Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du jeudi 15 juillet 2021 à 9h00
Débat d'orientation des finances publiques pour 2022

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Le débat d'orientation des finances publiques constitue un rituel budgétaire. Nous regrettons qu'il se tienne, cette année, au lendemain du 14 juillet, ce qui ne concourt certainement pas à la publicité de nos travaux. Cette situation est d'autant plus dommageable qu'il aura rarement été aussi difficile de tracer les perspectives financières pour le prochain budget : cet exercice annuel est perturbé par le contexte, rempli d'incertitudes, et par l'état dégradé des finances publiques. Avec un PIB de 2 300 milliards, un endettement de 2 600 milliards, et des dépenses publiques supérieures à 1 470 milliards d'euros, on comprend que les choses ne sont pas simples et que les marges de manœuvre sont inexistantes.

Je ne reviendrai pas sur le coût et la pertinence des mesures d'urgence : nous avons estimé qu'elles étaient nécessaires et nous confirmons cette opinion. Vous annoncez in extremis une hausse des dépenses pilotables de 10,6 milliards. Vous êtes déjà tenus par des dépenses inscrites dans différentes lois de programmation : 1,7 milliard d'euros pour la défense, 320 millions pour la justice et 470 millions pour la recherche. À cela s'ajoutent les dernières annonces du Président de la République. Je pense notamment au revenu d'engagement, aux contours encore flous, qui viendrait se substituer à la garantie jeunes – laquelle n'est pas réellement universelle. Le coût de la mesure se monterait, si nous avons bien compris, à plus de 2 milliards d'euros.

D'autres propositions vont dans le bon sens. Notre groupe tient ainsi à rappeler son soutien aux mesures dédiées aux enseignants et aux jeunes cherchant un emploi. Il n'est toutefois pas interdit de s'interroger sur le coût de ces mesures et sur leurs modalités de financement. À cet égard, notre groupe ne peut que s'inquiéter de l'absence de pistes claires. Qui paiera la dette liée à l'épidémie de covid-19 ? Comment rattraper le retard accumulé ? Ce sont là des questions essentielles, et même centrales.

Nous n'entrevoyons pour l'heure aucune réponse, d'autant que vous avez renoncé – à juste titre – au projet consistant à supprimer 120 000 postes de fonctionnaires et que vous ambitionnez désormais de stabiliser l'emploi public. Vous avez en outre déjà octroyé 2,6 milliards d'euros de mesures catégorielles dans le cadre de votre politique salariale. Les économies ne viendront donc pas de ce côté. Par ailleurs, la croissance prévisionnelle, même revue à la hausse et portée à 6 % – de façon fort hypothétique, d'ailleurs – ne permettra pas de financer ces nouvelles mesures.

Il faut donc trouver d'autres voies. Le FMI et l'OCDE proposent une hausse des dernières tranches du barème des successions ou la création d'une contribution exceptionnelle pour les personnes physiques les plus aisées. Ces pistes devront sans doute être explorées. Vous avez signifié votre opposition à toute hausse de la fiscalité – même si vous avez prolongé la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), ce qui correspond à une hausse d'impôt implicite. Il est pourtant nécessaire d'instaurer une dose de solidarité fiscale dans votre stratégie de reprise, comme il serait nécessaire de concentrer l'effort d'investissement – qui s'inscrira notamment dans le plan d'investissement promis pour septembre – sur les secteurs offrant un fort effet de levier et présentant des incidences structurelles. Je pense aux infrastructures, aux énergies renouvelables ou à la nécessaire réindustrialisation du pays.

Dans la même logique, pour accentuer la solidarité entre l'État et les collectivités, notre groupe recommande de renforcer la dimension territoriale du plan de relance : comme nous l'avons souligné à plusieurs reprises, certains territoires particulièrement touchés, comme la Corse ou les collectivités d'outre-mer, doivent bénéficier d'aides adaptées.

Le prochain PLF devra également donner la priorité à la transition écologique. Le groupe Libertés et territoires salue l'important volet environnemental du plan de relance, même si le budget 2021 contient encore trop de dépenses défavorables à l'environnement. Nous nous demandons d'ailleurs, monsieur le ministre, comment vous comptez limiter le poids de la fiscalité brune, qui ira probablement à l'encontre des efforts de verdissement du budget.

Je constate par ailleurs que le calendrier des réformes structurelles, notamment de celle des retraites, reste lointain. Il est vrai qu'il ne paraît pas souhaitable de mener une telle réforme maintenant, alors que les effets de la crise sont loin d'être éteints et que les acteurs économiques ont besoin de stabilité.

L'exercice 2022 reste donc flou et le rapport préparatoire transmis par le Gouvernement ne permet pas d'alimenter notre réflexion : alors que son tome 2 comptait près de cent pages en 2017, il se limite cette année à cinq pages, dont deux pages blanches, auxquelles il faut ajouter deux rapports remis aujourd'hui à cinq heures du matin ! Difficile, dans ces conditions, d'apprécier la situation.

Je terminerai donc en formulant deux vœux pieux : que le Gouvernement fasse preuve de davantage de transparence dans les mois à venir et surtout qu'il ne fasse pas du budget 2022 un budget marqué par l'élection présidentielle, mais un projet en vue du redressement et de la reprise.

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