Intervention de Alexandre Holroyd

Séance en hémicycle du jeudi 15 juillet 2021 à 9h00
Débat d'orientation des finances publiques pour 2022

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandre Holroyd :

L'histoire est jalonnée de transformations profondes de la société, engagées au lendemain de drames, de crises ou de guerres – autant de moments où les vents puissants permettent aux timoniers habiles d'engager des évolutions plus nettes et plus rapides. Ces évolutions sont les jalons principaux de l'histoire, souvent pour le meilleur, mais aussi, parfois, pour le pire. Aussi, s'il est essentiel, cette année, de redoubler d'audace face aux défis qui nous font face, il est également primordial de le faire avec prudence, en gardant à l'esprit que les décisions que nous prenons aujourd'hui engagent non seulement l'avenir de nos enfants, mais aussi leur liberté de faire leurs propres choix.

Une prospective n'a aucun sens sans contexte : pour comprendre où l'on va, il faut comprendre d'où l'on vient. L'année 2020, hors normes à tous les égards, a nécessité le déploiement de dispositifs d'une ampleur exceptionnelle au plan budgétaire. Il est essentiel de rappeler que si nous avons pu assurer la sécurité sanitaire et économique des Français pendant la crise, c'est précisément parce que, pendant les trois années précédentes, nous nous en sommes donné les moyens.

Grâce aux réformes que nous menons depuis le début du quinquennat, la France a pu aborder la crise liée à la covid-19 dans de bonnes conditions économiques et financières : entre 2017 et 2019, la croissance s'est élevée en moyenne à 2 % par an. Sur la même période, l'endettement public et le taux de prélèvements obligatoires rapporté au PIB ont tous deux décru, avec une baisse de fiscalité de 40 milliards d'euros en quatre ans : plus de taxe d'habitation pour les Françaises et les Français, moins d'impôt sur le revenu pour les classes moyennes, moins de charges sociales sur le labeur pour les travailleurs, moins de prélèvements sur leur épargne et moins d'impôts pesant sur les entreprises qui les emploient.

Soyons lucides : c'est la crédibilité retrouvée de notre pays, devenu le premier récipiendaire d'investissements étrangers en Europe, qui a permis le « quoi qu'il en coûte ». Cette crédibilité est le fruit des réformes engagées en 2017, mais aussi d'un sérieux budgétaire assumé. Notre volonté de maîtriser la dépense publique a permis à la France de sortir en 2018 de la procédure de déficit excessif dans laquelle elle était engluée depuis trop longtemps. C'est à ce prix – trois ans de réformes et d'efforts – que nous avons pu sécuriser la crédibilité de notre pays, donc ses marges de manœuvre pour faire face aux dépenses exceptionnelles qui ont été et sont encore nécessaires pour protéger les Français.

Ce constat, nous devons nous en féliciter, bien sûr, mais nous devons également penser l'avenir à son aune. Il y a un siècle, la der des der ne fut pas la dernière guerre. Aujourd'hui, il serait tout aussi naïf – pour ne pas dire irresponsable – d'imaginer que d'autres crises, imprévisibles par nature, ne viendront pas à nouveau nous mettre à l'épreuve. Notre devoir, c'est de nous assurer que la France sera alors en mesure de réagir avec autant d'efficacité qu'elle l'a fait durant les dix-huit derniers mois. Notre responsabilité, c'est d'assurer qu'une politique massive de soutien à l'activité économique, au maintien de l'emploi et à la protection de tous nos concitoyens sera possible en 2025, en 2030 ou en 2035 comme elle l'a été en 2020.

Évidemment, les conséquences de la crise sur nos finances publiques sont immenses : en 2020, le déficit public s'élève à 9,2 % de notre richesse nationale et l'endettement s'est accru de 18,1 points – des proportions sans précédent dans l'histoire contemporaine. Cette déflagration budgétaire, c'est le prix de la solidarité et de la protection, au moment où la nation en a le plus besoin depuis trois quarts de siècle, mais c'est aussi le coût du redémarrage et de la transformation de l'économie. En décembre 2020, nous avons engagé cette transformation en entérinant un plan de relance inédit de 100 milliards d'euros : 30 milliards pour financer la transition écologique, 34 milliards pour améliorer notre compétitivité et créer des emplois et 36 milliards pour renforcer la cohésion de la société et des territoires.

Le plan France relance, c'est le choix d'une économie décarbonée à même d'affronter les défis considérables du XXIe siècle. C'est aussi une réalité concrète, de Marseille à Dunkerque en passant par Gustavia. En juin, déjà, plus de 10 000 dossiers MaPrimeRénov' ont été acceptés dans le Nord pour rénover des logements, plus de 16 000 bonus écologiques à la conversion ont été versés dans les Bouches-du-Rhône pour encourager les mobilités vertes, 23 projets industriels ont été soutenus en Saône-et-Loire, et 50 000 aides à la numérisation ont été versées aux très petites entreprises (TPE) et PME – petites et moyennes entreprises – partout sur le territoire. Du quotidien de nos concitoyens aux tableurs de Bercy et de Bruxelles, sans oublier les prévisions de la Banque de France, la relance est là, indéniable et enthousiasmante.

Elle est là grâce à l'action du Gouvernement et de la majorité, mais aussi grâce à un miracle : trois dixièmes de millilitre dans une seringue, un vaccin qui sauve des vies par millions et nous permet d'espérer que, après la fin du commencement de la crise, nous vivons dorénavant le commencement de sa fin.

Aussi regardons-nous chaque jour avec plus de confiance vers demain, vers l'année prochaine, vers l'avenir. C'est pour cette raison que le débat que nous avons aujourd'hui est d'une telle importance. Émancipés de l'immédiat, nous devons maintenant commencer à reconstruire notre capacité à affronter l'imprévu.

Quelle stratégie pour l'avenir de nos finances publiques ? Il faut tout d'abord approfondir la consolidation de notre compétitivité en persévérant dans notre volonté de mener à bien les réformes nécessaires.

Depuis 2017, bien des chantiers ont été ouverts : baisse de notre fiscalité écrasante, refonte de la formation professionnelle, adoption de l'assurance chômage, transformation des retraites. Ils sont toujours d'actualité. Nous devons les poursuivre en prenant bien évidemment en considération les événements qui ont ébranlé le monde. Directement ou indirectement, tous ces chantiers sont essentiels au redressement de nos finances publiques.

Monsieur le ministre délégué, permettez-moi de m'affranchir entièrement, pour quelques instants, de la clôture thématique qui encadre traditionnellement cet exercice. Le jour où la République réussira à tenir la promesse – plus importante que toute autre transformation, réforme, évolution fiscale ou mesure d'économie – d'une éducation nationale d'excellence pour toutes et tous, le jour où nous garantirons à chaque enfant entrant dans le système éducatif le meilleur enseignement, la meilleure formation pour lui indépendamment de ses origines, ce jour-là nous pourrons être parfaitement sereins sur les perspectives sociales mais également économiques et financières de notre pays – fin de la digression.

La crise économique s'estompe, les mesures d'urgence mises en place en parallèle pour y répondre doivent faire de même. Toute hausse de dépense publique doit dorénavant se concentrer exclusivement sur des investissements au sens propre du terme. Pour ce faire, nos finances publiques doivent être mieux encadrées et plus lisibles dans le temps long – mais aussi plus lisibles au sens premier, c'est-à-dire intelligibles. C'est le sens de la proposition de loi organique défendue par le président de la commission des finances et le rapporteur général du budget que nous examinerons cet après-midi en commission.

L'organisation de l'action publique, les responsabilités et les ressources de chacun, y compris des collectivités, doivent être clarifiées. La loi dite 4D – différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification – y contribuera, ce qui est salutaire.

Enfin, un débat sur les finances publiques ne saurait se tenir sans qu'il y soit fait référence au cadre européen dans lequel nous évoluons. Les décisions courageuses prises par le Président de la République pour lutter contre la crise sanitaire doivent nous rappeler une règle d'airain de toute communauté : la solidarité collective a pour corollaire indissociable la responsabilité individuelle, une exigence qui vaut aussi entre États européens. La solidarité européenne s'est ainsi clairement manifestée au cœur de la crise à travers l'immense avancée que constitue l'émission d'une dette commune.

Alors que débute le débat sur la refonte de nos règles d'encadrement budgétaire, notre capacité à entériner cette solidarité européenne sera proportionnelle à notre faculté de renforcer notre modèle social et économique tout en redressant nos finances publiques. C'est le défi auquel nous sommes confrontés. Relevons-le ensemble.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.