet objectif. Dans le contexte du vieillissement de notre population, elle permettra de consolider la prise en charge de la dépendance de nos aînés, mais aussi des personnes en situation de handicap.

Cette évolution pourrait s'inscrire dans un cadre rénové d'examen des lois de financement de la sécurité sociale. Mis en place en 1996, réformé substantiellement pour la dernière fois en 2005, le cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale mérite aujourd'hui d'être modernisé. La crise sanitaire a mis en exergue quelques-unes de ses lacunes. C'est pourquoi, dans le prolongement de nombreux travaux engagés depuis plusieurs années par différents acteurs, j'ai déposé en mai dernier deux propositions de loi, l'une organique, l'autre ordinaire, que nous examinons aujourd'hui en commission spéciale, afin de rénover en profondeur le pilotage des finances sociales.

Ces textes répondent à trois objectifs. Tout d'abord, il s'agit de renforcer l'information du Parlement sur l'état des comptes sociaux, en repensant en profondeur les annexes jointes au projet de loi de financement. Je souhaite ensuite que les parlementaires puissent mieux s'approprier les lois de financement de la sécurité sociale, en consacrant au printemps un temps spécifique à l'approbation des comptes de l'année précédente ou encore en alignant la date de dépôt du projet de loi de financement sur celle du projet de loi de finances, de manière à permettre l'exercice du droit d'amendement dans de meilleures conditions qu'aujourd'hui.

Je souhaite que cette respiration démocratique comprenne également les relations avec les partenaires sociaux. Les caisses de la sécurité sociale doivent ainsi pouvoir prendre plus de temps pour remettre des avis motivés et approfondis aux parlementaires eux-mêmes, afin d'établir des ponts entre démocratie représentative et démocratie sociale.

Il me semble, enfin, que l'existence d'un texte financier social récurrent doit nous inviter à réinterroger à la fois son champ et sa place par rapport aux autres textes. Il ne me paraît ni normal, ni souhaitable que la loi de financement ne présente pas d'informations plus consolidées ou s'interdise certains débats – comme ceux sur la dette des établissements de santé – alors même que nous discutons de nombreux aspects de leur financement. Il me paraît également nécessaire que soit réservée aux lois de financement la pérennisation de nouvelles mesures d'exonération, qui devraient au préalable être plus systématiquement évaluées, afin d'en faire une véritable « vigie » des finances sociales. Nous aurons ainsi l'occasion d'adopter dès cet après-midi en commission spéciale et dès lundi dans l'hémicycle un cadre organique rénové, étendu et plus respectueux des droits du Parlement.

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